Le délai de prescription d’une créance ne court qu’à partir de sa date d’exigibilité

Article publié le 26 janvier 2019

 

En droit français, les obligations nées à l'occasion de leur commerce entre commerçants ou entre commerçants et non-commerçants se prescrivent par cinq ans[1]. Mais à partir de quel moment exactement commence à courir ce délai de prescription ? Est-ce à partir du jour où la créance est née, ou à partir de sa date d’exigibilité ?

Par un arrêt du 5 décembre 2018, la chambre commerciale de la Cour de cassation opte pour la seconde option, venant rappeler que le délai de prescription de 5 ans prévu pour les créances entre professionnels, court à partir de la date d’exigibilité de celles-ci.

En l’espèce, une société (le créancier) livre de la marchandise à un client professionnel (le débiteur), avant d’établir une facture mentionnant un paiement « net dans 14 jours ». 5 ans et 12 jours plus tard, la société créancière poursuit son client en paiement et se voit opposer par ce dernier, la prescription de l’action, le débiteur estimant que le délai de prescription a commencé à courir dès le jour d’émission de la facture.

La Cour d’appel de Douai rejetant cette fin de non-recevoir par un arrêt du 15 décembre 2016, la société débitrice forme alors un pourvoi en cassation arguant que s’agissant d’une facture, la date d’exigibilité correspondrait à la date de son établissement.

Manifestement de mauvaise foi et faisant tout son possible pour faire débuter le délai de prescription au plus tôt et ainsi échapper au paiement de la marchandise, le débiteur défaillant avance qu’il n’avait pas accepté le paiement différé à 14 jours mentionné sur la facture, ce qui placerait son exigibilité au jour de son émission. Argument ayant peu de chance d’aboutir puisque même si refusant ce délai de 14 jours pour régler la facture, 5 années plus tard il n’avait toujours pas payé.

Sans grande surprise, la Haute juridiction rejette le pourvoi formé par la société débitrice et juge recevable l’action en paiement engagée par le créancier. En effet, les juges de cassation indiquent bien que le délai de prescription ne court qu’à compter de la date d’exigibilité de la créance et non pas à partir de la date de facturation.

La créance étant dans le cas présent exigible 14 jours après la date de la facture, l’action en paiement n’était pas prescrite au jour de l’assignation.

Dans cet arrêt, la Cour de cassation ne fait que rappeler la règle classique en la matière, le délai de prescription d’une créance ne court qu’à compter de sa date d’exigibilité. Ce point de départ du délai de prescription a vocation à s’appliquer à toutes les créances et pas seulement celles entre professionnels, en témoigne un arrêt en date 2006, rendu par la troisième chambre civile[2] et conformément à l’article 2224 du Code civil[3].

Nous ne pouvons que nous réjouir de cette solution favorable au créancier face à un débiteur de mauvaise foi qui refuse de payer. Il est bon de rappeler que les retards de paiement et impayés sont à l’origine de nombreuses faillites d’entreprises. Retarder le point de départ du délai de prescription de ces créances à leur date d’exigibilité, présente une opportunité supplémentaire pour ces entreprises de récupérer leur dû.

 

Aurélien LE SAUSSE

 

 Sources :


[1] Article L.110-4 1° du Code de commerce

[2] « Le point de départ du délai à l'expiration duquel une action ne peut plus être exercée se situe à la date d'exigibilité de l'obligation qui lui a donné naissance ». Cass. civ. 3ème, 14 juin 2006, n° 05-14.181

[3] La prescription des actions personnelles ou mobilières (notamment les actions relatives aux créances de sommes d'argent) ne court qu'à compter du jour où le titulaire du droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.

Délai Prescription facture créance

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