La validité de la clause compromissoire accordant à l’arbitre l’évaluation et la fixation du prix de rachat de parts sociales

Article publié le 09 janvier 2019

 

La clause compromissoire est régie par les articles 1442 et suivants du Code de procédure civile. Intégrée dans un contrat entre professionnels, elle permet aux parties de prévoir une méthode alternative de résolution des conflits afin d’éviter une saisine des tribunaux.

Le 10 octobre 2018, la chambre commerciale de la Cour de cassation s’est prononcée sur l’applicabilité d’une clause compromissoire intégrée dans les statuts d’une société, dans l’hypothèse d’une contestation par un associé exclu de la valorisation de ses parts sociales. Elle décide qu’une clause compromissoire accordant à l’arbitre le pouvoir d’évaluer et de fixer le prix de rachat de parts sociales n’est pas « manifestement inapplicable ou nulle ».

En l’espèce, à la suite de son exclusion d’une société civile par décision d’assemblée générale, un associé contestait la valorisation de ses parts à laquelle cette même assemblée avait procédé. En se fondant sur l’article 1843-4 du Code Civil, l’associé exclu a assigné la société aux fins de désigner un expert pour évaluer la valeur de ses parts.

Il convient de préciser que l’article 1843-4 du Code civil est un texte d’ordre public qui prévoit l’évaluation du prix de cession des parts sociales, en cas de contestation ou en l’absence d’une valeur déterminée ou déterminable, par un expert[1]. Celui-ci est désigné par les parties ou à défaut par « l’ordonnance du président du tribunal statuant en la forme des référés » sans recours possible.

Le président du tribunal de grande instance de Paris a rejeté la demande de l’associé exclu en se déclarant incompétent. En effet, une clause compromissoire statutaire accordait « au tribunal arbitral le pouvoir de procéder lui-même à l’évaluation des parts sociales de l’associé retrayant ou exclu » excluant la désignation de l’expert. Insatisfait par cette décision, l'associé exclu fait alors appel de la décision en invoquant un excès de pouvoir. C’est très justement que la Cour d’appel de Paris, dans un arrêt du 14 juin 2016, a jugé irrecevable la demande en ce que l’ordonnance du président du tribunal statuant en la forme des référés est sans recours possible.

La Cour de cassation a logiquement confirmé la décision de la Cour d’appel à la suite du pourvoi de l’associé exclu. Par ailleurs, elle est venue justifier l’application de la clause statutaire nonobstant l’article 1843-4 du Code civil d’ordre public étant donné la spécificité de cette clause. En effet, la clause d’arbitrage prévue dans les statuts de la société accorde à l’arbitre le pouvoir juridictionnel de trancher les litiges qui pourraient survenir entre les associés mais aussi la faculté d’évaluer les « parts sociales de l’associé retrayant ou exclu ». Finalement, une telle rédaction de la clause admet la qualité de « tiers estimateur » de l’arbitre qui doit évaluer le montant des parts sociales puis trancher le litige. Il ne s’agit donc pas d’une simple clause compromissoire mais d’une clause compromissoire associée à une clause de détermination du prix de cession de parts sociales. 

Ainsi, une clause compromissoire qui soumet à l’arbitrage les litiges qui pourraient naître entre les parties à un contrat n’empêcherait pas l’intervention d’un expert qui viendrait fixer la valeur des parts sociales. En effet, l’arbitre n’a pour rôle que de trancher le litige alors que l’expert n’a pour rôle que d’évaluer le prix de cession des parts sociales. Dans une autre mesure, une clause de détermination du prix de cession de parts sociales n’empêcherait pas l’intervention d’un expert sur le fondement de l’article 1843-4 du Code civil.

Par cette décision, la Haute juridiction vient préciser les limites de l’application de l’article 1843-4 du Code civil. Les associés qui prévoient une clause statutaire de détermination du prix de cession de parts sociales peuvent ainsi mettre en échec l’application de l’article 1843-4 du Code civil en associant cette clause à une clause d’arbitrage. D’où l’importance de clauses statutaires bien rédigées.

 

Brieuc BENJAMIN

 

 Sources :


[1] Joan DRAY, « La fixation de la valeur des droits sociaux par un expert judiciaire », 27/10/2016, www.legavox.fr

 

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