Articles de jurisactuubs

  • Paiement des arbitres : La solidarité des parties

    Article publié le 24 février 2017

     

    L’arbitrage est un mode de règlement des litiges par lequel les parties décident de confier aux arbitres le soin de trancher leurs différends. L’arbitrage est en plein essor surtout au niveau international. C’est dans ce contexte qu’est intervenue la première chambre civile dans son arrêt du 1er février 2017.

    En l'espèce, une entreprise française et la République de Guinée avaient conclu un contrat de concession dans lequel figurait une clause compromissoire. A l'occasion de la résiliation du contrat par l'une des parties, un différend est survenu. De ce fait, elles ont désigné les arbitres, en vertu de la clause compromissoire, devant la Cour commune de justice et d'arbitrage de l'OHADA[1]. Au cours de la procédure, les parties ont fixé le montant des honoraires dus aux arbitres. Une fois la sentence arbitrale prononcée, la république de Guinée a refusé de procéder au paiement des arbitres. Par conséquent ceux-ci ont assigné en référé la société française au paiement d'une provision égale à la part impayée.

    La cour d'appel de Paris dans son arrêt du 30 juin 2015 avait condamné la société française à payer la provision égale à la somme impayée. Cette dernière a alors formé un pourvoi en cassation. Elle invoque la législation française et précise que la solidarité ne se présume pas mais qu’elle doit être expressément prévue par une disposition légale ou par une clause contractuelle non équivoque. Or en l’espèce, pour l’entreprise française, aucune disposition, ni aucune clause contractuelle ne prévoyait la solidarité entre les parties. Par conséquent, la Cour d’appel a violé les articles 455, 873 alinéa 2 du code de procédure civile et 1202 du code civil en retenant que la solidarité était fondée sur une clause figurant dans le contrat d’arbitre.

    Il convient de rappeler qu’en droit français, le nouvel article 1310 du Code civil dispose que « la solidarité est légale ou conventionnelle ; elle ne se présume pas ». A contrario, la jurisprudence a affirmé qu’elle se présumait en matière commerciale[2]. La solidarité entre débiteurs a pour effet au regard de l’article 1313 du code civil « d’obliger chacun d’entre eux à toute la dette ».

    La question qui était posée aux juges du droit était de savoir si les parties étaient solidairement tenues au paiement des honoraires des arbitres.

     La Cour de Cassation rappelle dans un premier temps le caractère international de cette affaire, puis dans un second temps elle estime que la solidarité découle du contrat d’arbitre.

    En rappelant le caractère international de cet arbitrage ; les juges du droit écartent l’application de la loi française en la matière. Son raisonnement peut paraître surprenant dans la mesure où elle fait découler la solidarité non pas d’une clause contractuelle prévue dans le contrat entre les parties mais du contrat d’arbitre, ce dernier liant les arbitres aux parties. 

    La solution adoptée par la Cour de cassation semble radicale. On pourrait penser qu’elle fait découler du contrat d’arbitre une obligation de solidarité des parties pour le paiement des honoraires des arbitres. Cela serait favorable pour ces derniers. Ainsi, en cas de refus de paiement par l’une des parties, l’arbitre pourra toujours se retourner contre l’autre partie. Il est en de même lorsqu’il pourrait se retrouver face à un débiteur insolvable. En pratique, cela pourrait résoudre de nombreuses situations conflictuelles, reste à voir si cette solution sera confirmée par d’autres décisions.

     

    Camille Rio

    Sources :

    X.Delpech « Paiement des honoraires des arbitres : obligation solidaires des parties à la convention d’arbitrage ». - dalloz actualité, édition du 21 février 2017.

    B.Mercadal « mémento droit commercial 2017 ». - éditions Francis LEFEBVRE.

    Aziber Seïd Algadi « Arbitrage : obligation solidaire des parties au paiement des frais et honoraires des arbitres ». - Actualité du droit, Lamy Line. 21 février 2017.

     

    [1]Organisation pour l'harmonisation en Afrique du droit des affaires.

     

    [2] Chambre commerciale, Cour de cassation, 21 avril 1980.

  • Création d’une liste des médiateurs auprès de chaque cour d’appel

    Article publié le 18 décembre 2017

     

    La loi de modernisation de la justice du XXIe siècle du 18 novembre 2016 avait prévu en son article 8 l’ajout d’un article 22-1 A à la loi n°95-125 du 8 février 1995 afin de prévoir l’établissement d’une liste de médiateurs auprès de chaque cour d’appel.

    Cet article laissait au gouvernement un délai de six mois suivant la promulgation de ladite loi pour fixer par décret en Conseil d’Etat les conditions d’établissement de cette liste. C’est avec presque cinq mois de retard, par décret du 9 octobre 2017 que les conditions permettant d’établir la liste des médiateurs auprès de chaque cour d’appel ont finalement été déterminées.

    Lire la suite

  • Le sort des intérêts d’un compte courant d’associé en cas de procédure collective

    Article publié le 11 janvier 2018

     

    La chambre commerciale de la Cour de cassation a rendu un arrêt le 27 septembre 2017 traitant du sort des intérêts en compte courant d’associé, face à la discipline d’une procédure collective.  

     

    En l’espèce, la société Holding du Crozatier (HDC) a été mise en redressement judiciaire le 19 octobre 2010. Un de ses associés a déclaré une créance de 350 000 euros en principal et 15 764 euros correspondant aux intérêts d’un compte courant bloqué pour sept ans, créance admise au passif. 

    Le 12 mars 2012, durant la période d’observation, l’Assemblée générale de la société a adopté une résolution qui entérinait la rémunération du compte courant dudit associé au taux légal pour l’exercice écoulé. Le 30 septembre 2011 la créance d’intérêts représentait 10 794 euros. 

    Le 17 avril 2012, un plan de redressement est arrêté sur dix ans. Il est décidé que la créance de l’associé de la société serait apurée à concurrence de 25% sur les trois mois suivant l’homologation du plan, le reste étant abandonné. 

    L’associé assigne la société HDC en paiement d’une facture de 10 794 euros qui correspondent aux intérêts de sa créance en compte courant relatifs à l’année 2011. 

    Lire la suite

  • L'importance des statuts d'une société par actions simplifiée (SAS) définissant ses modalités de direction soulignée par la Cour de cassation

    Article publié le 2 fevrier 2017

     

    Dans un arrêt de cassation partielle en date du 25 janvier 2017, la Cour de cassation a pu poser le principe selon lequel seuls les statuts de la SAS doivent être pris en compte pour apprécier les modalités de direction d'une telle société.

     

    En l'espèce, un actionnaire majoritaire et président du conseil d'administration d'une société anonyme (SA) a signé un protocole d'accord pour céder 98,81% de la participation qu'il détenait dans ladite société. Ce protocole stipulait la diminution du prix de cession en cas de baisse du chiffre d'affaires, sous réserve que le cédant conserve sa qualité d'administrateur. Quelques mois plus tard, la SA s'est vue transformée en société par actions simplifiée (SAS) suite à une décision de l'Assemblée générale. L'acquéreur, arguant d'une diminution du chiffre d'affaire, a alors souhaité l'application de la clause de réduction de prix contenue dans le protocole. Néanmoins, les nouveaux statuts de la SAS ne prévoyaient pas l'existence d'un conseil d'administration et a fortiori la qualité d'administrateur du cédant.

     

    La Cour d'appel de Paris, dans un arrêt du 24 juin 2014, a retenu que la clause de réduction de prix était applicable au cédant, bien que les nouveaux statuts de la SAS ne mentionnaient pas l'existence d'un conseil d'administration. En effet, la Cour d'appel a basé sa décision sur des documents « dont rien n'autorise à remettre en cause la sincérité » pour apprécier l'existence d'un conseil d'administration postérieurement à la transformation, ainsi que la conservation du cédant de sa qualité d'administrateur. Ce dernier s'est alors pourvu en cassation.

     

    La Cour de cassation devait alors répondre à la question suivante : la qualité d'administrateur du cédant, condition de l'application d'une clause de réduction de prix, peut-elle être supposée bien que les statuts de la SAS, issue de la transformation d'une SA, ne faisaient pas mention de l'existence d'un conseil d'administration ?

     

    Dans cet arrêt du 25 janvier 2017, la Cour de cassation casse et annule partiellement la décision de la Cour d'appel. En effet, celle-ci souligne qu'au regard des articles L227-1 et L227-5 du Code du commerce, « seuls les statuts de la SAS fixent les conditions dans lesquelles la société est dirigée ».

     

     

    La transformation d'une SA en SAS n'emporte pas la création d'une personne morale nouvelle (article L210-6). Il est précisé également que les dispositions spécifiques aux SA s'appliquent aux SAS dans la mesure où elles sont compatibles (article L227-1). Néanmoins, une série d'exceptions est énumérée. Ainsi, la condition selon laquelle une SA doit être administrée par un conseil d'administration (article L225-17) ne s'applique pas pour les SAS. Il est en effet prévu que les statuts d'une SAS fixent les conditions dans lesquelles la SAS doit être dirigée (article L227-5). Dans cet arrêt, la Cour de cassation renforce l'importance des statuts d'une SAS. Si la SAS a l'obligation légale de prévoir dans ses statuts la désignation d'un président pour la représenter, les modalités de sa direction y sont toutefois librement déterminées. L'organisation d'une telle société ne pouvant se supposer par le biais de tout autre document, aussi sincère soit-il. Les statuts doivent alors expressément prévoir les conditions de son organisation pour que celles-ci soit opposables.

     

    Lucie TALET

     

    Sources :