Articles de jurisactuubs

  • le Guichet électronique des formalités d’entreprises (dit Guichet Unique) hébergé et géré par l’INPI

    La loi PACTE du 22 mai 2019 a instauré le Guichet Unique afin de simplifier et regrouper les formalités à effectuer électroniquement tout au long de la vie d’une société (création, dépôt des comptes annuels, de brevets, modifications sociales, cessation d’activité…).  Depuis le 1er janvier 2023, son emploi est obligatoire pour tous les professionnels.

    Après plus d’un an de mise en service, il est temps de faire le point sur son utilisation pratique avec Monsieur Clément STEPHAN, doctorant en droit privé et chargé d’enseignement vacataire.

     

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  • Crédit d'impôt au titre des investissements en faveur de l'industrie verte - « C3IV » (art. 35 de la loi de finances 2024)

    Maître Randuineau, notaire spécialisé dans le droit des sociétés et le droit fiscal, a accepté de partager son analyse sur le crédit d’impôt au titre des investissements dans l’industrie verte. Cette mesure, clé dans le contexte actuel de transition énergétique, suscite un intérêt grandissant parmi les acteurs économiques et les observateurs du monde environnemental.

    1. Quelles sont les motivations principales liées à la création du C3IV ?

    D’après Monsieur Bruno LE MAIRE, Ministre de l’Économie, des Finances et de la Souveraineté industrielle et numérique, ce dispositif simple à mobiliser renforcera la souveraineté énergétique de la France et stimulera l’innovation dans les technologies vertes. Et ainsi le financement des industries qui contribuent à la transition vers une économie décarbonée qui est l’une des quatre priorités du projet de loi relatif à l’industrie verte présenté en Conseil des ministres le 16 mai 2023.

    1. Quelles sont les conditions d’éligibilité pour les entreprises qui souhaitent bénéficier du C3IV ?

    1. D’une part concernant les types d’entreprises :

    • Ne pas être une entreprise en difficulté au sens de l’article 2 du règlement (UE) n°651/2014

    • S’engager à respecter ses obligations fiscales et sociales et l’obligation de dépôt de ses comptes annuels au titre de chacun des exercices au titre duquel le C3IV sera imputé

    • Exploiter les investissements éligibles au C3IV dans le cadre d’une activité ayant obtenu les autorisations requises par la législation environnementale, et se conformer à cette législation

    • S’engager à exploiter, en France, les investissements éligibles au C3IV pendant 5 ans au moins à compter de la date de leur mise en service (durée réduite à 3 ans pour les PME)

    • S’engager à ne pas transférer, dans les 5 exercices, leur activité hors du territoire national

     

    • Ne pas avoir transféré vers le territoire national, au cours des 2 exercices précédant celui du dépôt de la demande d’agrément, d’activités identiques ou similaires à celles éligibles au C3IV, en provenance d’un Etat membre de l’UE ou d’un Etat partie à l’accord sur l’Espace économique européen.

    1. D’autre part les activités éligibles :

    Sont visées les activités contribuant à la production de batteries, de panneaux solaires, d’éoliennes ou de pompes à chaleur.

    Le texte délimite de façon précise pour chacun de ces domaines, les activités éligibles (II, A de l’article 35 de la LF). Ainsi, par exemple, pour la production d’éoliennes, est visée la fabrication de mats, de pales, de nacelles, de fondations posées et flottantes, de sous-stations électriques. Il en irait de même pour la fabrication de composants essentiels conçus et utilisés principalement comme intrants directs dans la production de ces équipements.

    Un arrêté conjoint des ministres chargés de l’économie et de l’industrie déterminera la liste des équipements, sous-composants et matières premières utilisés dans le cadre de ces activités.

    1. Quels types d’investissements sont éligibles au C3IV ?

    Seront retenues les dépenses (autres que de remplacement) engagées, entrant dans la détermination du résultat imposable, en vue de la production ou de l’acquisition des éléments suivants :

    • Eléments corporels : Bâtiments, installations, équipements, machines et terrains d’assise nécessaires au fonctionnement de ces derniers équipements, à la condition de ne pas avoir été acquis auprès d’une entreprise liée au sens de l’article 39-12 du CGI ;

    • Eléments incorporels : Droits de brevet, licences, savoir-faire ou autres droits de propriété intellectuelle, sous réserve du respect d’un certain nombre de conditions ;

    • Les autorisations d’occupation temporaire du domaine public constitutives d’un droit réel.

    L’assiette du crédit d’impôt est constituée du prix de revient majoré des taxes et frais de toute nature, à l’exception des frais directement engagés pour la mise en état d’utilisation du bien et minoré des aides publiques reçues à raison de ces dépenses.

    1. Quelles sont les principales différences entre le C3IV et les autres dispositifs d’aide à l’investissement ? Comment le cumul entre ce dispositif et les autres aides d’Etat sera contrôlé ?

    Afin de s’assurer de l’éligibilité et de la viabilité économique du projet d’investissement que souhaitent réaliser les entreprises concernées, le bénéfice du crédit d’impôt serait subordonné à l’octroi d’un agrément préalable dans les conditions prévues à l’article 1649 nonies du CGI, pris après avis conforme de l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (Ademe).

    Il peut être précisé, que s’agissant du cumul du C3IV avec d’autres aides d’Etat reçues au titre des dépenses éligibles, que :

    • Le montant total de l’aide ne peut excéder le taux maximum de soutien prévu par ce texte ;

    • Le montant total de l’aide ne peut excéder 100 % des coûts admissibles.

    1. Le plafond de 150 Me est-il suffisant pour inciter les grandes entreprises à investir dans l’industrie verte ?

    Le taux du C3IV devra être mentionné dans l’agrément préalable. Le taux de droit commun est certes de 20 %, mais il pourra être porté à :

    • 25 % pour les investissements réalisés dans les zones définies à l’Annexe 1 du décret n°2022-968 du 30 juin 2022, relatif aux zones d’aide à finalité régionale et aux zones d’aide à l’investissement des PME pour la période 2022-2027 (dans sa rédaction en vigueur au 1er septembre 2023) ;

    • 40 % pour les investissements dans les zones définies à l’Annexe 2 du décret susmentionné.

    Ces taux seront de surcroît majorés de :

    • 10 % pour les investissements réalisés par les Moyennes entreprises au sens de la règlementation européenne (moins de 250 salariés, CA annuel n’excédant pas 50 m€ ou total du bilan annuel n’excédant pas 43 m€) ;

    • 20 % pour les investissements réalisés par les Petites entreprises au sens de la réglementation européenne (moins de 50 salariés, CA annuel ou total du bilan annuel n’excédant pas 10 m€).

    Le montant total du C3IV est plafonné à 150 m€ par entreprise (200 m€ pour les investissements réalisés dans les zones définies à l’Annexe 1 du décret n°2022-968 du 30 juin 2022, relatif aux zones d’aide à finalité régionale et aux zones d’aide à l’investissement des PME pour la période 2022-2027 et 350 m€ pour les investissements réalisés dans les zones définies à l’Annexe 2 du décret susmentionné). Ce plafond s’appréciera en totalisant l’ensemble des aides d’Etat obtenues par des entreprises qui ne sont pas considérées comme autonomes.

    1. Quelles sont les modalités d’imputation du C3IV sur l’impôt sur le revenu ou sur les sociétés ?

    Le crédit d’impôt s’appliquera par fraction au rythme de l’engagement des investissements éligibles en appliquant à ces dépenses le taux de crédit d’impôt mentionné dans la décision d’agrément.

    Le montant du C3IV sera imputé sur l’IR/IS dû par le contribuable au titre de l’année/l’exercice au cours duquel ces dépenses sont exposées.

    Si le montant de la fraction du crédit d’impôt excède l’impôt dû au titre de l’année ou de l’exercice, l’excédent sera restitué. Aucun délai n’est spécifié par le texte à ce stade.

    Propos recueillis par Dorian GABORY

  • Précision sur l’étendue des préjudices réparés par une rente majorée dans le cadre d’un accident du travail

    (Cass. civ. 2, 1er février 2024, n° 22-11.448)

    L’accident du travail est devenu une thématique importante depuis la révolution industrielle. Dans une volonté de mieux apprivoiser les risques et ses conséquences en cas de réalisation, le droit de la protection sociale s’est développé. Il prévoit des règles préventives mais aussi d’indemnisation.

    En l’espèce, un maçon salarié a été victime d’un accident de travail le 6 février 2014. Il a été pris en charge par la caisse générale d’assurance maladie de la Réunion. La victime demande auprès de la juridiction chargée du contentieux de la sécurité sociale la reconnaissance d’une faute inexcusable de l’employeur ouvrant droit une rente majorée en vertu de l’article L.452-2 du Code de la sécurité sociale. Cependant, il demande aussi un complément des préjudices de la perte de gains professionnels futurs et au titre de l’incidence professionnelle.

    La Cour d’appel de Saint-Denis de la Réunion dans un arrêt du 21 juin 2021, a refusé d’indemniser de manière complémentaire à la rente majorée, les préjudices avancés par la victime. La victime se pourvoit en cassation estimant d’une part, que l’article L.452-3 du Code de la sécurité sociale permet l’indemnisation par l’employeur de préjudices supplémentaires à ceux indemnisé par la rente majorée. Elle argue que si la perte de gains professionnels est indemnisée par la rente, il demeure un préjudice non indemnisé entre la somme de la rente et le préjudice réel.

    D’autre part, concernant l’indemnisation au titre de l’incidence professionnelle, elle estime que la cour d’appel, pour refuser l’indemnisation a, à tort, justifié sa décision en indiquant « que l'incidence professionnelle résultant de l'incapacité permanente partielle subsistant à la consolidation était indemnisée par la rente allouée et majorée en raison de la reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur ». Selon la victime, la cour d’appel aurait dû différencier le préjudice « lié à la dévalorisation sur le marché du travail et à la nécessité de devoir abandonner son ancien métier » et celui « résultant de l'incapacité permanente partielle subsistant à la consolidation ». En conséquence, d’après le requérant, la cour d’appel aurait dû l’indemniser.

    Le requérant considère aussi que l’accident qui l’a rendu inapte à l’emploi de maçon, ne lui a pas permis de pouvoir prétendre à une promotion. La cour d’appel, en demandant la preuve d’une promotion imminente, a « privé sa décision de toute base légale ».

    La deuxième chambre civile de la Cour de cassation rejette les moyens du requérant. Elle estime dans un premier temps que le préjudice de gain professionnel a été indemnisé par la rente majorée.

    Pour fonder sa décision la Cour de cassation se base sur l’interprétation de l’article L.452-3 du Code de la sécurité sociale donnée lors d’une QPC du Conseil constitutionnel de 2010[1] ainsi que sa propre jurisprudence depuis 2009. Elle explique que depuis lors, que la rente représente la réparation « d'une part, des pertes de gains professionnels et de l'incidence professionnelle de l'incapacité, et d'autre part, du déficit fonctionnel permanent »[2]. Cependant, cette jurisprudence a évolué par deux arrêts du 20 janvier 2023[3]. Dorénavant la rente ne répare plus le déficit fonctionnel permanent. Celui-ci sera indemnisé de manière indépendante. Suivant ce fondement, la rente majorée avait déjà indemnisé les pertes de gains professionnels dus à l’incapacité permanente au jour de la consolidation. Elle ajoute que la différence de préjudice invoqué par le requérant est un préjudice futur impossible à indemniser.

    Sur le second moyen concernant le refus d’indemnisation de l’incidence professionnelle, la Cour de cassation se contente en fondant sa motivation sur l'article L. 452-3 du Code de la sécurité sociale, de reprendre les arguments de la cour d’appel. Ainsi pour être indemnisé de manière complémentaire sur l’incidence professionnelle, il faut prouver qu’une promotion, un avancement de carrière ou une création d’entreprise est imminent. Le préjudice ne serait être une promotion qu’il aurait pu éventuellement avoir avant la fin de sa carrière.

    Hugo SOUESME

    Sources :

    « AT/MP : la rente majorée ne répare pas la perte de gains professionnels futurs », La Semaine Juridique Social, n° 5, 6 février 2024, p. 69 (en ligne).

    L. BEDJA, « Réparation du préjudice : précisions de la Cour de cassation relatives à la perte de gains professionnels futurs et promotion professionnelle », Le Quotidien, du 7 février 2024, https://www.lexbase.fr/article-juridique/104681998-breves-reparation-du-prejudice-precisions-de-la-cour-de-cassation-relatives-a-la-perte-de-gains-prof


    [1]décision n° 2010-8 QPC du 18 juin 2010.

    [2]Crim., 19 mai 2009, pourvois n° 08-86.050 et 08-86.485, Bull. crim. 2009, n° 97.

    [3]Ass. plén., 20 janvier 2023, pourvois n° 20-23.673 et 21-23.947, publiés.

  • Principe de non-option des responsabilités contractuelle et délictuelle : illustration à propos du contrat de parking

    (Civ. 2e, 21 déc. 2023, n° 21-22.239)

    Dans un arrêt rendu par la deuxième chambre civile le 21 décembre 2023, la Cour de cassation explique le principe de non-option des responsabilités contractuelle et délictuelle.

    En l’espèce, le 11 novembre 2011, la passagère d’un véhicule a fait une chute et s’est blessée alors qu’elle marchait dans un parking souterrain, exploité par une société.

    Elle a alors assigné en responsabilité et indemnisation la société exploitant le parking et son assureur, sur le fondement de la responsabilité du fait des choses.

    La cour d’appel[1] a débouté la passagère de ses demandes d’indemnisation selon que la responsabilité susceptible d’être engagée n’était pas extracontractuelle, comme elle a pu le faire, mais contractuelle. En effet, selon les juges « la société qui met à disposition un espace de stationnement, et par conséquent organise et réserve des voies de circulation pour les piétons qui sortent des véhicules ou qui viennent les reprendre, qu’ils soient conducteurs ou non, conclut avec eux un contrat qui la rend débitrice d’une obligation de sécurité excluant l’application du régime de responsabilité délictuelle ou quasi délictuelle ».

    La Cour de cassation casse et annule la décision des juges du fond aux visas des articles 1231-1, 1240 et 1242 du Code civil, en rappelant la distinction entre la responsabilité contractuelle régie par les articles 1231 et suivants du Code civil et délictuelle régie par les articles 1240 et suivants du Code civil. Cette dernière ne s’applique que lorsqu’il n’existe pas de contrat entre la victime du dommage et son auteur. Pour cette application il est alors primordial de dégager la source de l’obligation qui pèse sur l’auteur du dommage. Ici, la cour d’appel s’est méprise sur la source, ce qui a causé son erreur et a conduit à cette censure par la Cour de cassation.  

    Il est vrai que l’indication figurant dans le contrat de stationnement prête à confusion puisqu’il est indiqué que tous les utilisateurs du parking seront couverts par l’obligation générale de sécurité « qu’ils soient conducteurs ou non ». Mais pour autant, il est impossible de croire que la passagère dudit véhicule puisse être couverte par un contrat auquel elle n’a jamais consenti. Selon l’article 1101 du Code civil, il ne peut y avoir de contrat sans l’échange des volontés. En effet, pour se voir appliquer, la responsabilité contractuelle suppose trois conditions cumulatives : l’existence d’un contrat, l’inexécution d’une obligation prévue au contrat et un préjudice causé. Ces conditions ne sont pas admises en l’espèce.

    La victime n’a alors pas de choix d’option selon quelle responsabilité elle doit engager pour espérer une indemnisation. Il est clair qu’elle doit se diriger vers la responsabilité délictuelle, notamment la responsabilité du fait des choses. La Cour de cassation opère ici un effort pour offrir à la victime son droit à l’indemnisation. Une réforme aurait même été discutée pour essayer un rapprochement entre la responsabilité contractuelle et délictuelle[2].

    Léna RABILLARD

    SOURCES :

    -BIGOT R., CAYOL A., « Application du principe de non-cumul entre les deux ordres de responsabilité », (en ligne), Dalloz actualité, Dalloz, 23 janvier 2024, (consulté le 24 janvier 2024)

    -PEREIRA C., « En l’absence de contrat seule la responsabilité extracontractuelle peut être engagée », (en ligne), Lamyline, 17 janvier 2024, (consulté le 24 janvier 2024)

     

    [1] CA Bastia, 7 juillet 2021, n°19/01065.

    [2] VINEY G., La responsabilité contractuelle en question, in Le contrat au début du XXIe siècle, Études offertes à J. Ghestin, LGDJ, 2001, p. 921 ; G. Viney, P. Jourdain et S. Carval, Les effets de la responsabilité, 4e éd., LGDJ, coll. « Traité de droit civil », 2017.