La faute grave commise par l’agent commercial ne prive pas ce dernier de son droit à indemnité (Cass. Com., 16 nov. 2022, n°21-17.423)

  Article publié le 15 janvier 2023

 

 

 

 

Capture d e cran 2022 12 04 a 15 59 04a Cour de cassation, qui retenait jusqu’ici qu’un agent commercial puisse être privé de son droit à indemnité pour manquement grave, notamment lorsque ce manquement est dénoncé par le mandant, a récemment opéré un revirement de jurisprudence notable. Le 16 novembre 2022, elle est effectivement revenue sur sa jurisprudence constante.

Afin de mieux appréhender ce revirement de jurisprudence, il convient de revenir sur les faits. En l’espèce, la société Acopal exerçait l’activité d’agent commercial pour le compte de la société Terdis.

Le mandant ayant résilié le contrat d’agence commerciale entre les deux parties, la société Acopal l’a assigné en paiement des indemnités de rupture et de préavis et en communication de pièces.

Par un arrêt rendu en date du 6 mai 2021, la cour d’appel de Versailles a débouté la société Acopal de sa demande. Cette dernière a donc formé un pourvoi en cassation.

Alors qu’il lui était demandé si l’agent commercial ayant commis un manquement grave peut être privé de son droit à indemnité, la Haute juridiction est revenue sur sa jurisprudence constante en répondant par la négative. Elle commence par rappeler au préalable que la chambre commerciale juge régulièrement que les manquements graves commis par l’agent commercial pendant l’exécution du contrat sont de nature à priver l’agent commercial de son droit à indemnité. Par ailleurs, elle retient ensuite, au visa des articles L.134-12 alinéa 1 et L.134-13 du code de commerce, que « il apparaît nécessaire de modifier la jurisprudence de cette chambre et de retenir désormais que l’agent commercial qui a commis un manquement grave, antérieurement à la rupture du contrat, dont il n’a pas été fait état dans la lettre de résiliation et a été découvert postérieurement à celle-ci par le mandant, de sorte qu’il n’a pas provoqué la rupture, ne peut être privé de son droit à indemnité »[1].

 

Initialement, la Cour de cassation retenait constamment que l’agent commercial devait être privé de son droit à indemnité en cas de résiliation du contrat pour faute grave, et ce, même si cette dernière est découverte après la résiliation du contrat[2]. En revanche, la position de la Haute juridiction ne faisait pas l’unanimité, notamment puisqu’aux termes de l’article L.134-13 du code de commerce, l’indemnité n’est pas due dès lors que la faute grave de l’agent commercial a provoqué la cessation du contrat. Mais encore, cela pouvait se justifier par la position contraire de la Cour de Justice de l’Union européenne qui, dans le célèbre arrêt Volvo de 2010, retient que l’indemnité est maintenue lorsque la faute de l’agent commercial est dénoncée postérieurement à la résiliation du contrat[3]. La mention de cet arrêt étant d’ailleurs faite dans l’arrêt ici commenté. 

Finalement, l’arrêt rendu le 16 novembre dernier marque la fin de la résistance de la Cour de cassation et l’alignement de cette dernière sur la jurisprudence de la Cour de Justice de l’Union européenne. De surcroît, cette décision se veut protectrice du sort des agents commerciaux. Désormais, la faute grave commise par l’agent commercial et dénoncée postérieurement à la rupture de contrat ne prive pas ce dernier de son droit à indemnité[4].

Emma Le Toriellec

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[1] Cass. Com., 16 novembre 2022, n°21-17.423

[2] Cass. Com., 1er juin 2010, n°09-14.115 / Cass. Com., 24 novembre 2015, n°14-17.747 / Cass. Com., 19 juin 2019, n°18-11.727

[3] CJUE, 28 octobre 2010, aff C-203/09, Volvo

[4] Heyraud Y., « Revirement de jurisprudence : le mandant doit indiquer la faute grave commise par l’agent commercial dès le courrier de fin du contrat », Dalloz actualité, Affaires, 29 novembre 2022

 
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