Le cumul possible de l'action en nullité pour dol et le manquement à l'obligation précontractuelle d'information

Arrêt publié le 10 février 2021

 

Par un arrêt du 14 janvier 2021[1], la troisième chambre civile de la Cour de cassation s’est prononcée sur la responsabilité pour manquement à l’obligation d’information précontractuelle en l’absence de dol.

En l’espèce, un couple est démarché en juin 2005 par une société chargée de la commercialisation des biens immobiliers réalisés à la Réunion par une société civile de construction-vente. Suite à ce démarchage, le couple va acquérir un appartement à titre d’investissement immobilier locatif bénéficiant d’un avantage fiscal au prix de 101 500 euros. Un prêt vient financer le bien qui est livré en 2007. L’appartement fera l’objet de diverses locations évaluées en 2013 entre 55 000 et 65 000 euros.

Le couple décide d’assigner le vendeur, le démarcheur, la banque et les assureurs à titre principal en nullité de la vente pour dol. Subsidiairement, ils demandent une réparation pour le préjudice patrimonial et moral, justifié par les fautes commises par la société de démarchage dans l’exécution de son obligation d’information et de conseil.

La Cour d’appel de Saint-Denis[2] fait droit à la demande du couple. La société de démarchage forme alors un pourvoi en cassation à l’encontre de cette décision. Cette société considère que le préjudice provenant d’un manquement à une obligation d’information et de conseil est caractérisé par la perte d’une chance d’éviter un dommage ou par la perte de contracter à des conditions plus avantageuses. Ainsi, le couple ne pouvait prétendre obtenir une réparation pour une perte de chance et conserver le bénéfice de l’investissement immobilier. La société estime également que la réparation de la perte d’une chance est soumise à une éventualité favorable qui soit certaine. Or, les avantageuses fiscaux obtenues par le couple aurait été moindre si le bien immeuble avait été acquis en métropole. Enfin, la société informe que le préjudice ne peut être déterminé qu’en tenant compte des avantages que le demandeur a pu tirer de sa situation. Le couple avait obtenu un avantage en nature, en conservant la propriété de l’immeuble.

La Haute juridiction va rejeter les demandes de la société. Elle va dans un premier temps procéder à un rappel : « Le rejet de la demande principale en nullité de la vente pour dol dirigé contre le vendeur ne fait pas obstacle à une demande subsidiaire en responsabilité quasi-délictuelle contre le professionnel chargé de la commercialisation du programme d’investissement immobilier défiscalisé et à l’indemnisation du préjudice en résultant pour les acquéreurs demeurés propriétaires du bien ». Puis, la Haute juridiction valide le raisonnement des juges du fonds, qui n’avaient pas à rechercher la potentielle décision prise par les acquéreurs s’ils avaient été correctement informés.

Cette solution est le reflet de la situation actuelle dans l’immobilier, où la volonté de faire rapidement des profits entraîne parfois de lourds contentieux, notamment dû aux manquements dans la délivrance de diverses informations. Le risque est d’aboutir à une superposition d’action. Dans l’arrêt commenté, les acquéreurs ont souhaité faire annuler la vente pour dol, correspondant à des manœuvres dolosives destinées à tromper (comportant un élément intentionnel). Le dol n’ayant pas abouti, les acquéreurs ont décidé de se retourner contre le conseiller qui avait évoqué un avantage fiscal grâce à cette acquisition. La Haute juridiction a rappelé qu’une distinction existe entre l’action en nullité pour dol et l’action en manquement à l’obligation précontractuelle d’information. Solution importante, puisqu’on aurait pu légitimement penser que sans nullité pour dol de la vente, aucune action n’aurait pu être exercée sur le manquement à une information précontractuelle. Cette position fait donc apparaître un cumul possible entre les deux actions. Le cumul pose depuis longtemps de nombreuses interrogations de la part de la Cour de cassation, pour savoir quelle position tenir[3] . Ainsi, si le dol n’est pas constitué, il est toujours possible d’invoquer un manquement à l’obligation d’information précontractuelle[4].

 

Tybault COSTIOU 


[1] Civ. 3e, 14 janv. 2021, n° 19-24.881

[2] CA Saint-Denis, 27 sept. 2019

[3] Civ. 1ère, 6 nov. 2002, n°00-10.192

[4] E. Golosov, « La responsabilité pour manquement à l’obligation d’information précontractuelle peut être engagée même si le dol n’est pas caractérisé », 25 janv. 2021, www.Lamyline.fr

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