Amendement FIFA : censure du Conseil constitutionnel

(Décision n°2023-862 DC du 28 décembre 2023)

Par sa décision n°2023-862 DC du 28 décembre 2023, le Conseil constitutionnel s’est prononcé sur la loi de finances pour 2024 et a censuré les dispositions fiscales d’exonération d’imposition pour les fédérations internationales sportives qu’il juge entachées d’une rupture d’égalité devant les charges publiques.

Ce régime particulièrement clément avait été retoqué par le Sénat[1], avant d’être de nouveau présenté par amendement et adopté par le Gouvernement avec le déclenchement de l’article 49 alinéa 3 de la Constitution.

Ces dispositions, écartées par le Conseil constitutionnel et initialement conçues pour attirer le siège de la FIFA, d’où le nom attribué à l’amendement, offraient aux fédérations sportives internationales reconnues par le Comité international olympique (CIO), ainsi qu’à leurs salariés, deux ensembles d’avantages fiscaux distincts.

D’une part, elles exonéraient ces fédérations de cotisation foncière des entreprises (CFE) et, d’autre part, elles exonéraient les salariés de ces fédérations, fiscalement domiciliés en France, de l’imposition sur le revenu à raison des traitements et salaires versés pendant cinq ans à compter de leur prise de fonctions.

Dans ses observations[2] adressées aux Sages, le Gouvernement se défend, en insistant sur l’objectif d’attractivité qui entoure ce régime fiscal, dont la mission est de « favoriser l’installation et le maintien sur le territoire français de ces instances en leur garantissant un cadre adapté et pérenne pour leurs activités de gouvernance du sport et de promotion de la pratique sportive ». En somme, ce texte aspirait à hisser la France au sommet de la « diplomatie sportive »[3], un objectif audacieux qui s’est heurté aux résistances du Conseil constitutionnel.

Dans leur décision, les Sages brisent l’élan du Gouvernement en censurant le texte. Pour ce faire, ils fondent leur raisonnement en deux temps pour considérer que ces dispositions n’étaient pas compatibles avec les exigences constitutionnelles.

Le Conseil constitutionnel commence tout d’abord par reprocher au texte d’accorder ces avantages fiscaux « au seul motif » qu’une fédération sportive internationale soit « reconnue par le Comité international olympique » (CIO) et que dans ce contexte, « le législateur n’a pas fondé son appréciation sur des critères objectifs et rationnels en fonction du but qu’il s’est donné ».

Ensuite, le Conseil constitutionnel pointe du doigt une incohérence. Il souligne que l’exonération d’imposition sur le revenu, étendue aux salariés qui sont déjà fiscalement installés en France, ne répond pas à l’objectif d’attractivité du texte.

Par conséquent, le Conseil constitutionnel censure l’article 31 de la loi déférée à son examen, considérant qu’il méconnait le principe d’égalité devant les charges publiques.

La Constitution n’interdit pas de faire supporter à certaines catégories de contribuables des charges différentes, mais elle s’oppose à une rupture caractérisée à l’égalité devant les charges publiques entre les contribuables. Dès lors, quand il détermine l’assiette d’une imposition, le législateur doit veiller au respect du principe d’égalité et doit fonder son applicable sur des critères objectifs et rationnels ainsi qu’une raison d’intérêt général. Tel n’était pas le cas pour ce texte, car le caractère sportif international ne justifie pas que ces salariés soient totalement exonérés d’impôt sur le revenu, à contrario des salariés d’une autre structure sportive internationale non reconnue par le CIO.

Par ailleurs, ce texte laisse curieusement le soin à ce comité indépendant non gouvernemental de décider des avantages fiscaux accordés à des salariés en France, puisqu’il suffira qu’il reconnaisse une structure pour que ces salariés soient exonérés d’impôt sur le revenu, échappant à tout contrôle du Gouvernement ou du Parlement

Enfin, il est saisissant de constater la présence de ces deux mesures alors même que cette loi de finances transpose en droit français une directive européenne imposant un taux minimal d’impôt sur les bénéfices de 15 % à l’ensemble des grands groupes internationaux[4]. Ainsi, si une société française détenant une filiale dans un Etat où celle-ci est imposée à 10 %, elle devra acquitter en France un impôt complémentaire égal à 5% du profit de la filiale.

Ces deux mesures contestées sont sans aucun doute difficilement compatibles avec l’engagement de la France dans la lutte contre l’évasion fiscale que le Gouvernement considère comme « attaque contre la démocratie ».[5]

Dorian GABORY

Sources :

  • VIGNAL François, « Le sénat « siffle la fin de la partie » et supprime un « cadeau fiscal scandaleux » pour la Fifa », Public Sénat, novembre 2023, (consulté en décembre 2023), https://www.publicsenat.fr/

  • DELOUCHE-BERTOLASI Charles, « Le Conseil constitutionnel retoque l’amendement Fifa, qui prévoyait des avantages fiscaux pour les fédérations sportives internationales », Libération, décembre 2023, (consulté en décembre 2023), https://www.liberation.fr/

  • COLLET Martin, « Pourquoi le Conseil constitutionnel a-t-il annulé le régime fiscal issu de l’amendement FIFA ? », Le club des juristes, janvier 2024, (consulté en janvier 2024). https://www.liberation.fr/

  • DUPRE Rémi, « Le Conseil constitutionnel censure des dispositifs fiscaux avantageux taillés sur mesure pour la FIFA », Le Monde, décembre 2023, (consulté en décembre 2023), https://www.lemonde.fr/
 

[1] GROSPERRIN Jacques, « Amendement n° I-157 rect. ter », Sénat, novembre 2023 , (consulté en décembre 2023), https://www.senat.fr/amendements/2023-2024/127/Amdt_I-157.html

[2] Gouvernement, « Observations sur la loi de finances pour 2024 », Conseil constitutionnel, décembre 2023, (consulté en janvier 2024), https://www.conseil-constitutionnel.fr/decision/2023/2023862DC.htm

[3] LECHEVALLIER Anne-Sophie, « Retour de l’amendement Fifa dans le budget : mini-paradis fiscal en vue pour les fédérations sportives », Libération, décembre 2023, (consulté en décembre 2023), https://www.liberation.fr/economie/retour-de-lamendement-fifa-dans-le-budget-mini-paradis-fiscal-en-vue-pour-les-federations-sportives-20231214_5FJKACYLQBFKJCA2QEBFWD2LFY/

[4] Ministère de l’Economie et des Finances et de la Souveraineté industrielle et numérique, 2023, « LOI n° 2023-1322 du 29 décembre 2023 de finances pour 2024 » Article 33

[5] PEYROL Bénédicte, « Avis fait au nom de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire sur le projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant la ratification de la convention multilatérale pour la mise en œuvre des mesures relatives aux conventions fiscales pour prévenir l’érosion de la base d’imposition et le transfert de bénéfices », Assemblée nationale, juin 2018, (consulté en février 2024), https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/opendata/AVISANR5L15B1093.html

 
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