La doctrine fiscale et la réduction de l’abattement pour la location meublée touristique, quel impact pour les Airbnb ?

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La loi de finances pour 2024[1] a fait grand bruit au sujet du régime fiscal des locations de  meublés touristiques. En effet, le législateur a tenté de réduire une « niche fiscale » particulièrement avantageuse pour les loueurs de meublés en courte durée[2] et plus couramment appelés « locations Airbnb ». Cependant, l’administration fiscale est venue interpréter la loi pour savoir si les contribuables allaient être concernés par les modifications pour l’imposition des revenus sur l’année 2023.

 

 


[1] Loi n°2023-1322 du 29 décembre 2023 de finances pour 2024.

[2] C. tourisme, Art. L.324-1-1.

Que prévoit la loi de finances au sujet des locations de meublés touristiques ?

L’administration fiscale l’indique clairement, le régime des micro-entreprises est applicable aux activités de locations de locaux de meublés de tourisme qui n’excèdent pas le seuil des 15 000€ et l’abattement représentatif des charges est de 30%. Un abattement supplémentaire de 21% est possible en fonction de la zone géographique où se situe la location et dans laquelle l’offre et la demande de logements est déséquilibrée[1]. Cela veut dire qu’un bailleur ne peut bénéficier de cet abattement supplémentaire s’il loue dans une ville où il y a plus de demandes de logements que d’offres.

A titre de comparaison, l’abattement s’élevait à 71%, pour un revenu inférieur ou égal à 188 700 € et à 50% pour un revenu inférieur ou égal à 77 700€.

Cette politique fiscale vise à endiguer l’accroissement des locations à courte durée ou dites « Airbnb », et à encourager les propriétaires à faire de ces logements, des locations longue durée ou bien les vendre pour que les acquéreurs en fassent leur résidence principale.

L’administration fiscale n’est toutefois pas en adéquation avec ce texte et en fait une application non pas impérative mais relative. Son interprétation se fait en deux temps.

Dans un premier temps, le contribuable pourra se soumettre aux modifications de l’article 50-0 du Code général des impôts, dans sa déclaration d’imposition des revenus de l’année 2023. Dans un second temps, un tempérament est apporté. Cette mesure fiscale étant plus lourde que celle de l’année passée, il est possible pour le contribuable d’appliquer aux revenus de 2023, les dispositions anciennes du même article. Il ne faut pas que cela engendre une reconstitution a posteriori d’une comptabilité commerciale et donc une application rétroactive des mesures sur des opérations déjà réalisées.

L’administration permet alors un droit d’option sur l’imposition à venir alors que le texte n’en prévoit pas et vide de sa substance la nouvelle mesure puisqu’elle la rend inapplicable. Qui opterait pour un impôt plus lourd alors qu’il peut conserver un taux nettement plus avantageux ? De plus, les effets recherchés par la loi de finances relatifs au logement ont également perdu de leur intérêt puisqu’ils ont été neutralisés.

L’interprétation contra legem de la doctrine administrative peut-elle être remise en cause ?

Il y a plusieurs solutions pour que l’acte pris soit caduc. Deux possibilités existent notamment[2]. La première est la modification de la loi sur laquelle se fonde la doctrine et la seconde est l’annulation contentieuse devant le juge administratif dans le cadre d’un recours pour excès de pouvoir.

Cet article 50-0 du CGI en question, avait fait l’objet d’un débat parlementaire houleux puisque la réduction de l’abattement avait été jugée trop sévère par les membres du gouvernement et certains parlementaires. Or, sa rédaction a été conservée par erreur par le gouvernement, qui l’a fait passer au moyen de l’article 49 alinéa 3 de la Constitution[3]. C’est dans la lignée des propos du ministre de l’Economie et des Finances que la doctrine fiscale a agit semble-t-il. Toutefois, des élus ont décidé d’introduire un recours pour excès de pouvoir auprès du Conseil d’Etat afin qu’il tranche la question de l’applicabilité de la doctrine fiscale. Ce dernier devrait rendre une décision dans les prochaines semaines.

Au vu de cette actualité politique, législative et judiciaire, il semblerait que l’article 50-0 du CGI en question soit modifié en cours d’année. Quel sera le sort de la doctrine administrative et quel sera le sort de la fiscalité des locations de tourisme ?

 

Quentin SCOLAN

 

[1] CGI, Art.50-0 relatif aux activités de location meublée de tourisme.

[2] « Doctrine administrative », Fiches d’orientation, Dalloz, décembre 2021 (en ligne).

[3] Article 49 alinéa 3 de la Constitution du 4 octobre 1958, modifié par une Loi constitutionnelle du 23 juillet 2008 (n°2008-724) : « Le Premier ministre peut, après délibération du Conseil des ministres, engager la responsabilité du Gouvernement devant l'Assemblée nationale sur le vote d’un projet de loi de finances ou de financement de la sécurité sociale. Dans ce cas, ce projet est considéré comme adopté, sauf si une motion de censure, déposée dans les vingt-quatre heures qui suivent, est votée dans les conditions prévues à l'alinéa précédent. Le premier ministre peut, en outre, recourir à cette procédure pour un autre projet ou une proposition de loi par session ».

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