Focus sur l’impact de la réforme du divorce par consentement mutuel auprès des notaires

Article publié le 2 avril 2018

 

Cela fait maintenant plus d’un an que la réforme du divorce par consentement mutuel issue de la loi J21 du 18 novembre 2016 est entrée en vigueur (1er janvier 2017). Celle-ci a introduit une nouvelle mission pour les notaires, cependant a-t-elle réellement eu un impact sur le métier de notaire ?

Maitre Guillaume CHAUCHAT-ROZIER, notaire à VANNES, a répondu à nos questions.

 

Pouvez-vous rappeler en quelques mots quels ont été les points principaux de cette réforme ?

Guillaume CHAUCHAT-ROZIER : La réforme a substitué un régime conventionnel au régime judiciaire initialement en place en matière de divorce amiable. Auparavant, tous les divorces nécessitaient de passer devant le juge, ce qui impliquait en général un délai de traitement des dossiers mal maîtrisé, plus ou moins long selon les périodes. Aujourd’hui, pour la plupart des divorces par consentement mutuel, la procédure est purement conventionnelle. Les avocats des époux rédigent une convention de divorce signée par les Parties et confiée au notaire afin qu’elle soit déposée au rang de ses minutes et revête un caractère définitif.

 

Quelles nouvelles fonctions la réforme a-t-elle confié aux notaires ?

Guillaume CHAUCHAT-ROZIER : Le législateur a tiré une conséquence logique de la double qualité d'officier ministériel et public du notaire en lui confiant cette nouvelle mission : le notaire assure ainsi à la fois sa mission de « juge de l’amiable » en conférant le caractère authentique, et donc exécutoire, aux conventions qui lui sont soumises, et celle de prestataire d'un service public en désengorgeant les tribunaux.

En pratique, la mission du notaire consiste en la réception de la convention, sa vérification point par point afin de s’assurer que la liste d’éléments fixée par la loi est respectée, puis son dépôt au rang des minutes. Il faut toutefois souligner que le devoir de contrôle mis à charge du notaire ne porte que sur la forme et à aucun moment sur le fond de la convention, qui relève de la responsabilité des avocats.

 

Pensez-vous que les modifications apportées par la réforme sont réellement avantageuses pour les parties ? Notamment, est-ce moins coûteux pour celles-ci ?

Guillaume CHAUCHAT-ROZIER : Effectivement, la représentation de chaque époux par un avocat différent imposée par la réforme entraîne une augmentation des coûts pour les parties.

Cependant, la possibilité de divorcer par voie conventionnelle peut s'avérer considérablement plus rapide et peut ainsi conduire, outre ce véritable gain de temps et d'énergie, à une économie financière pour les parties.

Plus encore, ce surcoût financier me semble devoir être relativisé au regard des avantages liés à la représentation de chaque époux par son propre avocat. Il est courant que les parties pensent  pouvoir protéger seules leurs intérêts alors même que se dispenser des services d'un professionnel revient à se priver de conseils précieux dans un domaine juridique et fiscal ardu. A ce titre, recourir à un avocat expérimenté ou consulter un notaire représente parfois moins une dépense qu’un investissement humain ou financier, notamment en présence d'enfants, d'un mariage de moyenne ou longue durée ou d'investissements patrimoniaux personnels ou communs au cours de l'union. Un divorce est une étape importante de la vie, dont les enjeux sont le plus souvent incompatibles avec les formules « discount » que l'on peut trouver sur internet !

 

Avez-vous constaté une évolution dans votre profession du fait de cette réforme ?

Guillaume CHAUCHAT-ROZIER :  A ce jour, le rôle du notaire a été limité à un strict contrôle de forme de la convention, ce qui rend l'impact de la réforme sur la profession presque anecdotique.

La fonction du notaire se limite à l'enregistrement d'un acte dont il n'a pas rédigé une ligne et sans même avoir l'obligation d'en rencontrer les signataires ! L'expertise du notaire en tant que professionnel du droit et de l'humain est ainsi mise de côté.

Cette exclusion pose deux difficultés quant à la place du notaire dans cette nouvelle procédure. Sur un plan déontologique tout d'abord, si le notaire constate une erreur juridique ou fiscale dans la convention, alors qu'il n'est pas supposé en contrôler le contenu... Et en terme de responsabilité, ne peut-on reprocher notaire qui entérine, par l’enregistrement de la convention, une erreur qu’il était le mieux à même de relever par sa connaissance juridique, fiscale ou même personnelle du patrimoine des époux ?

 

Qu’avez-vous à rajouter en guise de conclusion ?

Guillaume CHAUCHAT-ROZIER :  Il faut souligner l'intérêt de cette réforme, qui va dans le sens des époux en mesure de divorcer à l'amiable. Mais si le rôle des avocats est bien défini on peut se demander en revanche si le législateur a pris la pleine mesure de l'opportunité de l'intervention du notaire. Le contrôle formel de la convention de divorce aurait sans doute été plus utilement confié aux services administratifs de l'enregistrement, qui en auraient profité pour vérifier le respect des règles fiscales. Le notaire quant à lui, en sa qualité de professionnel du droit, pourrait se voir confier un véritable rôle de « garde-fou » pour les parties en étendant son contrôle au fond de la convention, du moins en ce qu'elle porte sur la liquidation du régime matrimonial des époux. Cependant, cette responsabilité accrue du notaire devrait être assortie d'une augmentation de sa rémunération qui pour l’heure, est de 50 euros par acte enregistré.

 

Propos recueillis par Amélie PERROTIN

 

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