Précision sur l’étendue des préjudices réparés par une rente majorée dans le cadre d’un accident du travail

(Cass. civ. 2, 1er février 2024, n° 22-11.448)

L’accident du travail est devenu une thématique importante depuis la révolution industrielle. Dans une volonté de mieux apprivoiser les risques et ses conséquences en cas de réalisation, le droit de la protection sociale s’est développé. Il prévoit des règles préventives mais aussi d’indemnisation.

En l’espèce, un maçon salarié a été victime d’un accident de travail le 6 février 2014. Il a été pris en charge par la caisse générale d’assurance maladie de la Réunion. La victime demande auprès de la juridiction chargée du contentieux de la sécurité sociale la reconnaissance d’une faute inexcusable de l’employeur ouvrant droit une rente majorée en vertu de l’article L.452-2 du Code de la sécurité sociale. Cependant, il demande aussi un complément des préjudices de la perte de gains professionnels futurs et au titre de l’incidence professionnelle.

La Cour d’appel de Saint-Denis de la Réunion dans un arrêt du 21 juin 2021, a refusé d’indemniser de manière complémentaire à la rente majorée, les préjudices avancés par la victime. La victime se pourvoit en cassation estimant d’une part, que l’article L.452-3 du Code de la sécurité sociale permet l’indemnisation par l’employeur de préjudices supplémentaires à ceux indemnisé par la rente majorée. Elle argue que si la perte de gains professionnels est indemnisée par la rente, il demeure un préjudice non indemnisé entre la somme de la rente et le préjudice réel.

D’autre part, concernant l’indemnisation au titre de l’incidence professionnelle, elle estime que la cour d’appel, pour refuser l’indemnisation a, à tort, justifié sa décision en indiquant « que l'incidence professionnelle résultant de l'incapacité permanente partielle subsistant à la consolidation était indemnisée par la rente allouée et majorée en raison de la reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur ». Selon la victime, la cour d’appel aurait dû différencier le préjudice « lié à la dévalorisation sur le marché du travail et à la nécessité de devoir abandonner son ancien métier » et celui « résultant de l'incapacité permanente partielle subsistant à la consolidation ». En conséquence, d’après le requérant, la cour d’appel aurait dû l’indemniser.

Le requérant considère aussi que l’accident qui l’a rendu inapte à l’emploi de maçon, ne lui a pas permis de pouvoir prétendre à une promotion. La cour d’appel, en demandant la preuve d’une promotion imminente, a « privé sa décision de toute base légale ».

La deuxième chambre civile de la Cour de cassation rejette les moyens du requérant. Elle estime dans un premier temps que le préjudice de gain professionnel a été indemnisé par la rente majorée.

Pour fonder sa décision la Cour de cassation se base sur l’interprétation de l’article L.452-3 du Code de la sécurité sociale donnée lors d’une QPC du Conseil constitutionnel de 2010[1] ainsi que sa propre jurisprudence depuis 2009. Elle explique que depuis lors, que la rente représente la réparation « d'une part, des pertes de gains professionnels et de l'incidence professionnelle de l'incapacité, et d'autre part, du déficit fonctionnel permanent »[2]. Cependant, cette jurisprudence a évolué par deux arrêts du 20 janvier 2023[3]. Dorénavant la rente ne répare plus le déficit fonctionnel permanent. Celui-ci sera indemnisé de manière indépendante. Suivant ce fondement, la rente majorée avait déjà indemnisé les pertes de gains professionnels dus à l’incapacité permanente au jour de la consolidation. Elle ajoute que la différence de préjudice invoqué par le requérant est un préjudice futur impossible à indemniser.

Sur le second moyen concernant le refus d’indemnisation de l’incidence professionnelle, la Cour de cassation se contente en fondant sa motivation sur l'article L. 452-3 du Code de la sécurité sociale, de reprendre les arguments de la cour d’appel. Ainsi pour être indemnisé de manière complémentaire sur l’incidence professionnelle, il faut prouver qu’une promotion, un avancement de carrière ou une création d’entreprise est imminent. Le préjudice ne serait être une promotion qu’il aurait pu éventuellement avoir avant la fin de sa carrière.

Hugo SOUESME

Sources :

« AT/MP : la rente majorée ne répare pas la perte de gains professionnels futurs », La Semaine Juridique Social, n° 5, 6 février 2024, p. 69 (en ligne).

L. BEDJA, « Réparation du préjudice : précisions de la Cour de cassation relatives à la perte de gains professionnels futurs et promotion professionnelle », Le Quotidien, du 7 février 2024, https://www.lexbase.fr/article-juridique/104681998-breves-reparation-du-prejudice-precisions-de-la-cour-de-cassation-relatives-a-la-perte-de-gains-prof


[1]décision n° 2010-8 QPC du 18 juin 2010.

[2]Crim., 19 mai 2009, pourvois n° 08-86.050 et 08-86.485, Bull. crim. 2009, n° 97.

[3]Ass. plén., 20 janvier 2023, pourvois n° 20-23.673 et 21-23.947, publiés.

 
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