Articles de jurisactuubs

  • Les outils de la loi Macron pour soutenir le redressement des entreprises en difficulté

    Article publié le 21 novembre 2015

     

    La loi n° 2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques, dite loi Macron, consacre dans le chapitre V du Titre II, des considérations qui apportent un renforcement du redressement des entreprises en difficulté.

    En effet, le chapitre V est intitulé « Assurer la continuité de la vie des entreprises », il comprend les articles 231 à 240, ceux-ci étant répartis en trois sections.

    La première évoque une spécialisation de certains tribunaux de commerce, la deuxième est consacrée aux nouveautés concernant les administrateurs judiciaires et les mandataires judiciaires. Enfin la troisième et dernière section est relative à l'efficacité renforcée des procédures de sauvegarde, de redressement judiciaire, de rétablissement professionnel et de liquidation judiciaire.

    1- Les tribunaux de commerce spécialisés

    L'objectif est de mettre en place des tribunaux de commerce qui seront spécialement habilités pour connaître des procédures collectives qui concernent les très grandes entreprises. Cette nouveauté va servir à éviter que ce genre de procédures ne soient confiées à des tribunaux de commerce de petite taille qui n'avaient par conséquent pas toutes les compétences nécessaires.

    En effet, certaines règles ne sont pas aisément applicables au niveau d'une grande entreprise, par exemple, l'appréciation de la cessation des paiements, le traitement des actifs et des sûretés, ou encore les créances intragroupe. (J.L Vallens, Création de tribunaux de commerce spécialisés : aspects de procédure. in RTDcom 2015, p593)

    Ces facteurs peuvent conduire à une extension trop hâtive d'une des procédures ou à l'élaboration de plans intégrant des cessions d'actifs au détriment des intérêts d'un redressement coordonné du groupe dans son ensemble.

    Le champ d'application

    La mesure concerne d'une part, les sociétés qui répondent à deux critères cumulatifs. Ces deux critères sont ; au moins 250 salariés et au moins un chiffre d'affaires de 20 millions d'euros.

    Notons sur ce point qu'au départ, le seuil était fixé à 150 salariés, mais les  juges consulaires estimaient que ce seuil était trop bas, ils réclamaient un minimum de 250 salariés. Cela a finalement été accepté après plusieurs débats houleux.
    D'autre part, les entreprises présentant un chiffre d'affaires minimum de 40 millions d'euros net.

    Enfin, sont également visées les sociétés mères qui détiennent le contrôle d'une autre société en considération des mêmes seuils, calculés pour l'ensemble des sociétés concernées.

    Les procédures concernées

    Ces tribunaux spécialisés seront compétents pour les procédures de sauvegarde, de redressement judiciaire, de liquidation judiciaire, ainsi que de conciliation.

    Une innovation mérite ici d'être soulignée : le tribunal de commerce spécialisé devra comprendre en son sein un juge du tribunal de commerce « dans le ressort duquel l'entreprise a des intérêts ». (art. L. 721-8, I dernier alinéa, du code de commerce)

    Cela va sans doute permettre de concilier la concentration des moyens et des compétences avec une proximité très importante.

    L' entrée en vigueur

    Une fois la liste des tribunaux de commerce spécialisés connue (le Gouvernement l'annoncera en décembre 2015), la règle légale nouvelle pourra s'appliquer.

    Le législateur a fixé la date d'entrée en vigueur de celle-ci en précisant qu'elle sera applicable aux procédures ouvertes à compter du 1er mars 2016.

    2- Les auxiliaires de justice

    La loi du 6 août 2015 a modifié le statut des mandataires judiciaires et des administrateurs judiciaires.

    Dans un premier temps, il est désormais possible pour le juge, par sa seule initiative, de désigner au moins un deuxième administrateur judiciaire et un deuxième mandataire judiciaire dans le jugement d'ouverture de la procédure à l'encontre d'un débiteur lorsque ce dernier possède un nombre d'établissements secondaires situés dans le ressort d'un tribunal où il n'est pas immatriculé et s'il détient ou contrôle, au moins deux sociétés à l'encontre desquelles est ouverte une procédure collective. (art. L. 621-4-1 du code de commerce)

    Cette multiplication des auxiliaires de justice s'explique par le fait que le législateur a voulu encadrer les dossiers complexes où le chiffre d'affaires de l'entreprise est important. (LECUYER, Hervé. Assurer la continuité de la vie des entreprises. JCP G 2015, Supplément au N° 44, p31)

    Dans un second temps, la nouvelle loi offre la possibilité à l'administrateur judiciaire et au mandataire judiciaire d'exercer leur profession en qualité de salarié. (art. L. 811-7-1 et L. 812-5-1 du code de commerce)

    3- Les différentes procédures

    Dans le cas des procédures collectives, (procédures de sauvegarde, procédures de redressement judiciaire, de rétablissement professionnel et de liquidation judiciaire) la loi Macron a pour conséquence d'accroître les pouvoirs du tribunal de commerce.

    En effet, le tribunal peut désormais s'immiscer véritablement au sein de l'activité de la société en favorisant par exemple, la participation au capital des créanciers qui se sont engagés. Il peut également organiser le remplacement des dirigeants de l'entreprise ou encore prononcer l'incessibilité des parts ou titres.

    Ce sont des mesures graves qui sont contrôlées, elles peuvent être mises en œuvre par le tribunal, seulement s'il existe une menace de trouble grave à l'économie nationale ou régionale et à l'emploi.

    Malgré cet encadrement, la loi retire des prérogatives aux associés ou aux actionnaires des sociétés faisant l'objet d'une procédure collective et de ce point de vue cette loi ne satisfait pas les intérêts de tous les acteurs.


    Médéric Gueguen

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  • Les effets du changement climatique sur le droit des entreprises

    Article publié le 3 janvier 2016

     

     

    Au lendemain de la COP21, les entreprises doivent s'interroger sur les effets du changement climatique.

    En effet, il peut conduire à des bouleversements écologiques et économiques, en particulier pour les entreprises il existe un risque lié à leur implantation ou un risque de dépréciation de certains de leurs actifs.

    Le droit est un outil décisif pour orienter les sociétés vers une adaptation à ces changements climatiques. Le législateur français tente d'oeuvrer en ce sens (I), et les entreprises doivent s'adapter à ces modifications (II) tant sur le plan national qu'international (III).

     

    I- Une prise de conscience du législateur

    Toutes les entreprises, sans considération de leur forme sociale, sont confrontées à ce changement climatique sans précédent qui exige de restituer à l'environnement sa place dans notre activité économique.

    Certaines dispositions légales ont été mises en place.

    Prenons comme premier exemple, la loi n° 2010-788 du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l'environnement qui impose aux entreprises de plus de 500 salariés de réaliser un bilan de leurs émissions de gaz à effet de serre (GES) et de proposer des plans d'action pour limiter leurs émissions.

    Depuis l'ordonnance n° 2015-1737 du 24 décembre 2015 relative aux bilans d'émission de gaz à effet de serre, ce bilan doit être réalisé tous les 4 ans (et non plus 3 ans).

    Depuis le 1er janvier 2016 elles encourent 1500 euros d'amende en cas de non respect.

    Dans le même sens, l'article R. 513-23 du C. mon. fin. a confié à l'Agence française de développement, la mission de « financer des opérations de développement, dans le respect de l'environnement » ; la Banque publique d'investissement créée en 2012 doit elle aussi tenir compte des enjeux environnementaux lorsqu'elle accorde des prêts.

    Un dernier exemple particulièrement riche en la matière; la loi n° 2015-992 du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte, modifiant l'article L. 225-102-1 C.com qui prévoit désormais que le rapport annuel du Conseil d'administration ou du directoire des sociétés anonymes (SA) doit rendre compte des conséquences environnementales de leurs activités.

    Par ailleurs, à compter du 31 décembre 2016 sera incluse l'obligation de rendre compte « des risques financiers liés aux effets du changement climatique et des mesures que prend l'entreprise pour les réduire en mettant en œuvre une stratégie bas-carbone dans toutes les composantes de son activité »

    Il s'agit d'une avancée importante qui s'inscrit dans la continuité des lois Grenelle I et II, cette loi offre des outils ainsi que des objectifs pour contribuer au passage d'une économie verte.

    Ces nouvelles législations liées au changement climatique vont impacter le comportement des entreprises.

     

    II- La réponse des entreprises

    En premier lieu, l'exemple précis des sociétés d'assurances montre le réel impact de ce changement climatique sur les entreprises.

    Les sociétés d'assurances sont particulièrement touchées. En effet, les évènements naturels majeurs ont été multipliés par 5 en 50 ans, ce qui a eu pour conséquence un coût très important pour ces sociétés d'assurances.

    Ce coût qui ne cesse de croître va en définitive se répercuter sur la prime d'assurance que va devoir verser le souscripteur. En contrepartie, ces entreprises doivent informer les souscripteurs de la prise en compte, dans leur politique d'investissement, des critères environnementaux.(art. L. 533-22-1 C. mon. fin.)

    Cela montre clairement l'importance pour les entreprises d'adopter une stratégie pour prendre en compte le problème environnemental.

    Plus généralement, désormais les entreprises vont devoir d'une part, sensibiliser leurs salariés et d'autre part, les former et les mobiliser pour répondre efficacement à ces enjeux récents.

    De plus, outre les salariés, la mobilisation des distributeurs, des fournisseurs et des collaborateurs des entreprises est nécessaire, pour inculquer un véritable esprit d'entreprise sur ces changements climatiques et plus largement sur l'environnement.

    C'est pourquoi, dès 1992, a été créée l'association française des entreprises pour l'environnement (EPE) dont le rôle est de mieux prendre en compte l'environnement dans les décisions stratégiques et la gestion courante des entreprises.

    Les entreprises sont confrontées à une nouvelle donnée, qu'elles doivent prendre en compte au plus vite.

    En pratique, cela doit se traduire par des engagements et des actes sincères de la part des dirigeants d'entreprises, par des dialogues avec le gouvernement ainsi qu'un suivi important afin d'améliorer les stratégies pour les entreprises futures, y compris à l'international.

     

    III- Un problème international

    Les changements climatiques ne connaissent pas les frontières. Des accords internationaux pour répondre à ces problématiques sont indispensables.

    En effet, il faut fixer des objectifs clairs concernant les mesures environnementales pour toutes les entreprises qui sont dites internationales et qui ont un impact dans plusieurs pays afin d'harmoniser ces nouveaux droits, ces nouvelles obligations pour les sociétés, et ainsi répondre efficacement au problème très urgent qu'est le changement climatique

    Ainsi, le 17 avril 2013, la commission européenne a publié une stratégie européenne d'adaptation par rapport aux changements climatiques (le coût de l'adaptation représente entre 0,1 à 0,5 % du PIB alors que l'inaction serait dix fois supérieure).

    En ce sens, au Royaume-Uni, le « Reporting power » enjoint les entreprises de secteurs stratégiques à rendre compte de leur vulnérabilité au changement climatique et à proposer des dispositifs pour y remédier.

    Enfin, l'ISO (organisation internationale de normalisation) a créé la famille norme ISO 14000 qui donne des outils pratiques aux entreprises qui souhaitent maîtriser leur responsabilité environnementale.

    Pour conclure, les entreprises doivent relever ce défi et s'inscrire dans une nouvelle dynamique.

    Malgré les coûts que cela peut engendrer, il s'agit véritablement d'un nouveau facteur de compétitivité.

     

    Médéric GUEGUEN

    Sources :

    • ONERC (observatoire national sur les effets du réchauffement climatique), rapp. au Premier ministre et au Parlement « l'adaptation de la France au changement climatique » mai 2012.
    • Rapport « Les entreprises et l'adaptation au climatique », EPE, ONERC, Avril 2014.
    • Rapport CDC-MEDDE, chiffres clés du climat en France et dans le monde, Edition 2014, Repères.
    • Recueil Dalloz, n°39, 12 nov. 2015, dossier : Quel droit face au changement climatique ?
    • Rédaction du Village de la Justice « Lutte contre le changement climatique : la stratégie du droit ».

     

  • Résiliation d'un contrat d'assurance de garantie contre les impayés locatifs:Vérifier les dates des sinistres

    « L'obligation sans cause, ou sur une fausse cause, ou sur une cause illicite, ne peut avoir aucun effet » (ancien article 1131 du code civil). C’est ce qu’a rappelé la deuxième chambre civile de la Cour de cassation dans un arrêt du 02 février 2017 concernant la résiliation d’un contrat d’assurance contre les impayés de loyers.

    En l’espèce, le 28 novembre 2006 diverses sociétés ont souscrit un contrat d'assurance. Ce contrat permettait de garantir les impayés des locataires (loyers, charges, taxes et indemnités d’occupations).

    Par lettre recommandée avec avis de réception du 12 octobre 2010, l'une d'elle a résilié le contrat d’assurance pour le 31 décembre 2010. A cette date, 29 sinistres déclarés étaient en cours d’indemnisation par l’assureur qui a cessé, à compter du 1er janvier suivant, d’indemniser les bailleurs y compris pour les sinistres nés/déclarés avant la résiliation de la police d’assurance. Pour se faire, la société d’assurance s’est prévalue des dispositions du contrat selon lesquelles la résiliation du contrat entrainait la cessation des indemnités.

    Suite à ce désaccord, la société agissant en qualité de mandataire des propriétaires assurés, a assigné l’assureur pour obtenir la prise en charge de 27 des 29 sinistres (deux sinistres ayant été indemnisés).

    La Cour d’appel de Versailles, dans un arrêt du 29 septembre 2015, condamne l’assureur à payer certaines sommes à la société qui avait résilié le contrat.

    A la lecture du contrat, les juges du fond observent qu'il n'y a pas lieu d'interpréter que l'assureur devait interrompre tant le contrat que le versement des indemnités à la date de résiliation. La Cour d’appel retient ainsi que le versement par les assurés des primes pour la période entre la prise d’effet du contrat et son expiration avait pour contrepartie la garantie des dommages (dommage trouvant son origine avant la résiliation).

    Ainsi, les clauses visant à l'interruption immédiate de l'indemnisation devaient être réputées non-écrites. Cela aboutissait, pour les juges du fond, a priver l'assuré du bénéfice de l'assurance de part la résiliation et cela créait un avantage illicite dépourvu de cause au seule profit de l'assureur qui percevait les primes sans contrepartie.

    Insatisfaite de cet arrêt, la société d’assurance forma un pourvoi contre l’arrêt rendu par la Cour d’appel.

    La question qui se posait ici était la suivante :

    La résiliation d’un contrat d’assurance locatif par un de ses souscripteurs, peut-il interrompre de manière immédiate le versement des indemnités prévues en cas de sinistre pendant la période de validité du contrat ?

    La deuxième chambre civile de la Cour de cassation, par un arrêt du 02 février 2017, casse l’arrêt de la Cour d’appel pour violation de l’article 1131 du code civil (dans sa rédaction antérieure à l’ordonnance du 10 février 2016). Pour se faire, les juges du droit rappellent que la Cour d’appel avait pourtant bien observé que :

    D’une part, l’obligation, qui était faite aux assurés de payer les primes, avait pour contrepartie, l’obligation faite à l’assureur d’indemniser les assurés des pertes locatives subies antérieurement à la résiliation. Postérieurement à la résiliation, l’assureur devait prendre en charge la totalité des frais de procédure et assurer son suivi en vertu du contrat d’assurance.

    D’autre part, les pertes pécuniaires liées aux défaillances post-résiliation ne trouvaient pas leur origine dans les impayés survenus pendant la période de validité du contrat.

    Il est aisé de comprendre ici le raisonnement de la Cour de cassation. En effet, pour un contrat d’assurance, l’assuré s’engage à payer les primes du contrat en contrepartie de l’indemnisation de l’assureur en cas de pertes locatives. On ne peut retenir l'obligation de l'assureur d'indemniser que l’assureur devra indemniser son assuré pour des défaillances qui ne trouvent pas leurs origines dans des impayés survenus hors période de validité du contrat. On ne peut retenir l'obligation de l'assureur d'indemniser

    S’il est normal pour une Cour d’appel de réputer non-écrites des clauses qui seraient déséquilibrées, abusives ou illicites, l’arrêt du 29 septembre 2015 peut laisser ici perplexe.

    Comment les juges du fond sont-ils passés à coté du fait que les pertes liées aux défaillances post-résiliation ne trouvaient pas leur origine dans les impayés survenus durant la validité du contrat.

    Cette argumentation ne pouvait en effet qu’être contraire à l’ancien article 1131 du code civil qui disposait que « L'obligation sans cause, ou sur une fausse cause, ou sur une cause illicite, ne peut avoir aucun effet ».

    Cette question restera sans réponse jusqu’à ce que la Cour d’appel de Paris statue sur la question, l’affaire étant renvoyée par la deuxième chambre civile devant celle-ci).

    Jordy SASSUS-BOURDA

    Sources :

    Deuxième chambre civile 2 février 2017 (15-28.011)

  • La récente solution, conforme au droit, du point de départ du délai de prescription de l’action en paiement au titre d’un crédit immobilier

    Article publié le 23 février 2016

     

          C’est sur le fondement de l’article L.137-2 du Code de la consommation et des articles 2224 et 2233 du Code civil que les juges du droit, réunis en la première chambre civile de la Cour de cassation, ont opéré un revirement de jurisprudence par quatre arrêts rendus le 11 février 2016. Ce revirement est notamment relatif au point de départ du délai de prescription de l’action en remboursement d’un crédit immobilier, consenti par un professionnel, au profit d’un consommateur. L’article L.137-2 du Code de la consommation énonce que « l'action des professionnels, pour les biens ou les services qu'ils fournissent aux consommateurs, se prescrit par deux ans », dérogeant ainsi au délai de prescription de droit commun, de 5 ans. Les juges maintiennent toutefois leur position quant à la durée de ce délai de prescription spécial. 

         Avant ce revirement, et depuis un arrêt de la première chambre civile, en date du 10 juillet 2014 (Cass. 1re civ., 10 juill. 2014, n° 13-15.511), la prescription biennale de l’article L.137-2 sus-visé courait, sur le fondement de l’article 2224 du Code civil, « à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer » : c’est-à-dire, en matière de crédit immobilier, à la date du premier incident de paiement non régularisé, consenti à un consommateur. 

        Le crédit immobilier est un crédit à long terme obtenu auprès d'un établissement de crédit et qui est destiné à financer tout ou partie d'un achat immobilier, d'une opération de construction immobilière, ou des travaux pour un bien immobilier.

        Pour chaque fait d’espèce, une banque (créancier professionnel) consent un crédit immobilier à des particuliers (emprunteurs « consommateurs »). Au cours du remboursement du crédit, les particuliers défaillants se trouvent dans l’impossibilité de rembourser les mensualités dues au titre du crédit. Face à ces impayés, le créancier décide de mettre en oeuvre une déchéance du terme, afin de recouvrer la totalité du crédit impayé. En effet, en cas de mensualités impayées, la banque peut, si tel est prévu dans le contrat de prêt, prononcer la déchéance du terme, c'est-à-dire mettre fin au crédit avant la date prévue au contrat. Ainsi, la totalité des sommes dues au titre du prêt (échéances impayées, capital restant dû, intérêts de retard, pénalités...) sera réclamée par la banque, sans délai.

        Les juges du droit innovent en apportant une solution pertinente : « à l'égard d'une dette payable par termes successifs, la prescription se divise comme la dette elle-même et court à l'égard de chacune de ses fractions à compter de son échéance, de sorte que, si l'action en paiement des mensualités impayées se prescrit à compter de leurs dates d'échéance successives, l'action en paiement du capital restant dû se prescrit à compter de la déchéance du terme, qui emporte son exigibilité ». Cette solution découle assez logiquement de la lettre de l’article 2233 du Code civil, qui dispose que : « la prescription ne court pas : (…) 3° A l'égard d'une créance à terme, jusqu'à ce que ce terme soit arrivé ».

        Le délai de prescription de l’action en paiement au titre d’un crédit immobilier consenti à un consommateur, ne court, désormais, qu’à l’exigibilité effective de l’obligation.

    • La créance de chaque échéance mensuelle devient exigible lors de chacun des termes successifs exigibles (c’est-à-dire au jour où le débiteur consommateur aurait dû payer l’échéance) ;
    • La créance du capital restant dû devient effective au jour du prononcé de la déchéance du terme. Celui-ci est donc le nouveau point de départ du délai de prescription de cette action. 

    Anne-Lise BECQ

    Sources

    • AVENA-ROBARDET, Valérie. « Crédit immobilier : revirement de jurisprudence sur la prescription ». Dalloz actualité. 
    • LASSERRE CAPDEVILLE, Jérôme. « Point de départ du délai biennal de l'article L. 137-2 du Code de la consommation : le revirement attendu est enfin là ! » La Semaine Juridique, Édition Générale n° 8, 22 Février 2016, 220.