Faute pénale intentionnelle du dirigeant social et nature de la dette de réparation du préjudice causé

Article publié le 16 décembre 2019

 

Le 18 septembre 2019[1], la Cour de cassation s’est prononcée sur la nature de la dette de réparation d’un préjudice causé par la faute pénale intentionnelle d’un dirigeant de société.  

Dans les faits, l’ancien dirigeant personne physique d’une société a été déclaré coupable de complicité d’abus de biens sociaux commis au préjudice d’une autre société, et a été condamné à payer des dommages et intérêts à cette dernière. Ce dernier, soutenant avoir agi au nom et pour le compte de la société dont il était le dirigeant, a assigné la société venue aux droits de cette dernière en remboursement des sommes versées à la société victime. Le 22 septembre 2016, la Cour d’appel de Versailles a rejeté ses demandes.

La Chambre commerciale a confirmé la solution de la Cour d’appel, estimant que « la faute pénale intentionnelle commise par le dirigeant était un acte personnel dont il devait seul assumer les conséquences, ce dont il se déduit que la dette de réparation du préjudice causé par cette faute est une dette propre ». Cet arrêt est fort intéressant à trois niveaux.

D’abord, il permet de confirmer l’origine légale du pouvoir du dirigeant social. En l’espèce, le requérant affirmait que les relations entre une société en nom collectif et son gérant résulteraient d’un contrat de mandat au sens de l’article 1984 du Code civil. Ainsi, la société, en tant que mandant, serait engagée par les actes passés en son nom et pour son compte[2]. Or, le dirigeant social détient un pouvoir de représentation d’origine légale, ses rapports avec la société qu’il dirige ne sont donc pas régis par le droit du mandat.

En outre, la Cour rappelle que la faute pénale du dirigeant, lorsqu’elle est intentionnelle, est par essence détachable de ses fonctions. En effet, le requérant affirmait que la société qu’il dirigeait avait tiré avantage de l’infraction commise, consistant en un usage illicite de biens sociaux afin de rémunérer des commissions occultes. Cependant, l’utilisation frauduleuse de fonds sociaux est contraire à l’intérêt social, elle ne saurait profiter à la société dirigée puisqu’elle fait courir à cette dernière un risque anormal de sanctions pénales ou fiscales, solution déjà dégagée dans la célèbre jurisprudence Carignon[3]. L’éventuel profit à court terme réalisé grâce à cet acte illicite intentionnel ne saurait caractériser un avantage tiré par la personne morale.  Ipso facto, cette faute intentionnelle est détachable des fonctions de dirigeant social.

Enfin, conséquence de l’origine légale du pouvoir du dirigeant et du caractère détachable de ses fonctions de la faute pénale intentionnelle, la Cour estime que la dette de réparation du préjudice est une dette propre au dirigeant. Il s’agit ici d’un acte personnel, c’est donc bien au dirigeant de supporter les conséquences financières de la faute à l'égard des tiers à qui elle a porté préjudice. 

 

Charlotte SALAÜN


[1] Com., 18 septembre 2019, n°16-26.962.

[2] (X) Delpech, « Faute pénale intentionnelle du dirigeant : charge des dommages-intérêts », Dalloz actualité, 11 octobre 2019.

[3] Crim. 27 oct. 1997, n° 96-83.698, D. 1997. 251 ; Rev. sociétés 1997. 869, note B. Bouloc ; RSC 1998. 336, obs. J.-F. Renucci ; RTD com. 1998. 428, obs. B. Bouloc.

 

 

 

 

 

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