La mise en place des nouvelles mesures anticorruption

Article publié le 22 avril 2018

 

La loi n° 2016-1691 dite « Sapin II » du 9 décembre 2016 impose aux dirigeants de sociétés qualifiées de « grande taille » de mettre en place de nouvelles mesures anticorruption. Ces nouveaux dispositifs touchent tant le domaine public que le domaine privé.

Un juriste d’entreprise préférant garder l’anonymat a accepté de répondre à nos questions.

 

Pouvez-vous nous rappeler les nouveautés apportées par la Loi Sapin II ? 

"Tout d’abord, il convient de rappeler le contexte de la loi Sapin 2. Elle renforce la législation française en matière de lutte contre la corruption et le trafic d’influence, en particulier contre la corruption transnationale, en mettant en place des mesures comparables à certains pays : US (FCPA), Royaume-Uni (UK Bribery Act). La France comble ainsi son retard en la matière. La loi SAPIN 2 prévoit que les sociétés (avec certaines caractéristiques) adoptent 8 mesures obligatoires pour prévenir et détecter la commission d’actes de corruption ou de trafic d’influence en France et à l’étranger. 

Parmi les mesures les plus importantes et compliquées à mettre en œuvre au sein des entreprises, on peut citer la procédure d’évaluation des partenaires (clients, fournisseurs, consultants). Elle nécessite de collecter des informations sur les actionnaires, les dirigeants, les banques avec qui elles coopèrent et s’assurer de l’éthique de ces derniers (existence d’un code éthique, l’absence de sanctions commerciales UE/US pour des comportements inappropriés…). L’autre mesure impactante introduite par la loi Sapin 2 est celle concourant à la mise en place d’un programme de formation et de sensibilisation des risques de corruption en interne."

 

L’entreprise dans laquelle vous travaillez est-elle concernée par ces nouvelles dispositions ? 

"Mon entreprise est effectivement concernée car elle rentre dans toutes les cases fixées par la loi en matière de seuil de chiffre d’affaires ou d’effectif. Elle y était cependant préparée dans la mesure où l’actionnariat est américain et que des actions ont été menées depuis quelques années pour être conforme à la FCPA (Foreign Corrupt Practices Act), loi américaine dont s’est inspirée la loi Sapin 2. La plupart des mesures prévues par la loi Sapin 2 sont donc déjà instaurées dans mon entreprise ou sont en voie de l’être. La seule vraie nouveauté est l’obligation de concevoir une cartographie des risques. C’est difficile à appréhender pour ma société, nous devons réfléchir à nos risques par rapport à notre activité, nos clients (privés ou publics) et par rapport aux zones géographiques (par ex. : risques de corruption de nature et d’ampleur différentes en Suède qu’en Angola) où nous vendons nos produits. Pour cette cartographie, nous avons d’ailleurs sollicité un conseil extérieur pour disposer des outils et d’une méthode pour son élaboration."

 

Les dirigeants de SA et SAS doivent mettre en place ces nouvelles mesures anticorruption, à qui délèguent-ils cette tâche, est-ce le travail du juriste d’entreprise ?

"Au sein de mon entreprise (SAS), elle est pilotée par la Direction avec l’appui et l’assistance des départements juridiques et RH. Concrètement, le département juridique a eu également un rôle à jouer dans l’élaboration et la diffusion du programme de formation éthique déployée au sein de l’entreprise parmi le personnel le plus exposé au risque de corruption. Le département juridique a également sensibilisé le comité de Direction sur la philosophie de cette loi et les mesures obligatoires à mettre en place. Les sanctions pénales à l’encontre des dirigeants induites par la loi Sapin ont grandement contribué à ce que le Comité ait une oreille attentive.

Le département a donc un rôle important mais le Comité de Direction reste clef, il est le mieux placé pour communiquer et placée ce sujet au cœur des enjeux des départements impactés."

 

Pensez-vous que les entreprises ont les moyens de mettre en œuvre de manière efficace ce nouveau dispositif ?

"Les entreprises sont confrontées à la difficulté de la multiplication des dispositifs lourds et complexes imposés par le législateur ces dernières années (règlementation REACH, Rohr, loi Sapin 2, la RGPD…). Ces mesures impliquent de mettre en mouvement l’ensemble de l’organisation et peuvent avoir un impact structurant ou déstructurant selon les cas. Ces lois diverses ne suscitent pas un enthousiasme débordant de la part des entreprises car si elles sont nécessaires pour des raisons tout à fait louables sur les plans environnementaux, sociaux, sanitaires et éthiques, elles sont aujourd’hui également très contraignantes et pénalisantes pour la compétitivité internationale de nos entreprises.

Les départements juridiques sont en première ligne pour décoder et identifier les mesures à prendre au sein des sociétés. Il faut à la fois de la pédagogie et une bonne connaissance des organisations pour faire des propositions cohérentes et adaptées."

 

Propos recueillis par Charline LE CHEVILLER.

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