L’aide personnelle au logement ne sera versée au bailleur que si le logement est décent

Civ. 3e, 14 déc. 2023, n° 22-23.267

Dans un arrêt rendu par la troisième chambre civile le 14 décembre 2023, la Cour de cassation précise le sort de la dette d’un locataire d’un logement non décent qui perçoit des aides au logement.

En l’espèce, une société bailleresse, propriétaire d’un logement donné à bail à un locataire, bénéficiait du versement direct de l’allocation de logement auquel la locataire avait droit. Le locataire a relevé l’indécence du logement et a donc assigné la bailleresse en exécution de travaux, en suspension du paiement des loyers et indemnisation de son préjudice de jouissance. Parallèlement, la Caisse d’Allocations Familiales (CAF) a cessé de verser l’aide personnalisée au logement (APL) au bailleur, en raison de la non-décence du logement.

La bailleresse a alors formé une demande reconventionnelle en paiement d’un arriéré de loyers.

La Cour d’appel d’Aix-en-Provence[1] a considéré que le locataire n’avait pas démontré le caractère indécent du logement et qu’il devrait être condamné à verser au bailleur une certaine somme, incluant celles conservées par l’organisme payeur, motif pris que « les sommes non versées sont retenues par la CAF et que si la situation évolue et permet le versement de l’allocation logement, le bailleur aura l’obligation de déduire le montant qui lui sera alors versé du montant dû par le locataire. »

Au visa de l’article L.825-1 du Code de la Construction et de l’Habitation, la Haute juridiction censure l’arrêt pour violation du texte susvisé. En effet, elle considère que compte tenu de la procédure de conservation des allocations de logement pour non-décence du logement engagée par la CAF, qui ne pouvait être contestée que devant le juge administratif, il revenait à la cour d’appel de déduire de la somme réclamée par le bailleur, celle correspondant au montant des allocations de logement.  

La solution apportée par la Cour de cassation est nouvelle et permet d’éclairer les interrogations du bailleur lorsqu’un locataire ne règle pas ses loyers. En effet, le bailleur a l’obligation de délivrer un logement décent afin de pouvoir être payé[2]. Inversement, le locataire a l’obligation de régler ses loyers lorsque le bailleur répond à ses engagements. Lorsque le locataire constate que le propriétaire ne fournit pas un logement répondant aux critères de décence, il peut saisir le juge judiciaire pour une mise en conformité, sur le fondement de l’article 20-1 de la loi de 1989. Le juge peut alors réduire le loyer ou le suspendre en attente de l’exécution des travaux nécessaires.

L’aide apportée par la CAF est aussi une façon de pouvoir le sanctionner. Lorsqu’elle constate que le logement ne respecte pas les critères[3], elle suspend alors l’APL et notifie au bailleur son obligation de le mettre en conformité[4]. Durant ce laps de temps, le locataire continue de régler son loyer, mais la partie apportée par la CAF n’est pas dû. Le bailleur ne pourra s’en acquitter pour résilier le bail. S’il met trop de temps à le faire, alors il perdra le bénéfice de cette allocation[5].

Pour être efficace, il est préférable que le juge et que la CAF aient la même définition du critère de décence. Cela dépend si le logement représente un risque pour la santé ou la sécurité du locataire, s’il n’est pas infesté de parasites, s’il présente une aération suffisante par exemple. Pour cela, cet arrêt vient préciser que lorsque c’est l’organisme d’allocations qui prend la décision d’arrêter le versement, le bailleur ne pourra lancer une procédure auprès du juge judiciaire pour obtenir le paiement des loyers, même si ce dernier avait une interprétation contraire à celle de la CAF.

Il est important de rappeler que l’obligation de délivrer un logement décent répond à un objectif de valeur constitutionnelle, comme a pu le souligner une nouvelle fois le Conseil d’Etat[6].

Léna RABILLARD

Sources :

-ROQUET Y., « Loyer du logement non décent : déduction des allocations de logement », (en ligne), Département Immobilier Lefebvre Dalloz, Dalloz, 12 janvier 2024 (consulté le 13 janvier 2024)

-« L’aide personnelle au logement ne sera versée au bailleur que si le logement est décent », (en ligne), Lefebvre Immobilier Location, Francis Lefebvre, 04 janvier 2024 (consulté le 13 janvier 2024)

-« L’obligation renforcée de délivrer un logement décent répond à un objectif de valeur constitutionnelle », (en ligne), Lefebvre Placement Immobiliers, Francis Lefebvre, 05 février 2024, (consulté le 7 février 2024)


[1] CA Aix-en-Provence, 24 février 2022, n°21/12952.

[2] Art. 1719 C. civ. issu de l’article 6 de la Loi 89-462 du 6 juillet 1989 et Décret n°2002-120 du 30 janvier 2002.

[3] Art. L.822-9 CCH.

[4] TJ Lyon, 23 février 2021, n°11-17-002888.

[5] Art. L.843-2 CCH.

[6] CE, 21 décembre 2023, n° 488900.

 
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