La disparition de la cotitularité "tant légale que conventionnelle" du bail d'habitation des époux en cas de divorce

Article publié le 1er décembre 2015

 

Par un arrêt en date du 22 octobre 2015 (n°14-23.726), la 3ème chambre civile de la Cour de cassation a entériné le principe suivant lequel la transcription du jugement de divorce des époux sur les registres de l’état civil emporte la disparition de la cotitularité tant légale que conventionnelle du bail d’habitation.

L’article 1751 du Code civil pose le principe de la cotitularité légale du bail à usage d’habitation, qui est l’un des effets que le législateur a voulu attacher au mariage afin de protéger le logement familial. En effet, l’article susvisé, en son premier alinéa, indique que le mariage rend les époux cotitulaires du bail d’habitation, que ce bail ait été conclu avant ou pendant le mariage et quel que soit le régime matrimonial choisi par les époux. En raison du caractère impératif de cet article, les époux ne peuvent pas déroger à ce principe. Du fait de cette cotitularité du bail d’habitation, et conformément à l’article 220 du Code civil, ces derniers sont solidairement tenus des loyers afférents au bail du logement occupé.

L’article 1751, en son deuxième alinéa, prévoit qu’en cas de divorce ou de séparation de corps, le jugement de divorce pourra attribuer le droit au bail à l’un seulement des époux. En effet, étant donné que cette cotitularité et cette solidarité sont des effets du mariage, le divorce entraine donc leur disparition.

En l’espèce, une SCI a donné à bail à des époux un appartement à usage d’habitation. Quelques années plus tard, ces époux ont divorcé et le jugement de divorce a attribué le droit de bail à l’ex-épouse. Par la suite, cette dernière a été placée en liquidation judiciaire avant de décéder. La SCI a assigné l’ex-conjoint et la mandataire à la liquidation judiciaire de l’ex-épouse en paiement des loyers échus à compter du décès de cette dernière jusqu’à la date de restitution des clés de l’appartement.

Très classiquement, sur le fondement de l’article 1751 du Code civil, la Cour d’appel de Paris a, par un arrêt du 26 juin 2014, débouté la société de sa demande, arguant que la société n’était pas en droit de demander à l’ex-conjoint le paiement des loyers échus « au motif que la cotitularité du bail prévue par la loi entre deux époux avait cessé à compter de la transcription du jugement de divorce ». Il s’agit ici, en la matière, d’une jurisprudence constante de la Cour de Cassation (cf. arrêt 2ème civ. du 3 octobre 1990 n°88-18.453).

Cependant, l’angle d’attaque choisi par la société était celui de la cotitularité conventionnelle. Elle fait valoir que l’ex-époux ne pouvait, du fait de son divorce, soutenir qu’il avait perdu la qualité de locataire, dans la mesure où le bail avait été signé par les deux époux et que, certes, leur divorce avait mis fin à la cotitularité légale du bail mais pas à la colocation conventionnelle de ce bail résultant d’une clause les engageant solidairement. En effet, certes, l’article 1751 du Code civil trouve ici à s’appliquer puisqu’il s’agit d’un couple marié mais les époux sont cotitulaires du bail d’habitation également en raison de leur participation conjointe à la conclusion du bail, durant leur mariage, sur lequel ils ont apposé leur signature et dans lequel est insérée une clause de solidarité. Il est important de noter que cette clause de solidarité peut prendre fin naturellement, c’est-à-dire par l’expiration du bail mais également de manière anticipée lorsque l’un des époux souhaite donner congé au bailleur. Etant donné, qu’en l’espèce, aucun de ces évènements n’est apparu, la société soutient que l’ex-conjoint restait solidaire au titre de la colocation conventionnelle.

L’arrêt rendu par la Cour de cassation le 22 octobre 2015 se veut être un arrêt de principe puisque la 3ème chambre civile vient contrecarrer l’argumentation de la SCI et fait droit à la décision prise par les juges du fond en affirmant que « la transcription du jugement de divorce ayant attribué le droit au bail à l’un des époux met fin à la cotitularité tant légale que conventionnelle ». Cette solution signifie donc que la transcription du jugement de divorce ayant attribué le droit au bail à l’un des époux aux registres de l’état civil met un terme à la cotitularité légale du bail mais également au contrat de bail signé par les deux époux puisque, désormais, seul cet époux désigné est titulaire du bail.

Il est incontestable que cette solution retenue par la Cour de cassation est favorable au preneur à bail. En effet, puisque ce dernier se voit dépossédé de sa qualité de locataire, il est exonéré de toutes les obligations afférentes à savoir d’une part de son obligation solidaire de payer les loyers et, d’autre part,  de son obligation de donner congé au bailleur. En revanche, cette solution est beaucoup moins favorable au bailleur qui voit son assiette de gage fortement réduite. Il ne pourra plus obtenir de la part de l’ex-époux le paiement des loyers échus après cette transcription du jugement de divorce aux registres de l’état civil ; ce qui rend inconfortable sa position en raison du fait qu’il peut être très difficile pour ce dernier d’être informé de l’évolution de la situation matrimoniale des époux, information capitale pour lui permettre d’anticiper ce genre de difficulté.

Marie CALLOCH

Sources :

- « Bail d’habitation et divorce : fin de la solidarité avec la transcription du jugement ». Editions Francis Lefebvre > Actualités > Immobilier > Location.

- « Cotitularité du bail entre époux : la transcription du jugement de divorce met fin à la cotitularité du bail tant légale que conventionnelle ». Actualités du droit. L’info par LAMY, pour les professionnels du droit.

- Me DRAY,  Joan. « La cotitularité du bail à usage d’habitation ». 

 

 

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