Devoir de mise en garde des banques et caractère averti de l’emprunteur : les rappels de la Cour de cassation

Article publié le 5 février 2023

 

Cass. Com., 4 janvier 2023, n°15-20.117

 

 

 

Capture d e cran 2023 01 10 a 20 22 50ar un arrêt rendu le 4 janvier 2023[1], la Cour de cassation a apporté des précisions quant au devoir de mise en garde pesant sur les établissements bancaires, notamment lorsque ces derniers contractent avec une société holding dont l’emprunt est garanti par son gérant.

En l’espèce, quatre salariés d’une société, la société Royale normande, avaient constitué une société holding, la société Alliance et gourmandise, afin d’acquérir la totalité des parts sociales de la société. Cette acquisition avait été financée au moyen d’un prêt consenti par une banque. De plus, le prêt avait été garanti par le cautionnement de l’un des salariés. Plus tard, la société holding avait été mise en redressement, puis en liquidation judiciaire.

De ce fait, la banque avait assigné la caution en paiement. Par un arrêt rendu le 23 avril 2015, la Cour d’appel de Rouen avait condamné la caution à payer à la banque une certaine somme au titre du cautionnement souscrit. Elle avait également rejeté la demande de dommages et intérêts de la caution pour manquement de la banque à son obligation de le mettre en garde contre le caractère disproportionné du prêt consenti à cette dernière.

La caution avait donc formé un pourvoi en cassation.

 

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Ici, le demandeur estimait que « une société, prise en la personne de son gérant, n’a la qualité d’emprunteur averti que si ce dernier dispose d’une expérience suffisante, soit dans ses fonctions de gérant, soit dans l’activité exercée par la société ». Mais encore, que « la capacité de remboursement de l’emprunteur doit s’apprécier au regard de sa propre situation comptable ».

Le 4 janvier 2023, la Cour de cassation a donc rappelé que la caution avait une expérience de cinq ans au sein de la société dont il était salarié et qu’il y exerçait les fonctions de responsable commercial. Aussi, elle a retenu que « dès lors que le caractère averti de l’emprunteur, personne morale, s’apprécie en la personne de son représentant légal, la cour d’appel, qui a fait ressortir (…) que, bien que la caution n’ait auparavant exercé ses compétences dans une société holding, il était toutefois à même de mesurer, par les compétences acquises dans la société Royale normande, le risque d’endettement né de l’octroi du prêt souscrit par la société Alliance et gourmandise, dont il était le gérant, et qui dépendait des résultats de l’entreprise cible, ce dont il résulte que la société Alliance et gourmandise avait la qualité d’emprunteur averti et que la banque n’était pas tenue d’un devoir de mise en garde à son égard, a (…) légalement justifié sa décision ».

La solution rendue est finalement l’occasion pour la Haute juridiction de faire des rappels tant sur la notion de devoir de mise en garde que sur la qualité d’emprunteur averti. En effet, elle rappelle notamment que dès lors que l’emprunteur est une personne morale, c’est en la seule personne du représentant légal que s’apprécie le caractère averti[2].

En revanche, cette solution n’est pas nouvelle puisqu’elle s’inscrit dans la continuité d’une jurisprudence constante en la matière. En 2018, la Cour de cassation retenait effectivement que « le caractère averti de l’emprunteur, personne morale, s’apprécie en la personne de son représentant légal et non en celle de ses associés, même si ces derniers sont tenus solidairement des dettes sociales »[3].

Emma Le Toriellec

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[1] Cass. Com., 4 janvier 2023, n°15-20.117

[2] Hélaine C., « Du devoir de mise en garde d'une banque face à une société holding », Dalloz Actualité, Affaires, 13 janvier 2023

[3] Cass. Com., 11 avril 2018, n°15-27.122, n°15-27.798, n°15-27.840, n°15-29.442

 
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