Le Conseil d’État autorise la mise à disposition des logements étudiants durant les Jeux Olympiques et Paralympiques

CE 29 déc. 2023, n° 488337

 

Les Jeux Olympiques et Paralympiques sont des évènements majeurs de l’année 2024 qui nécessitent des moyens humains très élevés. Le CROUS[1] a ainsi décidé d’héberger les volontaires et partenaires des Jeux d’été dans ses résidences universitaires. Les étudiants sont informés de cette décision dans un courriel indiquant que leurs droits d’occupation s’achèveront le 30 juin 2024 contre le 31 août habituellement.

Un syndicat attaque cette décision devant le juge des référés du tribunal administratif de Paris qui rend une ordonnance de suspension de l’exécution de cette décision le 31 août 2023[2], a estimé qu’un doute sérieux quant à la légalité de la décision. La CROUS se pourvoit devant le Conseil d’État. Il demande l’annulation de l’ordonnance de suspension, le rejet la demande du syndicat et le versement d’une somme de 3 000 euros de la part du syndicat.

Le Conseil d’État rejette le pourvoi au motif qu’une délibération du conseil d'administration du CROUS de Paris du 6 novembre 2023 a fixé les modalités de logement pour les étudiants occupant les résidences concernées par cette mise à disposition du nouveau public. En effet, cette délibération postérieure à l’ordonnance de référé garantit « le renouvellement du droit d'occupation des étudiants occupant un logement » et accorde « diverses aides pour pallier les conséquences d'un changement de logement ». La Haute juridiction administrative conclut que le courriel ayant fait l’objet de référé n’est plus susceptible de produire d’effet du fait de cette délibération et déclare le pourvoi sans objet et donc irrecevable.

Le Conseil d’État ne s’est pas contenté de juger le pourvoi sans objet et donc irrecevable. Il a surmotivé sa décision. On peut voir dans cette démarche une volonté du Conseil d’État de couper court à tout recours en interprétant le fond du litige. Pour ce faire il base son interprétation sur deux articles.

Tout d’abord, il motive sa décision par l’article L.822-1 du Code de l’éducation[3]. Si le Conseil d’État admet que cet article comprend le logement, il estime néanmoins qu’aucun texte ne prévoit le bénéfice d’un logement au-delà du 30 juin. Le seul délai qui régit le bail est un délai maximal d’un an et non un délai minimal. Le Conseil d’État précise aussi que le 30 juin correspond « en règle générale, à la fin de l'année de formation dispensée dans les établissements d'enseignement supérieur ». Il semble donc que l’illégalité d’une mise à disposition puisse être retenu, en vertu de l’article L.822-1 du Code de l’éducation, si elle était intervenue durant les périodes normales de formation.

En outre, il cite l’article L.631-12 du Code de la construction et de l'habitation qui précise que la résidence universitaire « accueille des étudiants, des personnes de moins de trente ans en formation ou en stage et des personnes titulaires d'un contrat de professionnalisation ou d’apprentissage ». Cependant, il tempère directement cette disposition en citant l’article L.631-12-1 du même Code qui dispose d’une possibilité, si la résidence n’est pas complète après le 31 décembre, pour le gestionnaire, de « louer les locaux inoccupés pour des séjours d'une durée inférieure à trois mois s'achevant au plus tard le 1er octobre de l'année suivante, particulièrement à des publics reconnus prioritaires par l'État au sens de l'article L. 441-1 ». Le Conseil d’État en déduit deux conséquences.

D’une part, les locaux n’étant pas entièrement occupés après le 31 décembre, si tous les logements sont libérés le 30 juin, le gestionnaire a le droit de louer à d’autres personnes dans une durée limitée de 3 mois.

D’autre part, si le texte connait une dérogation pour loger des personnes « reconnues prioritaires par l’État », le gestionnaire peut mettre à la disposition de l’État ses logements, qu’il pourra lui-même attribuer aux volontaires et partenaires des Jeux Olympiques.

C’est ici une interprétation critiquable du Conseil d’État. Si le « particulièrement » employé dans le texte nous fait comprendre que cette dérogation est ouverte à d’autres types de publics, on pourrait au moins penser que ce public serait prioritaire. Cela ne semble pas être le cas, d’après le Conseil d’État, puisqu’il laisse le choix de l’attribution à l’État.

 

Hugo SOUESME               

Sources :

C. DE MONTECLER, « Les logements étudiants peuvent être utilisés pour les Jeux olympiques », Dalloz actualité, 18 janvier 2024, https://dalloz.ezproxy.univ-ubs.fr/documentation/Document?id=ACTU0221067

M. TOUZEIL-DIVINA, « Irrecevabilité du recours médiatisé des étudiants délogés du Crous pour cause de JO », La Semaine Juridique Administrations et Collectivités territoriales, n° 2, 15 janvier 2024, p.27


[1] Centre régional des œuvres universitaires et scolaires.

[2] ordonnance n° 2319295/1 du 31 août 2023

[3] C. éduc., Art. L. 822-1 : « Le réseau des œuvres universitaires contribue à assurer aux étudiants une qualité d’accueil et de vie propice à la réussite de leur parcours de formation ».

 
  • Aucune note. Soyez le premier à attribuer une note !

Ajouter un commentaire