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  • Acte de cautionnement : les paraphes valent signature

    Article publié le 15 novembre 2016

     

    Civ 1ère, 22 septembre 2016 n°15-19543

    Si le fait de se porter caution est extrêmement simple, les conséquences de cet engagement n’en sont pas moins importantes et l’élèvent au rang des actes graves.  C’est pourquoi le législateur l’a érigé en un contrat des plus formalistes afin que les risques engendrés par la caution soient bien mesurés par cette dernière.

    Les conditions de formes sont très lourdes pour que le contrat soit valide, notamment par l’insertion au sein de l’acte d’une mention manuscrite pour tous les cautionnements faits par une personne physique profane ou même avertie au profit d’un créancier professionnel.

    Aussi, cette mention manuscrite est strictement encadrée. A cet égard, le nouvel article L331-1 du Code de la consommation (anciennement L341-2) impose un formalisme spécifique quant à la signature de la caution en disposant que « Toute personne physique qui s'engage par acte sous seing privé en qualité de caution envers un créancier professionnel fait précéder sa signature de la mention manuscrite […] ».

    La Cour de cassation rappelle souvent que la signature est indispensable, notamment par un arrêt rendu le 22 janvier 2013 par lequel la chambre commerciale avait estimé qu’un contrat de cautionnement ayant été signé à la fin du corps du contrat mais avant la mention manuscrite était nul.

    Si aucune loi ne définit la signature, les définitions données par les différents dictionnaires sont semblables à la suivante : «-Inscription de son nom, sous une forme particulière et reconnue, ou d'une marque spécifique, apposée par une personne sur un écrit afin d'en attester l'exactitude, d'en approuver le contenu et d'en assumer la responsabilité » Le paraphe de son côté est défini comme une signature abrégée.

    Toutefois, dans la pratique on peut penser que le paraphe et la signature ont une signification différente. En effet, dans l’esprit des consommateurs les paraphes peuvent attester de la prise de connaissance des documents alors qu’une signature représente la validation, l’acceptation des engagements éventuels.

    Cependant, par un arrêt rendu le 22 septembre 2016, la première chambre civile de la Cour de cassation a remédié à ce vide juridique en estimant que le paraphe équivalait à une signature.

    Dans cette affaire, une personne physique s’était portée caution d’une société d’électroménager laquelle a assigné la caution en exécution de sa garantie. Or, la Cour d’appel de Paris avait prononcé la nullité du contrat de cautionnement. Elle avait estimé que les formalités de l’ancien article L341-2 du Code de la consommation n’étaient pas respectées du fait que la signature de la caution se trouvait au-dessus de  la mention manuscrite et non pas en dessous comme l’impose la loi, et qu’à la suite de cette mention la caution avait seulement apposé ses paraphes. 

    La question qui se posait  aux juges du droit était celle de savoir si les paraphes de la caution suivant la mention manuscrite correspondaient à la signature de cette dernière.

    La Haute Juridiction a cassé l’arrêt d’appel en considérant que le texte de la mention manuscrite était conforme aux dispositions de l’article L341-2 du Code de la consommation et que la mention était précédée de la signature de la caution et directement suivie par ses paraphes. Il en résultait donc que ni le sens, ni la portée et donc ni la validité de cette mention n’étaient affectés.

    On peut considérer que cet arrêt s’inscrit dans une continuité de la jurisprudence qui depuis plusieurs années assouplit de plus en plus le formalisme imposé à la mention manuscrite en matière de cautionnement. En effet, les juges ne prononcent plus forcément la nullité de l’acte alors que l’article L341-2 du Code de la consommation n’est pas respecté, notamment lorsque la mention est modifiée par la caution ou que cette dernière a omis d’inscrire certains mots (volontairement ou non). Ces erreurs entraînent pourtant une diminution ou plus rarement une augmentation de l’engagement de la caution.

    Aussi, cette solution peut sembler dangereuse pour le consommateur en ce que ce dernier peut lui, distinguer la signature des paraphes et ne pas être conscient de la portée de ces derniers. Encore, reste-t-il à savoir si le paraphe équivaut signature pour tout autre acte hors acte de cautionnement ? 

     

    Elodie PADELLEC

     

  • L’affectation de sommes sur un compte spécial n’affecte pas le droit du créancier nanti

    Article publié le 19 décembre 2019

     

    Par un arrêt du 25 septembre 2019[1], la Cour de cassation précise la conséquence de l’affectation de sommes sur un compte spécial dans le cadre de la réalisation d’un nantissement après l’ouverture d’une procédure collective.

    En l’espèce, une banque a accordé deux prêts à une société le 6 et 7 décembre 2013. La société emprunteuse a apporté en garantie de ces prêts, le nantissement de son compte courant ouvert auprès de la banque créancière. Un créancier tiers a pratiqué deux saisies conservatoires sur le compte bancaire nanti, la banque a donc isolé les sommes correspondantes sur un compte ouvert spécialement en attendant le sort de la mesure conservatoire. Le 16 février 2015, la société est mise en liquidation judiciaire. Après avoir déclaré sa créance, la banque a été autorisée à appréhender le solde créditeur du compte courant sur lequel portait le nantissement à la date du jugement d’ouverture. Par la suite les saisies conservatoires ont fait l’objet d’une mainlevée et le 22 juin 2015, la banque créancière en a demandé l’attribution judiciaire dans le cadre de sa sûreté ; ce que le liquidateur conteste. 

     

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  • L'engagement de caution s'apprécie au regard de l'ensemble des capacités financières des coemprunteurs

    Article publié le 20 mai 2017

     

    « Attendu que lorsqu’un emprunt est souscrit par plusieurs emprunteurs, l’existence d’un risque d’endettement excessif résultant de celui-ci doit s’apprécier au regard des capacités financières globales de ces coemprunteurs ».Voila la motivation précise, concise et claire qu’a pu apporter la Cour  de cassation dans cette affaire.

    En l’espèce,  une caisse régionale du crédit agricole de Val-de-France avait consenti à deux personnes physiques, des prêts qui devaient financer la création d’une entreprise artisanale de menuiserie.

    Cependant, la société constituée a, dans un premier temps, été mise en redressement judiciaire le 05 Novembre 2009, puis en liquidation judiciaire dans un second temps le 06 Mai 2010.

    La Caisse du Crédit Agricole a donc assigné une des deux personnes concernées en paiement et cette même personne a reconventionnellement recherché sa responsabilité pour manquement à son devoir de mise en garde.

    La Cour d’appel a, le 23 avril 2015, observé que la Caisse avait manqué à son devoir de mise en garde vis-à-vis de la personne qui ne percevait qu’un salaire mensuel de 1 500.00€ et que la charge du remboursement du prêt qui correspondait à la moitié en était excessive.

    La question qui se posait ici était de savoir si la charge d’un remboursement d’un prêt cautionné se calcule sur les revenus individuels d’une des cautions ou sur les revenus additionnés de l’ensemble des cautions.

    La cour de cassation rappelle dans son attendu de principe que « lorsqu’un emprunt est souscrit par plusieurs emprunteurs, l’existence d’un risque d’endettement excessif résultant de celui-ci doit s’apprécier au regard des capacités financières globales de ces coemprunteurs ». Elle vise également l’article 1147 du Code civil dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance du 10 février 2016

    La réponse de la chambre commerciale, dans son arrêt du 4 Mai 2017 a le mérite d’être claire : Il faut prendre en compte l’ensemble des revenus des cautions pour déterminer si la charge du remboursement est excessive.

    C’est pour cette raison que l’arrêt rendu par la Cour d’appel a été cassé.

    Cet arrêt de la Cour de cassation s’inscrit dans une lignée jurisprudentielle qui a vocation à se préciser. En effet, les cautions, et de facto les cautions dirigeantes, utilisent régulièrement deux arguments pour tenter de se défaire de leur engagement de manière partielle ou totale : Elles invoquent la disproportion de leur engagement ou l’absence de mise en garde de la banque.

    Ici, nous sommes dans le premier cas. En effet, la sanction d’un acte de cautionnement disproportionné lors de sa conclusion est la déchéance du créancier professionnel dans ses droits contre la caution (Chambre commerciale, 22 juin 2010, Chambre commerciale, 1er avril 2014).

    Rappelons que le caractère disproportionné du cautionnement doit s’apprécier vis-à-vis des revenus et du patrimoine qui étaient ceux de la caution au jour où elle a consenti son engagement. Cela résulte par exemple d’une décision de la chambre commerciale du 5 octobre 2010.

    La jurisprudence de la Chambre commerciale est claire en la matière et cela est rappelé de manière régulière : La proportionnalité de l’engagement de la caution ne doit pas s’apprécier au regard des revenus escomptés de l’opération (Chambre commerciale, 29 Novembre 2016, Chambre commerciale, 18 janvier 2017)  mais seulement des revenus au jour de l’engagement

    L’arrêt est en soi peu critiquable, la motivation de la chambre commerciale est ici des plus concises et claires. Cependant, il ne viendra que peu limiter le contentieux généré par les recours contre les cautions dirigeantes tant qu’il n’y aura pas un texte clair sur le sujet.

    Jordy SASSUS-BOURDA

    Sources :

    -        Cass, com., 4 Mai 2017 n°16-12.316

    -        Cass, com., 22 Juin 2010 n°09-67.814

    -        Cass, com., 1 Avril 2014 n°13-11.313

    -        Cass. com., 5 octobre 2010 n°09-69.660

    -        Cass. com., 29 novembre 2016 n°15-12413

    -        -Cass. com., 18 janvier 2017, n°14-20574

     

  • Précision quant à l’identification du débiteur dans les mentions manuscrites d’un contrat de cautionnement

    Article publié le 7 novembre 2019

     

    Le 9 juillet 2019[1] la Cour de cassation s’est une nouvelle fois prononcée sur l’épineuse question des mentions manuscrites en droit du cautionnement. 

    En l’espèce, la société CGA et une personne physique, entrepreneure individuelle, exerçant en son nom personnel sous l’enseigne « atelier Vosgien de transformation du bois » (AVTB), concluent le 14 décembre 2004 un contrat d’affacturage. L’époux de l’entrepreneure se porte caution de l’engagement souscrit par sa conjointe. Celle-ci est par la suite mise en redressement judiciaire, et la société créancière assigne alors son époux en qualité de caution pour le paiement des prestations réalisées. Ce dernier invoque la nullité du contrat de cautionnement pour indétermination du débiteur dans la mention manuscrite. 

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