Interview : Les conséquences du projet de loi PACTE sur le commissariat aux comptes et les entreprises

Publié le 25 mars 2019

 

Débattu en ce moment au Parlement, le plan d'action pour la croissance et la transformation des entreprises (PACTE), projette d’alléger les obligations comptables incombant aux entreprises, notamment en réformant le commissariat aux comptes. Mais quelles seront les conséquences concrètes pour les entreprises ?

Dans la continuité de notre dossier spécial consacré au projet de loi PACTE, un expert-comptable et commissaire aux comptes ayant souhaité garder l’anonymat a accepté de répondre à nos questions.

 

Pouvez-vous nous rappeler en quelques mots l’impact du projet de loi PACTE sur le commissariat aux comptes ?

« La profession de commissaire aux comptes (CAC) est fortement affectée par cette réforme. La principale mesure, étant le rehaussement des seuils d'audit obligatoire des comptes des sociétés. L'audit deviendrait ainsi obligatoire pour les sociétés commerciales, dès lors qu'elles dépassent deux des trois seuils suivants : 8 millions d'euros de chiffre d'affaires, 4 millions d'euros de bilan et 50 salariés.

Un tel rehaussement des seuils aurait un effet non négligeable pour la profession de CAC. Cette réforme pourrait en effet priver les commissaires aux comptes d’environ 150 000 mandats, ce qui est beaucoup sur un total de 220 000 mandats. En termes de chiffre d'affaires, la perte pourrait s’élever entre 800 et 900 millions d'euros sur un total de 2,7 milliards. »

 

Pouvez-vous nous rappeler en quelques mots, quel est le rôle du commissaire aux comptes au sein de l’entreprise ?

« Le CAC est un acteur extérieur à l'entreprise dont le rôle est de contrôler la sincérité et la régularité des comptes annuels établis par une société, en réalisant pour cela un audit comptable et financier. Il s'agit d'une mission légale, pouvant toutefois être décidée volontairement par l'entreprise.

La mission principale du CAC consiste donc à certifier que les comptes annuels sont réguliers et sincères, qu’ils donnent une image fidèle du résultat, de la situation financière et du patrimoine de l’entreprise.

Le CAC est également investi de missions allant bien au-delà de la certification des comptes, il est le premier interlocuteur de l’entreprise en cas de difficultés financières. Il peut lancer une procédure d’alerte qui consiste, pour le CAC à informer les dirigeants des entreprises des faits de nature à compromettre la continuité de l’exploitation qu’il a relevés à l’occasion de sa mission.

Le CAC a aussi l’obligation d’avertir les autorités judiciaires des faits délictueux commis au sein de l’entreprise dont il a eu connaissance dans l’exercice de ses fonctions. »

 

Dans le cadre des procédures collectives, ne craignez-vous pas un recul de la procédure d’alerte incombant aux commissaires aux comptes ?

« Evidemment, qui dit augmentation des seuils, dit forcément moins de sociétés devant recourir aux services d’un CAC, ce qui aura pour conséquence un fort recul des procédures d’alertes dans beaucoup de TPE et PME. Il sera donc plus difficile de prévenir en amont les difficultés économiques rencontrées par les entreprises, ce qui pourrait faire repartir à la hausse le nombre de défaillances d’entreprises.

Mais cette conséquence est à relativiser pour les groupes de sociétés, puisqu’une société qui en contrôle d’autres sera tenue de désigner au moins un commissaire aux comptes si l’ensemble qu’elle forme avec les autres sociétés dépasse les seuils fixés qui seront alors calculés en cumulant le total de bilan, de chiffres d’affaires et le nombre de salariés de toutes les sociétés. »

 

Ne craignez-vous pas une augmentation des faits délictueux comme les abus de biens sociaux dans les entreprises, les CAC ayant l’obligation de les dénoncer étant moins présents ?

« En effet, les CAC sont souvent les premiers à constater des faits délictueux réalisés au sein de l’entreprise, ils permettent de lutter efficacement contre la fraude qui sévit sévèrement dans les PME.

Le CAC ayant l’obligation de révéler ces pratiques illégales au procureur de la République lorsqu’il les constate, une diminution du nombre de mandats pourrait par exemple entraîner une augmentation des faits d’abus de biens sociaux ou encore de fraude fiscale dans les entreprises. »

 

Propos recueillis par Aurélien LE SAUSSE

 

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