L’obligation pour le juge de soulever d’office le caractère abusif d’une clause invoquée par une partie au litige

Article publié le 11 février 2019

 

Dans un arrêt rendu le 10 octobre 2018, la première chambre civile de la Cour de cassation a affirmé que le juge était soumis à une obligation de relever d’office le caractère abusif d’une clause qui est invoquée par une des parties au litige.

En l’espèce, la Banque de Tahiti avait consenti à un particulier un prêt immobilier pour un montant total de 30 000 000 francs CFP, lequel était remboursable en deux-cent quarante mensualités. Ce prêt était également assorti d’un cautionnement et avait pour finalité de financer la construction de la résidence principale du particulier.

Cependant, la banque constate une inexactitude dans la déclaration de son client. En vertu de l’article 9 de ses conditions générales relatif à ce cas, elle réclame le paiement anticipé des deux-cent quarante mensualités. Subrogée dans les droits de la banque, c’est la caution qui assigne le consommateur en paiement.

Le 2 mai 2017, la Cour d’appel de Papeete condamne le consommateur à payer l’intégralité de ses mensualités, lui reprochant certainement sa déclaration erronée voire inexacte. Le consommateur se pourvoit donc devant la Cour de cassation.

C’est au visa de l’article L.212-1 du Code de la consommation, relatif aux clauses insérées dans les contrats conclus entre un professionnel et un consommateur ayant pour conséquence d’engendrer un déséquilibre significatif entre les deux parties, au profit du professionnel évidemment, que la Cour de cassation censure le raisonnement de la Cour d’appel.

La Cour constate que le contrat de prêt contenait une clause spécifique permettant à la banque de débloquer les sommes prévues sur présentation par le consommateur de factures détaillant précisément l’avancement des travaux de construction, les prestations effectuées. Les factures n’étant pas, en l’espèce, suffisamment précises, la déclaration de l’emprunteur apparaissait donc inexacte et permettait à la Banque de Tahiti de réclamer le paiement anticipé de l’intégralité des mensualités.

Face à cette clause, la première chambre civile constate que la Cour d’appel aurait dû soulever d’office son caractère abusif. En effet, la clause laissait entendre que l’établissement de crédit disposait alors d’un pouvoir discrétionnaire d’appréciation de l’inexactitude de la déclaration de l’emprunteur et que l’emprunteur ne pouvait aucunement recourir au juge pour contester le bien-fondé de la déchéance du terme et donc le paiement anticipé réclamé par la banque.

Selon la Cour de cassation, cette clause n’est ni plus ni moins qu’une clause abusive et le juge a donc l’obligation de relever d’office ce caractère abusif qui entraîne un déséquilibre au détriment du consommateur. En n’agissant pas de la sorte, la Cour d’appel viole ainsi l’article L.212-1 du Code de la consommation et son arrêt encourt la cassation.

Par cet arrêt, la Cour marque le souhait d’entériner la jurisprudence selon laquelle le juge est bel et bien soumis à une obligation de soulever d’office tout caractère abusif d’une clause qui lui serait soumise au cours d’un contrat « dès qu’il dispose des éléments de droit et de fait nécessaires à cet effet ». Elle rappelle ainsi l’arrêt rendu par la même chambre le 1er octobre 2014[1] qui avait posé ce principe.

Cette solution a ici pour conséquence de protéger le consommateur, quand bien même celui-ci aurait fourni, volontairement ou non, des déclarations inexactes. Il est cependant intéressant que la Cour de cassation n’apprécie aucunement ce caractère exact ou inexact des déclarations, estimant peut-être que les mentions de la clause étaient telles qu’elles rendaient inexacte n’importe quelle déclaration. 

La Cour marque ainsi sa volonté de toujours protéger le consommateur et de lutter fermement contre les clauses abusives et les professionnels qui en font l’usage.

 

Cyrille Coste

 

 Sources:

Obligation clause abusive litige prêt bancaire

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