Dossier spécial : L’application du dispositif de la loi « antisquat »

Loi n°  2023 -668 du 27  juillet 2023 et Circ. n° JUSD2331904C, 23 nov. 2023

 

L’occupation illicite de logement est devenue une thématique et une angoisse particulièrement importante chez les propriétaires. Devant les procédures souvent longues, et ce, malgré une loi de 2020 instaurant une procédure accélérée imposant au préfet de répondre sous 48 heures aux demandes d'évacuation des victimes propriétaires ou locataires ou des personnes agissant pour elles[1], le législateur a décidé de compléter et durcir la législation pénale concernant le « squat » dans une loi du 27 juillet 2023 complétée par une circulaire du ministère de la justice du 23 novembre 2023.

 

La loi a durci la sanction pénale d’une violation de domicile prévue à l’article 226-4 du Code pénal pouvant aller aujourd’hui jusqu’à 3 ans d’emprisonnement et 45 000 euros d’amende. 

La loi est venue rajouter un dernier alinéa à cet article en précisant la notion de domicile. L’article 226-4 dispose que « constitue notamment le domicile d’une personne, au sens de cet article, tout local d’habitation contenant des biens meubles lui appartenant, que cette personne y habite ou non et qu’il s’agisse de sa résidence principale ou non ». 

La circulaire apporte un certain nombre d’informations sur cette notion. En effet, elle tempère l’ajout de ce dernier alinéa car le texte ne fait en réalité que reprendre « une solution dégagée par la chambre criminelle de la Cour de cassation afin d’attirer l’attention sur le fait qu’un domicile non habité, tout comme une résidence secondaire est protégé par le délit de violation de domicile ».[2] De plus, l’emploi du terme « notamment » renferme la possibilité de voir en cet alinéa une liste limitative.

Ladite circulaire reprend aussi une décision du Conseil constitutionnel émettant une réserve d’interprétation sur ce dernier alinéa[3]. Pour lui, la présence de meubles appartenant à la personne ne saurait constituer à elle seule le domicile. Ainsi, il invite à voir la présence d’un meuble comme une présomption de domicile.

Ensuite, concernant ce délit, la circulaire vient préciser la notion de meuble meublant en reprenant la définition de l’article 534 du Code civil. La circulaire rappelle enfin que pour caractériser ce délit il faut des manœuvres, menaces, voies de fait ou contraintes, sans différence avec l’ancien article.

 

En outre, la loi vient créer deux nouveaux délits pénaux. 

D’une part, il y a le délit de l’introduction ou de maintien illicite dans un local à usage d’habitation ou à usage commercial, agricole ou professionnel prévu par l’article 315-1 du Code pénal. Comme souvent avec de nouveaux délits, une circulaire est utile pour en comprendre les éléments constitutifs. Notre circulaire commentée commence par encadrer les notions de locaux à usage d’habitation, commercial, agricole ou professionnel. Concernant le local à usage d’habitation, il doit être distingué de la notion de domicile vu précédemment, et sera interprété par le juge de manière objective. Au sujet des locaux à usage commercial ou agricole, la circulaire renvoie respectivement aux articles du Code de commerce[4] et du Code rural[5]. Enfin, l'usage professionnel concernera notamment les activités non commerciales. 

La circulaire, si elle confirme qu’une partie du champ d’application de ce délit est semblable à la violation de domicile, réaffirme aussi la distinction entre ces deux notions. Le délit de violation de domicile vient réprimer l’atteinte à la vie privée alors que le délit d’occupation de local est une atteinte aux biens qui sanctionnera toute personne occupant sans droit ni titre. Les deux délits précités pourront d’ailleurs être cumulés[6] si le local est le domicile d’une autre personne que le propriétaire (le domicile du locataire par exemple). Ce délit est puni jusqu’à 2 ans d'emprisonnement et 30 000 euros d'amende.

D’autre part, le délit de maintien sans droit ni titre dans un local à usage d’habitation en violation d’une décision de justice a été créé. La situation est celle d’une personne qui refuse de quitter le local deux mois après un jugement définitif et exécutoire ainsi que des commandements réguliers. Il ne concerne aucune des personnes visées par les articles 315-1 et 226-4 du Code pénal. Classiquement c’est la situation du locataire qui ne s’acquitte plus des loyers et qui ne veut pas quitter les lieux. Trois exceptions demeurent cependant à l’application de ce texte : en cas de trêve hivernale, si une procédure est en cours pour obtenir un délai comme le prévoit l’article L.412-3 du Code des procédures civiles d’exécution ou si le bailleur est un bailleur social ou une personne publique. Ce délit est puni d’une peine d’amende pouvant aller jusqu’à 7 500€.

 

Ces délits sont par ailleurs renforcés par un nouveau délit de propagande ou de publicité en faveur de méthodes visant à faciliter la commission des délits précédemment cités. Ce délit sera puni à l’article 226-4-2-1 du Code pénal et prévoit une peine pouvant aller jusqu’à 3 ans d'emprisonnement et 30 000 € d'amende.

 

Hugo SOUESME

SOURCES :

-B.VIAL-PEDROLETTI et P. DE PLATER, « La loi n° 2023-668 du 27 juillet 2023 ou le rééquilibrage des rapports locatifs et le renforcement de la propriété immobilière », Revue Loyers et Copropriété, n° 1, janvier 2024, LEXISNEXIS SA, étude 1.

-Veille « Publication de la circulaire de présentation des dispositions de la loi « anti-squat », La Semaine Juridique Edition Générale, n° 48, 04 décembre 2023, act. 1364

 


 

[1] LOI n° 2020-1525 du 7 décembre 2020 d'accélération et de simplification de l'action publique.

[2] Circulaire n°JUSD2331904C.

[3]Décision n° 2023-853 DC du 26 juillet 2023.

[4]Articles L. 144-110, L. 144-12 et L. 145-6 du Code de commerce.

[5]Article L. 411-1 du Code rural et de la pêche maritime.

[6] Cass. crim., 15 décembre 2021, n° 21-81.864.

 
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