Articles de jurisactuubs

  • La portée de l'effet interruptif de prescription dans la procédure de surendettement des particuliers

    (Civ. 2e., 8 févr. 2024, n°23-17.744)

    Par un arrêt de cassation en date du 8 février 2024, publié au bulletin, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation se prononce sur la portée de l’effet interruptif de prescription de la décision de recevabilité au bénéfice de la procédure de surendettement des particuliers.

    Par acte notarié du 20 mai 2009, un établissement bancaire consent un prêt à une société, garanti par un cautionnement solidaire. Le 28 janvier 2014, une commission de surendettement à déclaré recevable la demande de la caution tendant au traitement de sa situation de surendettement. Par jugement du 30 septembre 2015, un tribunal d’instance a homologué les mesures préconisées par la commission, lesquelles prévoyaient un moratoire de paiement des dettes pendant 24 mois (2 ans), le temps de vendre un bien immobilier.

    Le 12 novembre 2018, l’établissement bancaire fait délivrer un commandement de payer valant saisie immobilière. Le 26 février 2019, la caution sollicite de nouveau le traitement de sa situation de surendettement. Par jugement du 13 mai 2020, le tribunal judiciaire de Perpignan déclare recevable sa demande. Par jugement du 8 décembre 2021, ce tribunal, saisi de la contestation de l’état du passif du débiteur, décide que l’action de la banque, au titre de sa créance est prescrite. Pour les juges du fond, au regard de la déchéance du terme du prêt intervenu en janvier 2013, la prescription quinquennale était acquise en janvier 2018, à défaut de fait interruptif se déduisant de la procédure de surendettement.

    L’établissement prêteur s’est pourvu en cassation.

    La deuxième chambre civile de la Cour de cassation casse et annule le jugement du 8 décembre 2021. Elle rappelle qu’il résulte de l’article L.331-3-1 du Code de la consommation, dans sa rédaction issue de la loi n°2013-672 du 26 juillet 2013, que la décision de recevabilité de la demande de traitement de la situation de surendettement emporte suspension et interdiction des procédures d’exécution diligentées à l’encontre des biens du débiteur.

    Ainsi, c’est assez logiquement que l’on peut lire que « le créancier qui recherche l'exécution d'un titre notarié ne peut, à compter de la décision de recevabilité du débiteur au bénéfice de la procédure de surendettement des particuliers, interrompre la prescription en diligentant une procédure d'exécution ». Cette position réduit drastiquement les possibilités pour interrompre la prescription extinctive.

    Les magistrats du quai de l’horloge rappellent que la recevabilité de la demande de traitement d’une situation de surendettement vient créer un cas dans lequel le créancier ne peut légalement pas empêcher la prescription de courir.

    La loi interdit au créancier d’engager une voie d'exécution, on ne saurait alors lui reprocher de ne pas avoir interrompu le délai de prescription de cette manière, car cela n’est n’a pas été autorisé par le législateur.

    Le Code de la consommation prévoit, à l’ancien article L.311-1 désormais repris à l’article L.722-2 depuis l’ordonnance du 14 mars 2016, une suspension et une interdiction des procédures d’exécution.

    Source :

    • HELAINE Cédric, « Surendettement des particuliers et prescription extinctive », [en ligne], Dalloz actualité, février 2024, [consulté en février 2024]. https://www.dalloz-actualite.fr/

  • La présomption en faveur du déposant d’un dessin ne peut être renversée que par la revendication de son auteur

    Cass.com., 31 janvier 2024, n°22-20.409, publié au bulletin

     

     Dans un arrêt de cassation en date du 31 janvier 2024, la chambre commerciale de la Cour de cassation rappelle que l’enregistrement d’un dessin fait peser sur le déposant une présomption de propriété qui lui permet d’agir en contrefaçon. Il revient au véritable créateur d’en présenter la preuve contraire par revendication.

     

     

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  • La présence des articles détaillant le formalisme du contrat de consommation conclu hors établissement insuffisant à l’information du consommateur

    Civ. 1re, 24 janv. 2024, n° 22-16.115

    Le droit de la consommation est une matière relativement contemporaine. En effet elle trouve ses premières sources dans les années 1970. Ce droit a été créé pour réduire l’inégalité d’information entre le professionnel et le consommateur. Il protège donc grandement le consommateur en créant notamment de nombreuses présomptions à son avantage ou en rajoutant des informations obligatoires que le professionnel doit transmettre lors de la conclusion du contrat.

    En l’espèce, un consommateur avait conclu un contrat hors établissement le 7 avril 2016 avec une société pour la fourniture et la pose de panneaux photovoltaïques. Ce contrat est financé par le prêt d’une banque souscrit le même jour. Le consommateur découvrant des irrégularités dans le bon de commande demande l’annulation du contrat ainsi que du prêt.

    La Cour d’appel de Douai dans arrêt du 25 novembre 2021 donne droit à la demande de requérant. La société et la banque se pourvoi en cassation.

    La société estime sur le fondement de l’ancien article 1338 du Code civil que le contrat a été exécuté de manière volontaire par le consommateur en connaissance des irrégularités du bon de commande. Pour elle cette connaissance des irrégularités nait de la présence de manière « parfaitement lisible » au sein du contrat des articles « L. 111-1, L. 111-2, L. 121-17, L. 121-18, L. 121-18-1, L. 121-18-2, L. 121-19-2, L. 121-21, L. 121-21-2 et L. 121-21-5 du Code de la consommation » qui régissent le formalisme du contrat hors établissement. La présence de ces articles est, pour la société, la preuve que le consommateur est averti, ce qui lui fait perdre sa protection de consommateur.

    La première chambre civile de la Cour de cassation rejette le pourvoi dans un arrêt du 24 janvier 2024 et confirme l’interprétation de la cour d’appel estimant que les articles précités « dans des caractères de petite taille mais parfaitement lisibles, étaient insuffisante en eux-mêmes à révéler à l'acquéreur les vices affectant ce bon ».

    Cet arrêt sonne peut-être la fin d’une tergiversation de la Cour de cassation ces dernières années sur le sujet. En effet de nombreux acquéreurs se servaient de ce moyen pour résoudre ou annuler le contrat de prêt relié à un contrat de consommation erroné. Pour éviter cette dérive la Cour de cassation s’est montrée plus stricte envers le consommateur depuis 2019. C’est dans ce cadre qu’en 2020[1] elle admet pour la première fois que la reproduction des anciens articles L.121-1 et suivants du Code de la consommation pouvait engendrer la connaissance du vice au moment de la conclusion du contrat pour le consommateur. Cette position sévère n’a pas été reprise dans un arrêt du 20 avril 2022[2], au sein duquel elle revient à une interprétation protectrice pour le consommateur. Un énième revirement de jurisprudence dans un arrêt du 31 août 2022[3], confirmé depuis le 1er mars 2023[4] a eu lieu. La position de la Cour de cassation avant cet arrêt était donc que « la reproduction lisible, dans un contrat conclu hors établissement, des dispositions du Code de la consommation prescrivant le formalisme applicable à ce type de contrat, permet au souscripteur de prendre connaissance du vice résultant de l'inobservation de ces dispositions ». Cette solution est d’ailleurs reprise au sein de l’arrêt étudié. Toutefois, les juges effectuent un dernier revirement de jurisprudence estimant que la présence des articles était insuffisante pour que le consommateur repère les irrégularités du fait de la taille des caractères. Dorénavant, les juges du fond devront procéder à une observation in concreto des contrats conclus hors établissement afin de savoir si le consommateur avait une connaissance effective du vice ou non.

    Ce revirement est en réalité assez logique. La Cour de cassation veut avec cet arrêt « uniformiser le régime de la confirmation tacite et de juger ainsi dans les contrats souscrits antérieurement comme postérieurement » à la réforme du 10 février 2016.

    Cette évolution est saluée par la doctrine d’autant que la solution la mentionne. La Cour de cassation revient à une certaine orthodoxie du droit de la consommation qui vise justement à protéger la partie faible qu’est le consommateur.

    Hugo SOUESME

    Sources :

    C. HÉLAINE, « Contrat conclu hors établissement et nullité », Dalloz actualité, 02 février 2024, https://dalloz.ezproxy.univ-ubs.fr/documentation/Document?id=ACTU0221301

    J. LASSERRE CAPDEVILLE, « Crédit affecté : revirement attendu concernant la connaissance des irrégularités du contrat principal ! », La Semaine Juridique Edition Générale, n° 06, 12 février 2024, act. 193


    [1]Cass. 1re civ., 26 févr. 2020, n° 18-19.316.

    [2]Cass. 1re civ., 20 avr. 2022, n° 20-22.084.

    [3]Cass. 1re civ., 31 août 2022, n° 21-12.968.

    [4]Cass. 1re civ., 1er mars 2023, n° 22-10.361.

  • L’admission de la connaissance du vice du contrat conclu hors établissement : revirement de jurisprudence en faveur du consommateur

    Civ. 1ère, 24 janv. 2024, n° 22-16.115

    Dans un arrêt rendu par la première chambre civile le 24 janvier 2024, la Cour de cassation précise les modalités d’admission de la connaissance du vice du contrat conclu hors établissement par le consommateur.

    En l’espèce, par contrat conclu hors établissement en date du 7 avril 2016, un acquéreur a commandé auprès de la société venderesse, la fourniture et la pose de panneaux photovoltaïques, financés par un crédit souscrit le même jour auprès d’une banque.

    L’acquéreur a assigné le vendeur et la banque en annulation du contrat principal et du crédit affecté pour irrégularités du bon de commande.

    La cour d’appel[1] retient que l’acquéreur n’avait eu connaissance du vice affectant le formalisme du bon de commande au moment de la souscription du contrat ou de son exécution. Par conséquent, elle juge que l’acte était entaché de nullité et qu’aucune confirmation de la part de l’acquéreur ne pouvait être caractérisée en l’espèce.

    Le professionnel s’est alors pourvu en cassation en arguant que l’interprétation des juges du fond, des conditions de la confirmation tacite du contrat conclu hors établissement, n’était pas la bonne.

    La Cour de cassation rejette le pourvoi et retient exceptionnellement que la simple mention des dispositions du Code de la consommation relatives à la nullité du contrat pour vice de forme dans les conditions générales de vente ne suffit pas à considérer que le consommateur ait eu connaissance desdits vices. Dès lors, l’exécution du contrat ne suffit pas à confirmer le contrat. Il ne s’agit donc pas d’une confirmation tacite du contrat.

    Il dépend des juges du fond de relever les circonstances permettant de justifier la connaissance du vice par le consommateur dans une appréciation au cas par cas. Le juge peut particulièrement appuyer son appréciation sur les nouvelles dispositions de l’article 1183 du Code civil instaurant la possibilité pour le professionnel d’envoyer une demande de confirmation au consommateur, en ce qui concerne les contrats conclus postérieurement à l’entrée en vigueur de l’ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016. La Cour précise qu’il est préférable de viser une uniformisation de ce régime de confirmation.

    En effet, auparavant la Haute juridiction avait toujours retenu le contraire. Ainsi, l’exécution volontaire par le consommateur du contrat conclu hors établissement, malgré cette connaissance, entraînait jusque-là la confirmation dudit contrat malgré sa nullité pour vice de forme[2]. Cette solution était adoptée dans le but de faire prendre conscience à l’acquéreur de ses obligations et notamment celles résultant du contrat de crédit affecté, qui est un acte important.

    Cette solution s’applique désormais aux contrats conclus antérieurement et postérieurement à l’ordonnance du 10 février 2016.

    La Cour de cassation consacre aujourd’hui un avantage aux consommateurs, qui sont dans la plupart du temps, profanes en la matière et qui signent souvent un bon de commande sans s’informer des informations fournies en petits caractères. Cette décision alerte sur une protection accrue du consommateur et sur la vigilance que doit maintenant adopter les professionnels. Toutefois, par exception, le juge peut relever des indices permettant de considérer que le consommateur a été informé, notamment par l’envoi d’une demande de confirmation par le professionnel.

    Les praticiens du droit de la consommation devront alors rapidement appliquer ce revirement de jurisprudence, au pied de la lettre, afin d’éviter d’éventuelles discordes.

    Léna RABILLARD

    SOURCES :

    - « L’admission de la connaissance du vice du contrat conclu hors établissement : revirement de jurisprudence en faveur du consommateur », (en ligne), Lexis 360, 05 février 2024, (consulté le 6 février 2024)

    -« Contrat hors établissement (nullité) : conditions de la confirmation tacite », (en ligne), Recueil Dalloz 2024, 24 janvier 2024, p.165, (consulté le 6 février 2024)

    -NASOM-TISSANDIER H., « La confirmation tacite d’un contrat conclu hors établissement : un revirement favorable aux consommateurs », (en ligne), Le Quotidien du 1 février 2024 : Consommation, Lexbase, 01 février 2024, (consulté le 8 février 2024)

     

    [1] CA Douai, 25 novembre 2021, n°19/05437.

    [2] Civ. 1re, 9 déc. 2020, n° 18-25.686 et Civ. 1re, 31 août 2022, n° 21-12.968.