Seul un manquement postérieur au renouvellement peut justifier la résiliation d’un bail commercial

Article publié le 2 avril 2018

 

Les manquements contractuels antérieurs au renouvellement du bail commercial peuvent-ils justifier  une résiliation judiciaire du bail renouvelé? La troisième chambre civile de la Cour de cassation a répondu par la négative à cette question dans un arrêt du 1er février 2018. Cette solution vaut dans les cas où la demande de renouvellement du locataire a déjà été acceptée par le bailleur, ce dernier ne pouvant donc pas en demander la résiliation judiciaire pour des manquements antérieurs au renouvellement.

En l’espèce, une société preneuse à bail de locaux commerciaux depuis le 29 mars 2013, a demandé le renouvellement du bail pour laquelle le bailleur n’a donné aucune réponse. A plusieurs reprises des travaux ont été réalisés dans les lieux. Le bailleur, mécontent des travaux réalisés, a délivré à la société preneuse des commandements lui enjoignant de les faire cesser. Le preneur à bail a assigné le bailleur en nullité du dernier commandement. Le bailleur a donc formé une demande de résiliation judiciaire du bail.

La cour d’appel de Pau a fait droit à cette demande dans un arrêt 22 novembre 2016. Les juges du fond retiennent que « l'absence de réponse du bailleur à la demande de renouvellement dans le délai de trois mois ne vaut pas acceptation des manquements contractuels antérieurs à cette demande et n'a aucune conséquence sur la demande en résiliation du bail ».

La Haute juridiction dans son arrêt du 1er février 2018 casse et annule la décision des juges du fond. Elle considère que, le bailleur ne s’étant pas opposé à la demande de renouvellement du bail et celui-ci ayant invoqué des manquements antérieurs à la date de renouvellement du bail, la cour d’appel ne pouvait prononcer la résiliation du bail.

La décision des juges du droit est rendue au visa de l’article L 145- 10 alinéa 4 du Code de commerce qui précise que « Dans les trois mois de la signification de la demande en renouvellement, le bailleur doit, dans les mêmes formes, faire connaître au demandeur s'il refuse le renouvellement en précisant les motifs de ce refus. A défaut d'avoir fait connaître ses intentions dans ce délai, le bailleur est réputé avoir accepté le principe du renouvellement du bail précédent. » 

Cet arrêt est inédit en la matière. Cependant, la solution rendue par la Cour de cassation est dans la continuité d’une décision que la cour d’appel de Paris avait déjà adoptée[1]. De même, le Cour de cassation a déjà considéré[2] qu’un bailleur qui a accepté le renouvellement d’un bail ne peut pas exercer son droit de rétractation et refuser le renouvellement pour motif grave et légitime en se prévalant d’infractions antérieures au renouvellement du bail.

Cette décision rendue le 1er février 2018 est intéressante car elle permet de mettre en garde le bailleur sur les règles strictes du renouvellement du bail.  Elle permet également de préciser que le bailleur ne peut invoquer que des manquements contractuels postérieurs au renouvellement du bail pour justifier d’une résiliation judiciaire du bail commercial. Enfin, il ressort de cet arrêt que la solution est applicable même si le renouvellement a été réalisé de manière tacite.

 

Jennifer CARRE

 

Sources :

-          Civ. 3ème, 1er février 2018, n°16-29.054

-          « Un bail commercial ne peut pas être résilié pour des manquements antérieurs à son renouvellement », Editions Francis Lefebvre, 05 mars 2018, disponible sur : www.efl.fr .

 

 


[1] CA Paris, 2 juillet 2008, n° 06-6576.

[2] Civ 3e , 7 juillet 2004, n° 03-11.152.

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