Articles de jurisactuubs

  • L'importance des statuts d'une société par actions simplifiée (SAS) définissant ses modalités de direction soulignée par la Cour de cassation

    Article publié le 2 fevrier 2017

     

    Dans un arrêt de cassation partielle en date du 25 janvier 2017, la Cour de cassation a pu poser le principe selon lequel seuls les statuts de la SAS doivent être pris en compte pour apprécier les modalités de direction d'une telle société.

     

    En l'espèce, un actionnaire majoritaire et président du conseil d'administration d'une société anonyme (SA) a signé un protocole d'accord pour céder 98,81% de la participation qu'il détenait dans ladite société. Ce protocole stipulait la diminution du prix de cession en cas de baisse du chiffre d'affaires, sous réserve que le cédant conserve sa qualité d'administrateur. Quelques mois plus tard, la SA s'est vue transformée en société par actions simplifiée (SAS) suite à une décision de l'Assemblée générale. L'acquéreur, arguant d'une diminution du chiffre d'affaire, a alors souhaité l'application de la clause de réduction de prix contenue dans le protocole. Néanmoins, les nouveaux statuts de la SAS ne prévoyaient pas l'existence d'un conseil d'administration et a fortiori la qualité d'administrateur du cédant.

     

    La Cour d'appel de Paris, dans un arrêt du 24 juin 2014, a retenu que la clause de réduction de prix était applicable au cédant, bien que les nouveaux statuts de la SAS ne mentionnaient pas l'existence d'un conseil d'administration. En effet, la Cour d'appel a basé sa décision sur des documents « dont rien n'autorise à remettre en cause la sincérité » pour apprécier l'existence d'un conseil d'administration postérieurement à la transformation, ainsi que la conservation du cédant de sa qualité d'administrateur. Ce dernier s'est alors pourvu en cassation.

     

    La Cour de cassation devait alors répondre à la question suivante : la qualité d'administrateur du cédant, condition de l'application d'une clause de réduction de prix, peut-elle être supposée bien que les statuts de la SAS, issue de la transformation d'une SA, ne faisaient pas mention de l'existence d'un conseil d'administration ?

     

    Dans cet arrêt du 25 janvier 2017, la Cour de cassation casse et annule partiellement la décision de la Cour d'appel. En effet, celle-ci souligne qu'au regard des articles L227-1 et L227-5 du Code du commerce, « seuls les statuts de la SAS fixent les conditions dans lesquelles la société est dirigée ».

     

     

    La transformation d'une SA en SAS n'emporte pas la création d'une personne morale nouvelle (article L210-6). Il est précisé également que les dispositions spécifiques aux SA s'appliquent aux SAS dans la mesure où elles sont compatibles (article L227-1). Néanmoins, une série d'exceptions est énumérée. Ainsi, la condition selon laquelle une SA doit être administrée par un conseil d'administration (article L225-17) ne s'applique pas pour les SAS. Il est en effet prévu que les statuts d'une SAS fixent les conditions dans lesquelles la SAS doit être dirigée (article L227-5). Dans cet arrêt, la Cour de cassation renforce l'importance des statuts d'une SAS. Si la SAS a l'obligation légale de prévoir dans ses statuts la désignation d'un président pour la représenter, les modalités de sa direction y sont toutefois librement déterminées. L'organisation d'une telle société ne pouvant se supposer par le biais de tout autre document, aussi sincère soit-il. Les statuts doivent alors expressément prévoir les conditions de son organisation pour que celles-ci soit opposables.

     

    Lucie TALET

     

    Sources :

     

  • La notification d'agrément : une procédure prenant en considération la personne de l'acquéreur

    Article publié le 31 janvier 2017

     

     L'article L228-24 alinéa 1 du Code de commerce dispose que «si une clause d'agrément est stipulée, la demande d'agrément indiquant les noms, prénoms et adresse du cessionnaire, le nombre des titres de capital ou de valeurs mobilières donnant accès au capital dont la cession est envisagée et le prix offert, est notifiée à la société. L'agrément résulte soit d'une notification, soit d'un défaut de réponse dans un délai de 3 mois à compter de la demande».

    L'arrêt de la Cour de cassation en date du 11 janvier 2017 vient préciser les contours de la procédure d'agrément au sein d'une société anonyme. En l'espèce, un nu-propriétaire et son usufruitier  décident de céder leurs actions. Conformément à l'article 12 des statuts prévoyant une procédure d'agrément, ils notifient leur projet de cession de leurs actions moyennant un certain prix à la SA par acte daté du 23 avril 2014. Par une lettre postérieure à la notification, les cédants indiquent à la SA que le prix mentionné dans la notification était provisoire et que le prix définitif serait calculé en application d'une clause de révision convenue entre eux et le futur acquéreur. Estimant que le prix offert par l'acquéreur ne correspondait pas au prix figurant dans la demande d'agrément, la SA a assigné les cédants en annulation de la notification.

    La question qui se posait alors à la cour d'appel d'Orléans, était finalement de savoir si on pouvait annuler la notification, car le prix indiqué dans la demande d'agrément n'était pas déterminé mais déterminable. La cour d'appel d'Orléans rejette la demande formée par la SA en déclarant que ni les statuts ni la loi ne prévoyaient l'obligation d'un prix offert ferme et définitif. De plus, le prix était déterminable dans la mesure où les cédants avaient indiqué les calculs par l'envoi d'une lettre postérieure à la notification. La SA a alors formé un pourvoi en cassation.

    Constatant que les motifs invoqués par la SA n'étaient pas fondés, les juges du quai de l'horloge rejettent le pourvoi dans l'arrêt du 11 janvier 2017.  La Cour de cassation clarifie les choses en la matière en précisant que la demande d'agrément n'a vocation à ne prendre en considération que la personne de l'acquéreur. De plus «le prix offert» mentionné à l'article L228-24 du Code de commerce n'a pas à être déterminé et ferme à partir du moment où  il peut être déterminable. Par conséquent, elle réitère le fait que la notification d’agrément  ne puisse pas être annulée.

    D'ordinaire, on retrouve ces procédures d'agrément dans les sociétés de personnes qui ont un fort intuitu personae. Cela s'explique par le fait que les associés peuvent être tenus solidairement et indéfiniment des dettes sociales ou à proportion de leurs apports dans le capital social. Toutefois, il est également envisageable de prévoir une telle procédure dans les sociétés par actions et notamment dans les sociétés anonymes dès lors que ses actions ne sont pas admises à la négociation sur un marché réglementé. Ces clauses subordonnent la vente d'actions ou de parts sociales à l'agrément soit de l'assemblée générale soit à un autre organe statutaire. Elles permettent ainsi d'écarter certains acquéreurs qui pour diverses raisons seront jugés indésirables. Une telle procédure a pour but le maintien d'un certain équilibre au sein de la société.

    Par conséquent, la décision de la Cour de cassation est logique car la procédure d'agrément ne tient pas compte du prix de la cession mais bel et bien de la personne de l'acquéreur. Lui seul, est soumis à agrément et non le prix de la cession. Il est important pour les sociétés de comprendre que le prix de la cession d'actions ou de parts sociales n'est pas l'objet de la procédure d’agrément. Pour toutes contestations relatives au prix de la cession, il faudra finalement qu'elles aient recours à un expert mentionné à l'article 1843-4 du Code civil. Ce dernier aura pour objectif de fixer le prix des actions ou des parts sociales.

     

    Camille Rio

     

    Sources :

     

    Mémento Sociétés commerciales 2017, Editions Francis LEFEBVRE.

     

    Maureen de Montaigne « la notification de la demande d’agrément : l’agrément porte sur la personne du cessionnaire et non sur le prix de la cession ». -Lamy actualités du droit.

     

    Cour de cassation, chambre commerciale, 11 janvier 2017 société couly dutheil holding contre C/ n°15-13.025

     

     

     

     

     

  • Loi du 9 décembre 2016 : Regard sur certaines dispositions du droit des sociétés

    Article publié le 4 janvier 2017

     

    La loi relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique n°2016-1691 du 9 décembre 2016 dite « loi SAPIN II » a été publiée au journal officiel le 10 décembre 2016. Elle vient ratifier une ordonnance du 17 mars 2016 dont le but est d'adapter le droit français à deux textes européens (la directive du 16 avril 2014 et un règlement de la même date).

    Outre des dispositions très médiatisées sur les lanceurs d'alerte et sur la lutte contre la corruption, cette loi contient également des dispositions dans des secteurs variés tels que le droit bancaire et financier, le droit fiscal et le droit des sociétés. Seules les mesures relatives au droit des sociétés seront abordées dans le présent article.

    Pour les dispositions relatives aux Sociétés Anonymes (SA)

    Si dans les SA à conseil d'administration, les cessions d'immeubles par nature, de participation ou constitution de sûretés ne sont pas soumises à autorisation préalable, il en est autrement dans les SA à directoire et à conseil de surveillance où une telle autorisation est nécessaire. (L. 225-68 Code de commerce).

    Cette différence entre les types de société anonyme est supprimée par l'article 142 de la loi SAPIN II pour aligner le régime des divers types de SA. Ainsi, seuls les cautions, avals et garanties continueront de faire l'objet d'une autorisation du CA ou du CS, exception faite des sociétés exploitant un établissement bancaire ou financier.

    Sur le déplacement du siège social :

    Avant l'entrée de la loi SAPIN II, le Conseil d'administration ou le Conseil de surveillance ne pouvait déplacer le siège social de la société que dans le même département ou dans un département limitrophe et cela devait être ratifié par la prochaine Assemblée Générale Ordinaire (AGO).

    La loi SAPIN II modifie cela. Ainsi, cette prérogative est étendue à l'ensemble du territoire français et soumise à une décision ultérieure des actionnaires, comme prévu par les articles L.225-36 et L.225-65 du Code du commerce.

    Les changement prévus sur la désignation du commissaire aux apports

    Pour les Sociétés par Actions simplifiées :

    A la constitution de la société, les associés pourront décider à l'unanimité que le recours à un commissaire aux apports ne sera pas obligatoire pour évaluer un apport en nature lorsqu'il n’excédera pas un montant fixé par décret ou si la valeur totale des apports en nature non-soumise à évaluation n'excède pas la moitié du capital (prévu par l'article L. 227-1 5° du Code de commerce).

    Pour pallier les excès qui pourraient survenir, la loi prévoit qu'en l'absence/différence d'évaluation, les associés seront solidairement responsables pendant 5 ans à l'égard des tiers de la valeur attribuée aux apports en nature (Article L.227-1 7°).

    On peut ici remarquer que le régime des SAS est donc rapproché de celui des SARL en matière d'apports en nature.

    Pour les sociétés à responsabilités limitées (SARL) :

    Comme vu précédemment, l'article L. 223-9 du Code de commerce permet aux associés, à l'unanimité, de se passer du recours à un commissaire aux apports pour les apports en nature.

    Le changement prévu par la loi SAPIN II se trouve à l'article 144 et prévoit une extension aux apports en nature réalisés en cours de vie sociale.

    Ainsi, la situation des apports en nature au moment de la constitution de la société est étendue. Les associés qui seront responsables de l'évaluation au moment de la constitution, seront donc aussi responsables des apports en nature réalisés en cours de vie sociale.

    Pour ce qui est des procédures collectives :

    L'article L.651-2 1° du Code de commerce prévoyait, en cas de faute de gestion ayant contribué à l'insuffisance d'actif, que le ou les dirigeant(s) pouvaient êtres condamnés à supporter tout ou partie du montant de cette insuffisance d'actif et à une interdiction de gérer.

    Cependant, la loi SAPIN II est venue assouplir les modalités de l'engagement de la responsabilité du dirigeant en ajoutant : « toutefois, en cas de simple négligence du dirigeant de droit ou de fait dans la gestion de la société, sa responsabilité au titre de l'insuffisance d'actif ne peut être engagée» à la fin du premier alinéa.

    Ainsi, dans un objectif certain d'encouragement à l'entrepreunariat, la responsabilité du dirigeant pour insuffisance d'actif se voit visiblement atténuée.

    Cette loi qui vise aussi à moderniser la vie économique semble donc avoir de bonnes idées, il faudra cependant attendre un peu pour en saisir l'impact sur le fonctionnement des sociétés.

    Jordy SASSUS-BOURDA

    Loi n°2016-1691 du 9 décembre 2016

    Directive 2014/56/UE du Parlement Européen

    Réglement N° 537/2014 du Parlement Européen

    Ordonnance n° 2016-315 du 17 mars 2016 relative au commissariat aux comptes

    Loi Sapin II- Dispositions en droit des sociétés

    http://www.lexplicite.fr/loi-sapin-ii-dispositions-droit-societes/

  • L’impossible dissolution judiciaire de la société pour mésentente sans paralysie du fonctionnement

    Article publié le 10 février 2023

     

     

    Cass. Civ 1, 18 janvier 2023, n°19-24.671

     

     

     

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