L’absence de restitution des fonds au prêteur fautif en cas d’annulation d’un contrat de vente et d’un prêt lié

Article publié le 11 décembre 2018

 

Le 26 septembre 2018, la première chambre civile de la Cour de cassation s’est une nouvelle fois prononcée sur les conséquences de l’annulation d’un contrat de vente et d’un prêt lié. Elle décide que l’établissement de crédit perd son droit à restitution du capital emprunté en omettant de vérifier préalablement au versement des fonds la validité du contrat principal jugé par la suite irrégulier.

En l’espèce, à la suite d’un démarchage à domicile, un particulier a acheté des panneaux photovoltaïques auprès d’une société. L’acquisition a été financée par un crédit souscrit auprès d’une banque par l’intermédiaire du démarcheur.

Constatant l’absence de raccordement de l’installation au réseau électrique, l’acquéreur a assigné le vendeur en résolution du contrat de vente et le prêteur en résolution de crédit accessoire. Il a sollicité que ce dernier soit privé de sa créance de restitution du capital prêté pour faute dans le versement des fonds.

La Cour d’appel de Caen, dans un arrêt du 23 février 2017, a confirmé l’annulation du contrat de vente retenant les nombreuses irrégularités du bon de commande notamment l’absence de mention des modalités d’exécution du contrat, l’imprécision des caractéristiques du bien vendu, la non-indication de façon apparente des dispositions légales et l’irrégularité du bordereau de rétractation[1]. La juridiction du second degré a également confirmé l’annulation du contrat de crédit lié en application de l’article L311-32 ancien du Code de la Consommation. Toutefois, en relevant que le particulier avait « signé sans réserve l’attestation de livraison et de réalisation des prestations de service », la cour d’appel a condamné l’emprunteur à restituer le capital prêté à la banque.

Suite au pourvoi de l’emprunteur, la Cour de cassation censure sur ce dernier point la décision des juges du fond au visa des articles L311-31 et L311-32 ancien du Code de la consommation (devenu l’article L312-55[2]). Il convient de rappeler que l’article L312-55 du Code de la consommation prévoit la résolution ou l’annulation de plein droit du contrat de crédit « lorsque le contrat en vue duquel il a été conclu est lui-même judiciairement résolu ou annulé ». La résolution ou l’annulation du contrat de crédit emporte alors remboursement du montant de la somme empruntée à la banque excepté en cas de faute du prêteur dans la remise des fonds.[3]

Pour la Cour de Cassation, commet une faute, le prêteur professionnel qui libère des fonds sur la base d’un contrat dont il ne pouvait ignorer les irrégularités. Cette faute de l’établissement de crédit entraîne la déchéance de son droit à restitution des fonds prêtés en cas d’annulation du contrat principal.

Par cette décision, la Haute juridiction vient préciser la notion de faute de l’établissement de crédit dans la remise des fonds en mettant à la charge de l’établissement de crédit une obligation préalable de vérification de la régularité du contrat principal.

Cet arrêt confirme ainsi une jurisprudence constante de la Cour de cassation[4] en matière de démarchage à domicile et de souscription de crédit par l’intermédiaire du démarcheur. L’objectif étant de protéger le consommateur profane du démarchage abusif en sanctionnant la négligence de l’établissement de crédit dans l’octroi du prêt.

 

Brieuc BENJAMIN

 

 Sources :


[1] Cour d’appel de Caen, 2ème Chambre civile et commerciale, 23 février 2017, n°15/01950

[2] Depuis l’Ordonnance n°2016-301 du 14 mars 2016

[3] Cass. Civ. 1ère, 16 janvier 2013, n°12-13.022

[4] En ce sens : Cass. Civ. 1ère, 14 février 2018, n°16-29.120 et Cass. Civ. 1ère, 3 mai 2018, n°17-13.308

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