Bail commercial : Acceptation des locaux en l’état et raccordement à l’eau/électricité

Article publié le 9 janvier 2019

 

Dans le cadre d’un bail commercial, l’acceptation des locaux en l’état par le locataire, fait-elle peser sur ce dernier le coût des travaux de raccordement aux eaux usées et au réseau électrique ?

La troisième chambre civile de la Cour de cassation a répondu par la négative à cette question dans un arrêt du 11 octobre 2018. Le locataire, même acceptant de prendre les locaux en l’état, n’a pas à supporter les travaux de raccordement du local au réseau des eaux usées et au réseau électrique, sauf stipulation contraire insérée dans le bail.

En l’espèce, une société prend à bail des locaux commerciaux pour l’exploitation d’une activité de fromagerie, restauration, épicerie fine. Le bail stipule que le preneur déclare bien connaître les locaux loués, qu’il les prend « dans l’état où ils se trouvent lors de son entrée en jouissance sans pouvoir exiger de travaux de quelque nature que ce soit ni remise en état de la part du bailleur » et que connaissant parfaitement les équipements des locaux, le locataire fera « son affaire personnelle de toutes démarches en vue d'obtenir les branchements desdits équipements et installations de toute nature nécessaires à l'exercice de son activité ».

Le locataire, se prévalant des manquements de la société bailleresse à son obligation de délivrance, demande le remboursement du coût des travaux de raccordement aux eaux usées et à l’électricité qu’il a réalisé dans les locaux. Le preneur demande également le remboursement des loyers payés et du préjudice subi pendant la période où, faute de réseau électrique, il n’a pu exercer son activité.

Cette demande est rejetée le 28 mars 2017 par la Cour d’appel de Versailles, les juges du fond estimant que du fait de la clause d’acceptation des locaux en l’état par le preneur, il ne pouvait être déduit la preuve d’un manquement du bailleur à son obligation de délivrance.

La Haute juridiction dans son arrêt du 11 octobre 2018 casse et annule la décision des juges du fond. Au visa de l’article 1719 du Code civil[1], les juges de cassation indiquent que sauf existence d’une clause expresse du bail mettant, à la charge du preneur, le coût des travaux de raccordement aux eaux usées et d’installation d’un raccordement au réseau électrique, ceux-ci sont à la charge du propriétaire.

Cette solution s’inscrit dans la suite logique d’une jurisprudence rendue quelques mois plus tôt[2] par la troisième chambre civile, et qui venait déjà préciser l’obligation de délivrance à la charge du propriétaire, celui-ci devant supporter les travaux nécessaires à l’activité stipulée au bail, seule une clause expresse contraire pouvant le décharger de ces travaux.

Il est également à noter que ces clauses sont strictement interprétées par les juridictions[3], témoignant d’une volonté de protéger au mieux le locataire.

Dans le cas d’espèce par exemple, pour que le bailleur puisse valablement faire peser sur le preneur le coût des travaux de raccordement aux eaux usées et au réseau électrique, nécessaires à l’exploitation du fonds conformément à sa destination contractuelle, il aurait fallu le prévoir expressément dans le bail par le jeu d’une clause. 

 

   Aurélien LE SAUSSE

 

 Sources :


[1] Le bailleur est obligé, par la nature du contrat, de délivrer au locataire le bien loué, de l'entretenir en état de servir à l'usage pour lequel il a été loué, et d'en faire jouir paisiblement le preneur pendant la durée du bail.

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