Articles de jurisactuubs

  • Regard sur la garantie autonome en cas de scission de société

    Article publié le 17 février 2017

     

    La scission/fusion d’une société entraîne sa dissolution sans liquidation et la transmission universelle de son patrimoine à la société bénéficiaire. Cette règle est établie par les articles L 2321 du Code civil et L. 236-3 du Code de commerce. Cependant, la Cour de cassation vient de décider que, sauf convention contraire, la garantie autonome qui ne suit pas l’obligation de garantie n’est pas transmise en cas d’une scission ou en cas d’absorption par voie de fusion à la société bénéficiaire.

    En l’espèce, les 26 octobre et 9 novembre 2004, la société Hôtel les Grandes Rousses a donné son fonds de commerce d’hôtel-bar-restaurant en location gérance à une deuxième société, la société HMC Les Grandes Rousses. Le 3 novembre 2004, cette dernière, en exécution du contrat, a remis à la société Hôtel les Grandes Rousses une garantie à première demande consentie par une caisse régionale du crédit agricole.

    Pendant le cours du contrat de location gérance, la première société a fait l’objet d’une scission emportant transmission de la branche d’activité de l’hôtel au profit d’une autre société. La société HMC ayant résilié le contrat, l’autre société, après de vaines mises en demeures auprès de cette dernière, a par lettre du 30 juin 2011 demandé à la banque de mettre en œuvre la garantie à première demande puis l’a assignée en paiement.

    La Cour d’appel de Pau, dans un arrêt du 19 mars 2015, donna raison à la société saisissante.

    Les juges de la Cour d’appel ont ainsi retenu que, sauf clause contraire, la transmission universelle du patrimoine qui résulte d’une opération de fusion ou de scission n’est pas incompatible avec le caractère intuitu personae de la garantie première demande.

    Dès lors, il était constaté que la société Hôtel les Grandes Rousses bénéficiait d’une telle garantie et avait fait l’objet d’une scission à compter du 1er novembre 2005.

    La garantie accordée au titre de la location-gérance de l’hôtel se rattachant à l’activité hôtelière cédée, il n'y avait lieu ni de mentionner l'existence de cette garantie dans l'acte de scission, ni de recueillir le consentement exprès de la banque sur le transfert de garantie.

    La chambre commerciale par sa décision du 31 janvier 2017, cassa purement et simplement l’arrêt d’appel au visa des articles 2321 du code civil et L. 236-2 du code de commerce.

    Analyse :

    Pour rappel, la garantie à première demande est un acte en vertu duquel, un bénéficiaire est susceptible d’exiger le paiement d’une somme d’argent déterminée auprès d’un organisme garant (souvent une banque) dès la première demande.

    De cette décision de cassation à la solution lapidaire, lapidaire car elle renvoie seulement aux articles précités, nous pouvons en déduire que, sauf convention contraire, la garantie autonome, qui ne suit pas l'obligation garantie, n'est pas transmise en cas de scission de la société bénéficiaire de la garantie.

    Cette nouvelle solution résulte de la nature même de la garantie. En effet, la nature de la garantie est indépendante de l’obligation garantie. En l’occurrence, l’opération de fusion ou de scission (ici une transmission de patrimoine de manière universelle) ne peut pas faire échec à ce principe. Pour pallier cela, il faudrait insérer une clause contraire dans l’acte de garantie ou une acceptation du garant pour y déroger en vertu de l’article 2321 4° du code civil.

    Il faut cependant rappeler que si cette solution est nouvelle, elle n’est pas transposable en présence de cautionnement. En effet, le cautionnement ayant un caractère accessoire par rapport à l’obligation garantie, il sera transmis de plein droit à la société absorbante ou bénéficiaire de la scission en même temps que l’obligation. Cependant et il faut le souligner, la caution ne sera pas tenue des dettes postérieures à la fusion sauf si elle en a manifestée la volonté expresse.

    Jordy SASSUS-BOURDA

    Sources :

    Cour de cassation, chambre commerciale 31 janvier 2017 n°15-19158

    Editions Francis Lefebvre, la Quotidienne, « Une garantie autonome au profit d'une société scindée ne se transmet pas par l'effet de la scission », 14 février 2017

  • Difficultés sur l’identification des bénéficiaires effectifs des sociétés

    Article publié le 9 février 2018

     

    L’ordonnance du 1er décembre 2016 a créé le registre des bénéficiaires effectifs. Ce dispositif a été mis en place pour lutter contre le blanchiment et le financement du terrorisme. Un décret 1 est venu apporter des précisions sur les modalités entourant le dépôt et le contenu de ce document. Ce dispositif est obligatoire pour toutes les entités nécessitant une immatriculation au Registre du commerce et des sociétés.

    Il est important de souligner que cette obligation est d’actualité puisque les entités créées avant le 1er août 2017 doivent régulariser leur situation en déclarant ce registre avant le 1er avril 2018, sous peine de sanction pénale.

    Pour information, un bénéficiaire effectif est « la ou les personnes physiques qui détiennent, directement ou indirectement, plus de 25% du capital ou des droits de vote de la société ou exercent, par tout autre moyen, un pouvoir de contrôle sur les organes de gestion, d’administration ou de direction de la société ou sur l’assemblée générale des associés. »2.

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  • La portée et les sanctions de l’abus de minorité

    Article publié le 21 fevrier 2018

     

    Au sein d’une société, il arrive parfois que les associés minoritaires usent de leurs droits pour pouvoir bloquer une décision qui s’avère pourtant favorable à la société. Ce comportement constitue un abus de minorité et il alimente de nombreux contentieux. Le 21 décembre 2017, la première chambre civile de la Cour de cassation a réaffirmé les sanctions applicables en cas d’abus de minorité. 

    Les faits de l’espèce étaient relatifs à un couple marié et leurs cinq enfants, associés d’une société civile immobilière. Les deux parents décédèrent, laissant 3365 parts sur 3415 parts composant le capital social restées dépendantes d’indivisions successorales. Il y avait deux indivisions, l’une sur les parts du père et l’autre sur les parts que détenait la mère. Un associé s’est opposé à la désignation d’un représentant de l’indivision des parts de la mère sans aucune justification. 

    Le 10 octobre 2010, une assemblée générale extraordinaire a été organisée. Une des résolutions alors adoptées portait sur la mise en vente de deux biens appartenant à la société civile immobilière.

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  • Le non-respect de la déclaration d’affectation de l’entrepreneur individuel constitue un manquement grave justifiant la réunion de ses patrimoines

    Article publié le 14 avril 2018

     

    Le recours au statut d’entrepreneur individuel à responsabilité limitée permet à un entrepreneur de séparer ses patrimoines personnels et professionnels par le biais d’une déclaration d’affectation de patrimoine. Que se passe-t-il si la déclaration d’affectation ne contient aucun élément de l’activité professionnelle ? S’agit-il d’un manquement grave ? Est-il possible de prononcer la réunion des patrimoines ?

    Pour la première fois, la chambre commerciale de la Cour de cassation est venue répondre à ces questions dans un arrêt du 7 février 2018.

    En l’espèce, un entrepreneur individuel a déposé une déclaration d’affectation de patrimoine dans le but d’exercer son activité de vente. Le 1er juillet 2014, il a fait l’objet d’une procédure de liquidation judiciaire dans le cadre de son activité professionnelle. Toutefois, le liquidateur a constaté que la déclaration d’affectation de patrimoine ne comportait aucune mention relative aux éléments affectés à son activité. Ainsi, il a demandé la réunion de ses patrimoines.

    La loi du 15 juin 2010[1] permet à un entrepreneur individuel à responsabilité limitée d’affecter une partie de ses biens à une activité professionnelle, et ainsi disposer de plusieurs patrimoines. Cependant, le législateur a prévu des cas de réunion des patrimoines faisant perdre au débiteur le bénéfice de la déclaration d’affectation.

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