La répercussion de la faute commise par le mandataire sur un tiers au contrat

Article publié le 9 janvier 2019

 

Même sans générer un dol, le comportement fautif du mandataire engage sa responsabilité envers le tiers qui en a subi un dommage (Cass 1ère civile du 19 septembre 2018[1]).

Dans un arrêt du 19 septembre 2018, la première chambre civile de la Cour de cassation affirme que même si le comportement d’un mandataire n’est pas intentionnellement dolosif, il engage tout de même son auteur à l’égard d’un tiers au contrat qui aurait subi un dommage en résultant.

En l’espèce, une association a fait appel aux compétences d’un courtier dans le but de souscrire une garantie de remboursement de frais médicaux, proposée par une mutuelle. Le contrat est conclu en décembre 2010. Un an plus tard, la mutuelle met fin à sa relation contractuelle avec l’association. Sa décision serait justifiée par l’envoi de la part du courtier, d’informations erronées portant notamment sur les personnes bénéficiaires de cette garantie et des risques encourus lors de la souscription. Sur le fondement du dol, la mutuelle poursuit ainsi le courtier en indemnisation du préjudice qu’elle subit du fait de l’envoi de ces mauvaises informations.

Sa demande est rejetée par la Cour d’appel de Paris le 26 janvier 2016 Elle se pourvoit donc en cassation.

La Haute Cour est confrontée au problème de savoir si un tiers au contrat peut invoquer le dol commis par un courtier sur le fondement de la responsabilité délictuelle afin d’obtenir réparation de son préjudice.

Elle estime dans un premier temps que le courtier, qui a certes commis une méprise, due notamment à la mauvaise rédaction des statuts de la mutuelle, ne peut être accusé d’avoir effectué des manœuvres dolosives destinées à tromper la mutuelle. La Cour de cassation affirme ici que le dol ne peut résulter d’une simple méprise mais doit véritablement caractériser une intention de nuire. En l’espèce, il n’est pas prouvé que le courtier a souhaité nuire à la mutuelle et donc le dol ne peut être retenu.

Toutefois, dans un second temps, la Cour de cassation reproche à la Cour d’appel de ne pas avoir recherché si le courtier n’avait pas commis une faute susceptible  d’engager sa responsabilité délictuelle à l’égard de la mutuelle, tiers au contrat. En effet, les juges d’appel auraient dû se demander si le courtier n’avait pas commis un manquement contractuel en proposant à l’association une garantie qui ne pouvait bénéficier qu’à des salariés alors qu’il savait que celle-ci n’en avait pas ou très peu. C’est au visa de l’ancien article 1382[2] du Code civil que la Haute Cour casse l’arrêt d’appel, pour défaut de base légale.

Dans cet arrêt, la Cour de cassation fait preuve d’une grande rigueur dans l’appréciation du dol. Elle rappelle en effet que celui-ci doit véritablement se caractériser par une intention de nuire qui émanerait du cocontractant, au risque sinon de ne pouvoir être différencié de l’erreur. Une méprise ne peut ainsi être constitutive de manœuvres destinées à tromper le cocontractant, d’autant plus qu’en l’espèce, cette méprise est causée par une mauvaise rédaction des statuts de la mutuelle. De façon indirecte, la Cour de cassation reproche à la mutuelle l’ambiguïté de ses statuts et rappelle l’attention qui doit être apportée à leur rédaction.

En censurant l’arrêt d’appel, la Haute Cour a le mérite de se placer dans la continuité de l’arrêt d’Assemblée Plénière du 6 octobre 2006[3], célèbre pour avoir affirmé le principe de relativité de la faute contractuelle qui peut permettre  au tiers au contrat, de demander réparation sur le fondement de la responsabilité délictuelle. Ainsi, s’il eut été avéré que le courtier avait commis un dol, la mutuelle aurait pu demander réparation de son préjudice en invoquant la responsabilité délictuelle du courtier. Mais pour que cela soit le cas en l’espèce, la Cour d’appel aurait dû caractériser la faute commise par le courtier. En l’espèce, il n’était pas nécessaire de qualifier le dol, la seule faute eut suffi à engager la responsabilité du courtier.

Par conséquent, peu importe l’existence d’un dol, un simple comportement fautif suffit à engager la responsabilité délictuelle de son auteur à l’égard des tiers au contrat car quiconque cause un dommage est tenu de le réparer.

 

Cyrille Coste

Sources :

dol mandataire tiers responsabilité

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