La possibilité pour le gérant d’une EURL de fixer sa rémunération après son versement

Article publié le 18 février 2019

 

Dans le cadre d’une EURL ou de toute autre société à responsabilité limitée, il convient de bien séparer le patrimoine de la société de celui de l’associé unique, ce qui rend nécessaire de justifier les prélèvements du gérant sur les biens sociaux pour ses besoins personnels.

Il est ainsi conseillé à l’associé unique de s’attribuer une rémunération en tant que gérant, celle-ci étant le plus souvent fixée par une décision unilatérale de l’associé unique, devant être consignée dans le registre des décisions, à peine de nullité pouvant être demandée par tout intéressé[1].

C’est sur ce thème qu’à dû se pencher la chambre commerciale de la Cour de cassation dans un arrêt du 9 janvier 2019, et notamment sur la question de savoir si le gérant d’une EURL peut ou non fixer sa rémunération postérieurement à son versement.

La réponse des juges de cassation s’avère positive. Sont respectés les statuts d’une EURL prévoyant que la rémunération du gérant doit être fixée par décision collective des associés, même si l’associé unique approuve ces rémunérations après se les être versées.

En l’espèce, le gérant d’une EURL cède en 2012 l’intégralité de ses parts sociales et démissionne de ses fonctions de gérant. La société demande alors le remboursement des rémunérations de la gérance perçues au titre des exercices 2008 à 2012, au motif que les décisions les fixant sont irrégulières pour les exercices 2008 à 2010, car postérieures à leur versement, et nulles pour les exercices 2011 et 2012, car non répertoriées au registre prévu à cet effet.

La demande de remboursement est rejetée par la Cour d’appel, puis par la chambre commerciale le 9 janvier 2019. La Haute juridiction estime régulières les rémunérations perçues au titre des exercices 2008 à 2010. En effet, les dispositions statutaires prévoyant que le gérant peut percevoir une rémunération fixée et modifiée par décision ordinaire des associés ont été respectées, puisqu’une décision de l’associé unique, approuvant ces rémunérations, est en l’espèce intervenue après la clôture de chaque exercice, et cela peut important qu’elles aient été perçues avant la formalisation des décisions de l’associé unique.

En ce qui concerne les rémunérations des exercices 2011 et 2012, celles-ci sont jugées irrégulières, faute d’avoir été répertoriées au registre prévu à cet effet. Néanmoins, celles-ci ne sont pas annulées puisque l’absence de mention au registre ne pouvait être imputée au gérant, qui au moment de l’approbation des rémunérations, avait démissionné et cédé ses parts, il n’avait donc plus la maitrise des assemblées générales.

Cette solution vient réaffirmer la possibilité de fixer à posteriori à son versement, la rémunération du gérant d’une société à responsabilité limitée. La Cour de cassation a déjà dans le passé fait preuve d’une telle souplesse, en indiquant que la décision des associés déterminant la rémunération d’un gérant de SARL pouvait résulter d’une simple signature par tous les associés, et en consacrant la validité de l’approbation de cette rémunération après son versement au gérant[2].

Ce type de solution a pour avantage de laisser une grande marge de manœuvre au gérant, qui peut seul décider de s’octroyer une rémunération, ainsi que son montant, à condition que les associés acceptent par la suite de la ratifier (ce qui ne devrait pas poser de difficultés dans une EURL où le gérant est souvent l’associé unique).

Néanmoins, une telle pratique peut comporter des risques pour le gérant, qui devra notamment rembourser la société si les associés refusent de ratifier la rémunération, sans compter le potentiel risque pour le gérant de tomber sous le coup d’un abus de biens sociaux.

 

Aurélien LE SAUSSE

 

 Sources :

 

gérant EURL société à responsabilité limitée rémunération approbation

  • Aucune note. Soyez le premier à attribuer une note !

Ajouter un commentaire