L’appréciation stricte de la réticence ou de la fausse déclaration intentionnelle de l’assuré aux questions posées par l’assureur

Article publié le 25 février 2019

 

La deuxième chambre civile de la Cour de Cassation, dans un arrêt rendu le 13 décembre 2018, a confirmé l’appréciation stricte de la réticence ou de la fausse déclaration intentionnelle de l’assuré aux questions posées par l’assureur lors de la souscription du contrat. L’assureur ne peut se prévaloir d’une telle réticence ou d’une telle fausse déclaration de l’assuré que dans le cas où celles-ci procèdent des réponses aux questions posées par l’assureur. 

En l’espèce, le propriétaire d’une maison d’habitation avait souscrit une police d’assurance auprès d’une société d’assurance prenant effet le 1er août 2002. Le 30 décembre 2001, un incendie a détruit le bien assuré ce qui a conduit le titulaire de la police d’assurance a déclaré ce sinistre à l’assureur. Ce dernier a opposé la nullité du contrat d’assurance sur le fondement de l’article L113-8 du Code des assurances en lui reprochant d’avoir omis de déclarer que l’immeuble avait été édifié sans permis de construire dans une zone interdite.

Le 8 décembre 2016, au visa de l’article L113-8 du Code des assurances, l’annulation du contrat d’assurance est prononcée par la Cour d’appel de Rouen. Les juges du fond retiennent que le contrat d’assurance habitation a été souscrit sans questionnaire préalable sur la base des déclarations spontanées de l’assuré. De plus, l’assureur n’a pas l’obligation de faire remplir un questionnaire séparé lors de la souscription du contrat et que l’obtention du permis de construire préalable à l’édification d’une maison d’habitation est présumé par l’assureur. Ainsi, la réticence de l’assuré, qui s’est abstenu intentionnellement de déclarer l’absence de permis de construire à l’assureur lors de la souscription du contrat, a nécessairement exercé une influence sur l’option de l’assureur. En effet, pour la Cour d’appel, l’assureur est fondé à soutenir que la réticence intentionnelle de l’assuré a changé l’objet du risque en ce que l’assureur n’aurait jamais contracter s’il avait su, au moment de la souscription du contrat, que l’habitation avait été édifiée sans permis de construire.

La Cour de cassation est venue toutefois censurer l’arrêt d’appel au visa des articles L113-2 2°, L112-3 et L113-8 du Code des assurances. En effet, selon la Haute juridiction, au regard de l’article L113-2 2° du Code des assurances, l’assuré est obligé de « répondre exactement aux questions posées par l'assureur, notamment dans le formulaire de déclaration du risque par lequel l'assureur l'interroge lors de la conclusion du contrat, sur les circonstances qui sont de nature à faire apprécier par l'assureur les risques qu'il prend en charge ». Par ailleurs, elle rappelle que « l’assureur ne peut se prévaloir de la réticence ou de la fausse déclaration intentionnelle de l’assuré que si celles-ci procèdent des réponses qu’il a apportées auxdites questions ». En ce sens, les juges de la Cour d’appel aurait dû rechercher si « l’assureur avait, lors de la conclusion du contrat, posé à l’assuré des questions précises impliquant la révélation des informations relatives à la construction de l’immeuble assuré qu’il lui était reproché de ne pas avoir déclarées ».

Cette solution retenue par les juges du droit est en réalité une stricte application de la jurisprudence et notamment du principe posé par l’arrêt de la Chambre mixte de la Cour de cassation rendu le 7 février 2014. En effet, la Haute juridiction avait affirmé que la fausse déclaration intentionnelle de l’assuré s’appréciait par rapport au questionnaire, fournit par l’assureur, qu’il a rempli au moment de la souscription du contrat. En conséquence de ce principe, l’assureur ne peut invoquer la nullité du contrat prévue à l’article L113-8 du Code des assurances[1] en l’absence de questionnaire précontractuel. Toutefois, la Cour de cassation avait infléchi cette position en février 2016[2] en retenant que « le juge peut prendre en compte, pour apprécier l'existence d'une fausse déclaration, les déclarations faites par l'assuré à sa seule initiative lors de la conclusion du contrat », l’absence de questionnaire n’empêchait pas, dans ce cas, l’annulation du contrat pour fausse déclaration.

Toutefois, les juges du droit ont confirmé en l’espèce l’appréciation stricte de la réticence ou de la fausse déclaration intentionnelle de l’assuré posée par l’arrêt de la chambre mixte. Cette décision est sans aucun doute sévère pour l’assureur qui ne pourrait obtenir la nullité du contrat d’assurance que lorsque la réticence ou la fausse déclaration intentionnelle de l’assuré procède des réponses apportées par ce dernier au questionnaire fournit par l’assureur. Finalement, l’assuré de mauvaise foi se retrouverait protégé lorsque l’assureur n’a pas fourni de questionnaire ou lorsque les questions posées ne sont pas suffisamment précises. Malgré tout, l’assureur a toujours la possibilité de tenter de faire annuler le contrat sur le fondement du droit commun[3].

 

Brieuc BENJAMIN

 

 Sources :


[1] Article L113-8 du Code des assurances : « Le contrat d'assurance est nul en cas de réticence ou de fausse déclaration intentionnelle de la part de l'assuré, quand cette réticence ou cette fausse déclaration change l'objet du risque ou en diminue l'opinion pour l'assureur, alors même que le risque omis ou dénaturé par l'assuré a été sans influence sur le sinistre ».

[3] En invoquant la réticence dolosive de l’assuré notamment

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