Droit des assurances

  • Inopposabilité du délai de prescription biennale en cas d’absence de précision contractuelle en matière assurantielle

    Cass.com., 22 novembre 2023, n°22-14.253, publié au bulletin

     

    Dans un arrêt du 22 novembre 2023, la chambre commerciale de la Cour de cassation a indiqué, qu’à défaut de rappeler les dispositions d’ordre public sur la prescription des actions dérivant des contrats d’assurance, les assureurs ne peuvent se prévaloir de la prescription biennale commune à ces contrats.

    En l’espèce, une SAS fait procéder à la rénovation d’une péniche pour le convertir en péniche-restaurant en 2012. Un salarié d’une société intervenant sur le chantier est victime d’un accident. La société l’employant assigne en 2016 la SAS exploitant la péniche en indemnisation des préjudices. Cette dernière, qui avait conclu en 2010 un contrat d’assurances maritimes corps et dont la couverture avait été étendue à la transformation et l’aménagement du bateau en 2011, assigne alors ses assureurs en garantie.

    Dans un arrêt du 1er février 2022, la Cour d’appel de Paris refuse cet appel en garantie de l’assurée, au motif que les dispositions du contrat d’assurance comprenaient un délai d’action de deux ans à compter des faits dommageables, l’action étant prescrite. La SAS forme un pourvoi en cassation. La SAS soutient que n’ayant pas souscrit une police d’assurance maritime, son action est soumise aux règles de prescription de l’article L. 114-1 du même Code et que, le contrat ne contenant aucune stipulation relative à la suspension ou d’interruption de la prescription, cette prescription abrégée lui était inopposable.

    Le problème posé par cette affaire est de savoir si le risque maritime découlant de la qualification contractuelle est caractérisé, et subsidiairement, d’observer si l’appel en garantie des assureurs est prescrit pour la SAS.

    La Cour de cassation casse la décision des juges du fond au visa de dispositions d’ordre public[1] pesant sur les assureurs lors de la rédaction de contrats d’assurance.

    Dans un premier temps, et par rappel des articles du Code des assurances[2], la Haute juridiction décide que le contrat d’assurance ne concerne pas un risque maritime. La dénomination du contrat en cause est celle d’un « contrat d’assurances maritimes corps ». Néanmoins, les dispositions protégeant des risques lors des travaux sur la péniche relèvent d’un avenant à ce contrat. Or, cet avenant ne mentionne pas que le dommage doit provenir d’un risque maritime. Il est donc à considérer que puisque les travaux ne se sont pas produits au cours d’une navigation, ses dispositions doivent comprendre les règles d’ordre public car elles n’entrent pas dans le champ d’un contrat d’assurance maritime. La qualification contractuelle d’ensemble est inchangée mais les juges semblent séparer les dispositions d’origine de celles de l’avenant. Le but étant de les sortir du champ de l’exception des contrats maritimes non soumis à l’obligation pour les assureurs d’informer sur les modalités de prescription.

    Dans un second temps, la Cour de cassation indique que le délai d’action de la SAS n’est pas prescrit. En écartant le risque maritime comme circonstances du dommage, les modalités de l’action pour l’assurée auraient dû être précisées dans le contrat. Cela concerne tant le point de départ de l’action[3], que ses causes d’interruption ou de suspension[4]. Par ce manquement, l’assuré est libre d’agir selon un point de départ qu’il aura librement déterminé. En effet, si des règles impératives manquent au contrat, les assureurs ne peuvent s’en prévaloir faute d’information délivrée à l’assuré et surtout à défaut de son accord. Il découle de la solution que ces dispositions doivent être écrites afin que chacune des parties puissent s’en prémunir.

    Finalement, cette décision apparait en faveur de l’assuré, sans doute car le délai de deux ans est court pour agir contre l’assureur, l’assuré étant considéré comme une partie faible au contrat[5]. Elle s’inscrit dans un mouvement jurisprudentiel établi[6] mais dont les effets sur la prescription restent à nuancer, notamment sur une possible imprescriptibilité de l’action biennale en matière assurantielle.

    Quentin SCOLAN     

     


    [1] C.assur., art. R. 112-1.

    [2] Ibid. ; C.assur., art. L. 171-1, 1°.

    [3] C.assur., art. L. 114-1.

    [4] C.assur. art. L. 114-2.

    [5] Didier KRAJESKI et Philippe LE TOURNEAU, « assurance de choses », chapitre 5111.221, « délai », Dalloz action Droit de la responsabilité et des contrats, 2023-2024 [en ligne].

    [6] En ce sens, Cass.civ.2ème, 9 décembre 2021, n°19-23-227 ou Cass.civ.2ème, 9 février 2023, n°21-498.

  • La sanction du mauvais choix d’assurance de la part du constructeur non réalisateur

    Article publié le 29 janvier 2016

     

    Civ. 2e, 10 déc. 2015, F-P+B, n° 15-13.305

    On ne peut reprocher le manquement à l'obligation de conseil de la part de l'assureur quand le souscripteur a souscrit une garantie de constructeur non réalisateur alors qu'il est intervenu sur le chantier en qualité de maître d’œuvre.

    Une SCI a confié la construction d’une maison en VEFA à deux sociétés, mais elle s'est rendue sur le chantier. Ce qui n'apparaissait pas dans son contrat d'assurance. Les acheteurs assignent la SCI en réparation de dommages apparus post-livraison. La SCI présente alors une demande d’appel en garantie à l’encontre de l’assureur, demande rejetée par les juges du fond. Elle se pourvoit en cassation pour l'exécution des garanties souscrites et pour manquement à l'obligation de conseil de l'assureur.

    Dans sa décision rendue le 10 décembre 2015, la seconde chambre civile  de la Cour de cassation confirme l’analyse des juges du fond en sanctionnant la mauvaise souscription d'assurance de la part du constructeur (I), ce qui peut démontrer une certaine sévérité envers ce dernier (II).

    I – Du mauvais choix de garantie du constructeur

    L'obligation de conseil de l'assureur a pu être écartée (B) en raison du mauvais choix de souscription de garantie par le constructeur (A).

    A – La souscription de garantie par le constructeur non réalisateur

    L'assureur doit fournir une fiche d'information sur le prix et les garanties avant la conclusion du contrat. (L112-2 c.ass). Le constructeur non réalisateur fait réaliser pour le compte d'autrui des travaux de construction (L 241-2 c.ass).

    En l'espèce, la SCI a cherché à souscrire à une garantie de constructeur non réalisateur. En réalité, elle n'a pas donné les informations nécessaires à l'assureur lors de la déclaration des risques; elle est intervenue dans l'acte de construire en qualité de maître d’œuvre.

    La société vient reprocher à l'assureur de ne pas avoir respecté son obligation de conseil.

    B – Le rejet du manquement à l'obligation de conseil de l'assureur

    La responsabilité décennale du constructeur non réalisateur est engagée (L 241-1 c.ass).

    La SCI reproche à l'assureur de ne pas l'avoir conseillée sur une assurance plus adéquate. Les juges du droit estiment que l'assureur n'a pas manqué à son obligation de conseil car la SCI n'a pas informé de son intention de se rendre sur le chantier. Pourtant, la SCI reproche à l'assureur de ne pas s'être enquis de ses besoins afin de souscrire une assurance adaptée.

    L. 113-2, 2° c.ass impose au souscripteur de répondre exactement aux questions posées par l'assureur dans la mesure où l'assureur l'interroge sur les circonstances de nature à lui faire apprécier les risques qu'il prend en charge. Or, les documents pré-contractuels remis par l'assurance étaient-ils suffisamment pertinents? Cette question reste en suspens.

    Finalement, la souscription de la garantie par le constructeur ne correspondait pas aux besoins de ce dernier, et en raison de sa qualité de professionnel on lui découvre de nouvelles obligations.

    II - Vers une responsabilité exacerbée du constructeur

    Cet arrêt procède à une distinction entre les différents types de souscripteurs (A) et fait ainsi peser de nouvelles obligations sur le constructeur (B).

    A – Distinction préjudiciable entre souscripteur professionnel et souscripteur non professionnel

    A l'instar du droit de la consommation, le souscripteur du contrat d'assurance est considéré comme la partie faible. Soit le souscripteur est un non professionnel et alors s'applique tout l'arsenal juridique de protection pour la partie faible. Ainsi, l'assureur doit remplir consciencieusement son obligation d'information et de conseil. Soit le souscripteur est un professionnel et dès lors il doit avoir été suffisamment diligent pour s'être renseigné sur l'assurance la plus adéquate. Pourtant, là où la loi ne distingue pas, on ne doit pas non plus distinguer.

    Finalement, cette distinction illustre de manière classique les différentes exigences légales auxquelles le professionnel doit se conformer.

    B – L'obligation sous-entendue de compétences en matière d'assurance du constructeur

    Dans l'attendu de principe, les juges du droit ont souligné qu'aucun document ne mentionnait l'intervention sur le chantier en qualité de maître d’œuvre de la part de la SCI. Ainsi, le professionnel de la construction doit choisir correctement l'assurance la plus adéquate pour les travaux envisagés.

    En fait, cela revient à responsabiliser d'avantage les constructeurs: de comprendre les mécanismes de l'assurance et de connaître les assurances pertinentes en fonction de la nature de leur contrat de construction.

    Il faut en réalité combiner l'obligation de conseil et d'information de la part de l'assureur avec l'obligation pour le souscripteur de communiquer les informations exactes lors de la remise de la fiche d'information.

    Elynn Goullianne

    Sources:

    Soraya Amrani-Mekki – Mustapha Mekki  - Droit des contrats – D. 2015. 529

    Anne Pélissier - La déclaration de risques en questions - Recueil Dalloz 2014 p.1074.

    Pascal Dessuet  - La déclaration du risque ne peut être constituée que par des réponses à des questions dont l'assureur peut apporter la preuve. Quelles conséquences en assurance construction ? -  RDI 2014. p217

     

  • Le contenu d'ordre public de l'Assurance construction obligatoire.

    Article publié le 24 février 2016

     

    « Attendu que toute personne physique ou morale, dont la responsabilité peut être engagée sur le fondement de la présomption établie par les articles 1792 et suivants du code civil à propos des travaux de bâtiment, doit être couverte par une assurance ; que tout contrat d'assurance souscrit par une personne assujettie à l'obligation d'assurance est, nonobstant toute clause contraire, réputé comporter des garanties au moins équivalentes à celles figurant dans les clauses types prévues par l'article A. 243-1 du code des assurances »

    Cass. Civ. 3e, 04 février 2016, pourvoi n°14-29790;15-12128, Bull. civ.

    Un contrat de réalisation de piscine est conclu entre un couple de particulier et une société. Les maîtres d'ouvrage, constatant des désordres après réception du bien, assignent le constructeur et son assureur en indemnisation.

    La Cour d'Appel (1) refuse de retenir la garantie de l'assureur au motif que même si le désordre provient d'une mauvaise mise en œuvre par le constructeur et rend l'ouvrage impropre à sa destination, « ce désordre ne peut pas être pris en charge par la police d'assurance souscrite qui précise que la garantie relevant de l'article 1792 du code civil est limitée aux seuls défauts de solidité affectant la structure de la piscine »

    Sans surprise, la Cour de Cassation casse l'arrêt qui n'a pas relevé l'illicéité de la clause limitant la garantie aux seuls dommages affectant la structure de la piscine, en ce qu'elle fait échec aux règles d'ordre public relatives à l'étendue de l'assurance de responsabilité obligatoire en matière de construction.

    Rappelons que le constructeur a pour obligation de souscrire à une assurance de responsabilité civile décennale à l'ouverture de tout chantier. Cette obligation porte aussi bien sur les travaux de construction à proprement dit que ceux de rénovation.

    Le contrat garantit le paiement des travaux de réparation de l’ouvrage lorsque la responsabilité du constructeur est engagée. La garantie couvre les dommages matériels résultant de vices cachés lors de la réception et révélés dans un délai de dix ans à compter de la réception.

    Les dommages doivent être d’une certaine gravité et avoir pour conséquence de compromettre la solidité de l’ouvrage ou de le rendre impropre à sa destination. 

    On pourrait avoir du mal à comprendre la position des juges de la Cour d'Appel dans la mesure où la solution énoncée par la Cour de Cassation n'est qu'une redite, confirmant sans peine sa jurisprudence passée. En effet, elle avait déjà eu l'occasion dans un arrêt de la 3ème chambre civile du 2 mars 2005 (2) de préciser que « La clause limitant la garantie des travaux réalisés à ceux effectués en exécution d'un contrat de louage d'ouvrage, de sorte que les travaux réalisés par l'assuré lors d'une vente sous condition suspensive ou pour lui-même, avant la vente, ne sont pas assurés, fait échec aux règles d'ordre public relatives à l'étendue de l'assurance de responsabilité obligatoire en matière de construction et doit, par suite, être réputée non écrit ».

    Dans un arrêt plus ancien de 2003 (3) elle avait pu affirmer qu'aucune clause ne pouvait exclure les travaux faisant appel à « l'utilisation de techniques non courantes. »

    La situation pourrait au premier abord sembler assez sévère pour l'assureur qui ne peut (sauf exceptions prévues à l'article L. 243-1-1 du Code des assurances) moduler les limites de sa garantie pour adapter sa prime au risque. Toutefois la situation n'est pas sans espoir pour lui puisque la jurisprudence autorise l'assureur à opposer au tiers lésé une réduction proportionnelle d'indemnité par l'application de l'article L. 113-9 du code des assurances en cas d'omission ou de déclaration inexacte d'un élément d'appréciation du risque par un assuré dont la mauvaise foi n'est pas établie (4). Cependant, comme certains auteurs le font justement remarquer, les applications de non assurance sont quasi inexistante.

     

    Lucie PARIS

    Sources :

    (1) Cour d'appel de Nîmes, 18 septembre 2014

    (2) Civ. 3ème, 2 mars 2005, n° 03-16.583

    (3) Civ. 3ème, 9 juill. 2003, n° 02-10.270

    (4) Civ. 1ère, 6 déc. 1994

     

  • Covid-19 : la Cour de cassation prononce la validité des clauses d’éviction dans les contrats d’assurance souscrits par des restaurateurs

    Article publié le 22 janvier 2023

     

    Cass. civ. 2, 1er décembre 2022, n° 21-15.392, n° 21-19.341, n° 21-19.342, et n° 21-19.343

     

     

  • L'annulation du contrat d’assurance multirisque habitation, sanction d’ordre public de la fausse déclaration intentionnelle de l’assuré à l'assureur

    Article publié le 19 février 2016

     

    Cass. Civ. 2e, 4 février 2016, n° 15-13.850

    L’article L. 113-8 du Code des assurances, dans son alinéa premier, dispose qu’« indépendamment des causes ordinaires de nullité, et sous réserve des dispositions de l'article L. 132-26, le contrat d'assurance est nul en cas de réticence ou de fausse déclaration intentionnelle de la part de l'assuré, quand cette réticence ou cette fausse déclaration change l'objet du risque ou en diminue l'opinion pour l'assureur, alors même que le risque omis ou dénaturé par l'assuré a été sans influence sur le sinistre ».

    Le contrat d’assurance est le contrat en vertu duquel l’assureur s’engage envers le souscripteur, en contrepartie d’une prime, à exécuter une prestation, en cas de réalisation du risque prévu. 

    • L’assureur est la partie au contrat qui garantit le risque.
    • Le souscripteur est le cocontractant de l’assureur, celui qui supporte notamment l’obligation de payer la prime. 
    • L’assuré est la personne dont la vie, les actes ou les biens sont garantis par un contrat d’assurance.
    • La prime (Société Anonyme) ou la cotisation (Mutuelle) est la somme d’argent payée par le souscripteur à l’assureur. 
    • Le risque revêt différentes acceptions : l’évènement incertain contre lequel le souscripteur cherche à se prémunir ou le bien assuré. 
    • Le sinistre est la survenance du risque couvert par l’assurance.

    La fausse déclaration est la déclaration inexacte faite par l’assuré auprès de son assureur lors de la conclusion du contrat d’assurance. Celle-ci peut être involontaire (assuré de bonne foi) ou intentionnelle (assuré de mauvaise foi), entraînant des sanctions lourdes, telles que la nullité du contrat. 

    En l’espèce, une SCI (assuré souscripteur) assure un immeuble déclaré vide, dans le but de le rénover et de le mettre en location d’habitation. A l’issue de ce premier contrat d’assurance, l’assuré souscripteur déclare, auprès de l’assureur, l’achèvement des travaux et la location effective de l’immeuble pour la conclusion d’un contrat multirisque habitation. Un sinistre, normalement couvert par le contrat d’assurance souscrit, survient. L’assuré souscripteur demande à ce que sa garantie soit mise en oeuvre. L’assureur se rend alors compte que les travaux n’avaient pas été terminés et que l’immeuble était inhabité. Il refuse alors sa garantie en arguant de la déclaration mensongère et intentionnelle de l’assuré, lors de la conclusion du contrat. 

    L‘appréciation de la réticence ou de la fausse déclaration intentionnelle (à rapporter par tous moyens), de la part de l’assuré ne résulte pas uniquement du questionnaire préalable écrit, qui peut-être délivré par l’assureur, pour mesurer les risques qu'il prend en charge. En effet, les juges du droit énoncent que toutes « les déclarations faites par l’assuré à sa seule initiative lors de la conclusion du contrat » sont déterminantes pour l’assureur pour l’évaluation du risque garanti. 

    Le fait que l’assuré ait été, de son plein gré, informer son assureur de la fin des travaux qui devaient avoir lieu et de la location de l’appartement rénové, alors que celui-ci était inhabitable et inhabité et dans la seule finalité de la diminution de la prime d’assurance, constitue bien une faute au sens de l’article L113-8 sus-visé entrainant ainsi l’annulation du contrat d’assurance. En effet, si l’assureur avait été informé de la réalité de l’état de l’immeuble, il aurait contracté en prévoyant une prime plus élevée, puisque la réalisation de travaux entraine un plus grand risque de sinistre que la simple location de l’immeuble.

            Reste à savoir quel type de déclarations, de l’assuré à son assureur, seront prises en compte, en fonction notamment de l’impossibilité ou non de les produire en justice.             

            Même si la déclaration mensongère et la réticence sont posées en condition primordiale de la contestation de la validité du contrat, et bien que les juges de la Cour de cassation ne les évoquent pas directement dans leur solution, le changement de l’objet du risque ainsi que l’absence d’impact sur le sinistre restent des conditions à rapporter pour conduire à la nullité du contrat faussé.

    Anne-Lise BECQ

    Sources

  • La clause sanctionnant la violation de l'obligation de non-concurrence par l'agent général d'assurance : une clause à caractère pénal

    Article publié le 12 mars 2016

     

    L’arrêt rendu par la première chambre civile de la Cour de cassation en date du 17 décembre 2015 (n°14-18.378) est venu poser le principe suivant lequel la clause de l’accord d’entreprise auxquels sont soumis les agents généraux d’assurance et qui stipule qu’en cas de violation de l’obligation de non-réinstallation et de non-concurrence, la pénalité sera équivalente à l’indemnité afférente à la cessation de fonctions est une clause pénale.

    En l’espèce, une entreprise d’assurance a confié par un traité de nomination la gestion d’une agence d’assurance à M.X, agent général. Ce dernier a été licencié par la société d’assurance en raison des mauvais résultats de l’agence. A la suite de son licenciement, l’agent général demande alors le paiement du solde à son employeur ; paiement du solde que la société d’assurance refuse, arguant que cette indemnité s’est éteinte par compensation avec la pénalité prévue en cas de violation des obligations de non-réinstallation et de non-concurrence en vertu de l’article 11 des accords d’entreprise conclus entre la compagnie d’assurance et les syndicats professionnels des agents généraux. La compagnie d’assurance demande le paiement, par l’agent général, d’une pénalité d’un montant supérieur à cette indemnité. Contestant avoir violé les obligations de non-réinstallation et de non-concurrence auxquelles il était tenu, l’agent général limogé assigne alors la compagnie d’assurance pour obtenir, à titre principal, le paiement du solde de son indemnité compensatrice et pour obtenir, à titre subsidiaire, la modération de la pénalité réclamée en vertu de l’article 1152 du Code civil.

    En retenant la nature conventionnelle des accords d’entreprise conclus entre la compagnie d’assurance et les syndicats professionnels des agents généraux, les juges du Tribunal de Grande Instance ont fait droit à la demande du salarié en qualifiant la pénalité invoquée par ce dernier en clause pénale et en acceptant de ce fait de la réduire à une somme égale au solde de l’indemnité compensatrice. Par un arrêt en date du 18 mars 2014, la Cour d’appel de Poitiers a infirmé le jugement rendu par le TGI et ont alors condamné l’agent général à payer à l’entreprise d’assurance une certaine somme incluant une pénalité équivalente à son indemnité de cessation de fonction. Les juges de la Cour d’appel ont invoqué l’article 20 du statut de 1949 disposant « qu’en cas de violation de l’interdiction de rétablissement, l’agent général perd automatiquement son droit à l’indemnité compensatrice ». Considérant que cette sanction est la contrepartie de l’obligation de non-concurrence, la Cour d’appel a estimé que la clause ne peut être considérée comme une clause pénale et que, par conséquent, la pénalité ne peut être réduite.

    Par un arrêt en date du 17 décembre 2015, les juges de la Cour de cassation sont venus contrecarrer la position des juges de la Cour d’appel en considérant qu’en se référant à des dispositions règlementaires inapplicables au traité de nomination en cause, ces derniers ont violé les articles 1134 et 1152 du Code civil. La Haute cour affirme au visa des articles susvisés « qu’est une clause pénale la clause de l’accord d’entreprise conclu entre l’entreprise d’assurance et les syndicats professionnels de ses agents généraux qui, en sanction des obligations statutaires de non-réinstallation et de non-concurrence, stipule à la charge de l’agent général sortant une pénalité équivalente à la valeur de son indemnité de cessation de fonctions ».

    Cette solution retenue par la Cour de cassation est fidèle à sa jurisprudence constante en la matière puisque, dans un arrêt rendu en 1995, elle a eu l’occasion de définir la clause pénale comme étant la clause d’un contrat par laquelle les parties évaluent forfaitairement et d’avance l’indemnité à laquelle donnera lieu l’inexécution de l’obligation contractée ; ce qui, en l’espèce, est le cas puisque la clause de l’accord d’entreprise prévoyait quelle était la sanction en cas de violation des obligations de non-réinstallation et de non concurrence.

    En considérant cette clause comme une clause pénale, la Cour de cassation se montre favorable à l’égard du salarié puisque la pénalité dont il doit s’acquitter pourra être revue à la baisse.

    Marie CALLOCH

    Sources :

    -Arrêt de la première chambre civile de la Cour de Cassation du 17 décembre 2015

    -Thibault de Ravel d’Esclapon « Violation de l’obligation de non-concurrence par l’agent général d’assurance : du caractère pénal de la clause », Dalloz actualité

  • En l’absence d’engagement du délégué de régler le créancier, la délégation ne peut être caractérisée

    Article publié le 22 février 2019

     

    Dans un arrêt du 22 novembre 2018, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation a dû se prononcer sur la validité d’une délégation et sur les conditions nécessaires à sa caractérisation.

    En l’espèce, la Banque calédonienne d’investissement a consenti deux prêts à un particulier pour lui permettre de financer l’acquisition de parts au sein de deux SCI, propriétaires de lots dans un immeuble en copropriété. Le remboursement de ce prêt était garanti par l’inscription de deux hypothèques sur ces lots. L’emprunteur, représenté par le syndic de copropriété, avait par ailleurs souscrit une assurance multirisques. Cependant, en 2005, un incendie ravage une grande partie de l’immeuble et notamment les lots, propriétés des SCI. C’est à l’issue d’un arrêt du 9 août 2012 que l’assureur verse finalement diverses sommes qui étaient dues au titre de l’assurance souscrite. Cependant, la banque assigne le 15 octobre 2013 l’assureur en paiement des indemnités dues à la suite de l’incendie sur le fondement d’une délégation dont elle se prévaut et des dispositions de l’article L.121-13 du Code des assurances.

    Déboutée en première instance puis en appel, la banque se pourvoit en cassation.

  • L’appréciation stricte de la réticence ou de la fausse déclaration intentionnelle de l’assuré aux questions posées par l’assureur

    Article publié le 25 février 2019

     

    La deuxième chambre civile de la Cour de Cassation, dans un arrêt rendu le 13 décembre 2018, a confirmé l’appréciation stricte de la réticence ou de la fausse déclaration intentionnelle de l’assuré aux questions posées par l’assureur lors de la souscription du contrat. L’assureur ne peut se prévaloir d’une telle réticence ou d’une telle fausse déclaration de l’assuré que dans le cas où celles-ci procèdent des réponses aux questions posées par l’assureur. 

    En l’espèce, le propriétaire d’une maison d’habitation avait souscrit une police d’assurance auprès d’une société d’assurance prenant effet le 1er août 2002. Le 30 décembre 2001, un incendie a détruit le bien assuré ce qui a conduit le titulaire de la police d’assurance a déclaré ce sinistre à l’assureur. Ce dernier a opposé la nullité du contrat d’assurance sur le fondement de l’article L113-8 du Code des assurances en lui reprochant d’avoir omis de déclarer que l’immeuble avait été édifié sans permis de construire dans une zone interdite.