Le licenciement d’un salarié ne fait pas obstacle à l’attribution d’actions à titre définitif

Article publié le 22 avril 2018

 

Lorsqu’un licenciement sans cause réelle et sérieuse, intervient avant le terme de la période d’acquisition d’actions, et que le salarié licencié n’a pu se voir attribuer la propriété de ces actions, ce dernier subit une perte de chance. C’est ce qu’a pu considérer la chambre sociale de la Cour de cassation dans un arrêt rendu le 7 février 2018.

En l’espèce, quatre salariés d’une société ont été licenciés par lettres du 18 janvier 2011. Ces salariés ont décidé de saisir la juridiction prud’homale en paiement de plusieurs sommes, parmi lesquelles des dommages et intérêts pour privation indue du bénéfice d’actions gratuites pour des montants compris entre 45 004, 18 euros et 383 373,25 euros.

L’affaire a été portée devant la cour d’appel de Paris qui a rendu plusieurs arrêts le 27 novembre 2015. Elle a condamné la société à payer aux salariés des dommages et intérêts pour privation indue du bénéfice des actions. Effectivement, selon les juges du fond, les licenciements étaient sans cause réelle et sérieuse. En outre, ils ont relevé dans le règlement des plans d’attribution d’actions gratuites, signés les 15 décembre 2009 et 21 juin 2010 par les salariés en question, que les actions attribuées deviendraient de plein droit leur propriété respectivement le 15 décembre 2011 et le 21 juin 2012, soit deux ans après leur attribution.

Par ailleurs, la cour d’appel rappelle que l’article 8 du règlement prévoyait qu’ « après la période d'acquisition de deux ans, le bénéficiaire s'engage à conserver les titres pendant une période de deux ans. Pendant cette période les actions gratuites sont acquises par le bénéficiaire mais sont incessibles et insaisissables ».

Ainsi, selon les juges d’appel, en licenciant les deux salariés avant les 15 décembre 2011 et 21 juin 2012, l’employeur les a privés du droit, d’être propriétaire gratuitement des actions, mais également de l’avantage financier contractuel que constituaient ces actions. Par conséquent, ils ont conclu que cette privation avait causé à ces salariés un préjudice, avéré et certain, qui devait être évalué pour chacun d’eux, sur la base de la valeur de l’action au 15 décembre 2011, c’est-à-dire à la fin de la période d’acquisition.

La société, insatisfaite, forme un pourvoi devant la Cour de cassation.

La Haute juridiction n’est pas du même avis que la cour d’appel. Elle casse et annule partiellement les arrêts concernant la fixation du montant de la condamnation de la société à titre de dommages et intérêts pour privation indue du bénéfice des actions gratuites. Dans son attendu de principe, elle considère que « le salarié qui n’a pu, du fait de son licenciement sans cause réelle et sérieuse intervenu avant le terme de la période d’acquisition, se voir attribuer de manière définitive des actions gratuites, subit une perte de chance ».

Effectivement, les juges du droit ont considéré que la cour d’appel s’était abstenue de mesurer la réparation allouée à la chance perdue, violant l’article 1382 du code civil dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance du 10 février 2016. Ainsi, la Cour de cassation considère que la perte de chance constitue le préjudice indemnisable, ce dernier devant être déterminé par les juges du fond.

Dans une jurisprudence précédente, la troisième chambre civile a pu considérer que la perte de chance permettait de réparer le préjudice né de la « privation d’une potentialité présentant un caractère de probabilité raisonnable »[1]. Il semble qu’en l’espèce, cette probabilité était plus proche de la certitude.

 

Alice LE MOING

 

 

Sources :

-          Cass. Soc., 7 février 2018, n°s 16-11.635, 16-11.637, 16-11.641.

-          DE MONTAIGNE Maureen, Réparation de la perte de chance d’acquérir des actions gratuites en cas de licenciement de l’attributaire, Affaires – sociétés et groupements, disponible sur : www.actualitésdudroit.fr

 


[1] Cass. civ. 3ème, 7 avril 2016, n°15-14.888.

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