Le barème de l’article 669 I du CGI s’applique à la cession de droits démembrés entre personnes morales

Article publié le 11 décembre 2018

 

Le recours au démembrement de propriété pour transmettre un bien, notamment dans le cadre d’une société civile immobilière (SCI), est une pratique courante, simple et efficace, permettant de minorer l’imposition de la cession par l’application d’un barème prévu à l’article 669 I du Code général des impôts (CGI).

Mais ce barème s’applique-t-il lorsque la cession d’un droit démembré se fait entre deux personnes morales ? C’est à cette question que la chambre commerciale de la Cour de cassation a apporté une réponse positive dans un arrêt du 26 septembre 2018.

En l’espèce, la SCI A. a acquis auprès de la SCI B., dirigée par M.X., l’usufruit d’un ensemble immobilier devant s’éteindre au décès du survivant des époux X. Par la suite, le conservateur des hypothèques a refusé l’enregistrement de l’acte de cession, au motif que les droits de mutation devaient être évalués en considération du prix de cession et non sur la base d’un pourcentage de l’immeuble cédé en pleine propriété comme il est prévu à l’article 669 I du CGI.

La société cessionnaire, après s’être acquittée du supplément de droits exigés, en a demandé le remboursement, puis, après rejet de sa réclamation, a saisi le tribunal de grande instance où elle a obtenu gain de cause.

Après un arrêt confirmatif rendu par la Cour d’appel de Paris le 13 septembre 2016, l’administration fiscale a formé un pourvoi en cassation. Selon cette dernière, pour la liquidation des droits d’enregistrement et de la publicité foncière, l’article 669 I du CGI ne trouve pas à s’appliquer aux cessions de droits démembrés entre sociétés. En effet, cet article prévoit que la valeur de l’usufruit ou de la nue-propriété est déterminée par une quotité de la valeur de la propriété entière, quotité calculée selon l’âge de l’usufruitier[1], cette notion de l’usufruitier ne pourrait concerner qu’une personne physique. Selon l’administration fiscale, le barème prévu à l’article 669 I du CGI ne trouve donc à s’appliquer qu’aux mutations d’usufruit dont les détenteurs sont des personnes physiques.

Les juges de cassation rejettent le pourvoi formé par l’administration fiscale en indiquant que l’article 669 du CGI ne distingue pas entre personnes physiques et morales pour l’évaluation de l’usufruit, et que par conséquent le barème prévu au paragraphe I du même article n’est pas réservé aux cessions de droits démembrés entre personnes physiques.

Il en résulte que pour le calcul des droits liés à la cession de l’usufruit d’un immeuble entre deux SCI, la valeur à retenir est celle résultant du barème de l’article 669 I du CGI, et non le prix de vente exprimé dans l’acte.

Avec cette solution simple par l’application de l’adage « ubi lex non dinstiguit, nec nos distinguere debemus »[2], la Cour de cassation vient rendre plus intéressantes les cessions de biens immobiliers démembrés entre sociétés. Ces dernières peuvent désormais bénéficier des mêmes avantages fiscaux en matière de droits d’enregistrement et de taxe de publicité foncière que les personnes physiques, la valeur servant d’assiette à ces charges fiscales n’étant pas l’entièreté du prix de la cession, mais une fraction de ce dernier.

 

Aurélien LE SAUSSE

 

 Sources :

 

[1] Selon le barème de l’art. 669 I du CGI, lorsque par exemple l’usufruitier est âgé de 41 ans révolus, la valeur de l’usufruit est de 70% et celle de la nue-propriété de 30%

[2] « Là où la loi n'a pas distingué, nous ne devons pas distinguer »

 

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