Market Place : Amazon est-il responsable de l’usage d’un signe contrefaisant par un vendeur tiers dans son marché en ligne ?

  Article publié le 27 janvier 2023

 

Capture d e cran 2022 12 04 a 15 59 04a CJUE s’est prononcée sur les affaires jointes qui opposaient Christian Louboutin à Amazon[1]. Elle a notamment dû répondre à des questions préjudicielles portant sur l’interprétation de l’article 9, paragraphe 2, sous a), du règlement (UE) 2017/1001 sur la marque de l’Union européenne.

En l’espèce, un vendeur tiers du marché en ligne d’Amazon publiait souvent des annonces de chaussures à semelles rouges.  Christian Louboutin, un créateur français, connu pour les semelles rouges dans les chaussures qu’il crée, conteste qu’il n’a pas donné son consentement pour la mise en circulation de ses produits et introduit deux recours en justice au Luxembourg[2] et en Belgique[3] contre Amazon.

Le requérant soutient qu’Amazon a fait illégalement usage d’un signe identique à la marque dont il est titulaire pour des produits identiques à ceux pour lesquels la marque en question est enregistrée. Il souligne notamment que les annonces litigieuses font intégralement partie de la communication commerciale d’Amazon.

Ainsi, les deux juridictions nationales se posent la question de savoir si l’exploitant d’une place de marché en ligne comme Amazon peut être tenu directement responsable de l’atteinte aux droits du titulaire d’une marque qui résulte d’une annonce d’un vendeur tiers. 

 

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Dans un arrêt du 22 décembre 2022, la CJUE, réunie en grande chambre, répond aux deux juridictions nationales.

Tout d’abord, la Cour, commence par rappeler que l’usage d’un signe identique à une marque par un tiers implique, à tout le moins, que ce dernier fasse un usage du signe dans le cadre de sa propre communication commerciale et que le simple fait de créer les conditions techniques nécessaires pour l’usage d’un signe et d’être rémunéré́ pour ce service ne signifie pas que celui qui rend ce service fasse lui-même usage dudit signe, même s’il agit dans son propre intérêt économique. À cet effet, dans un arrêt du 12 juillet 2011[4], elle a considéré que l’exploitant d’une place de marché en ligne tel qu’eBay, que l’usage de signes identiques ou similaires à des marques, dans des offres à la vente affichée sur cette place de marché, est fait uniquement par les clients vendeurs de cet exploitant et non pas par celui-ci, dès lors que ce dernier n’utilise pas ce signe dans sa propre communication commerciale.

Cependant, la Cour observe que dans la jurisprudence de 2011, elle n’était pas interrogée par rapport à la circonstance que le site Internet de vente en ligne en question intègre, outre la place de marché en ligne, des offres à la vente de l’exploitant de ce site lui-même, tandis que les présentes affaires portent précisément sur cette circonstance. Or, la Cour constate que ladite circonstance peut, le cas échéant, avoir pour conséquence que les utilisateurs de la place de marché en ligne ont l’impression que les annonces pour des produits en cause proviennent non pas de vendeurs tiers, mais de l’exploitant de cette place de marché et que c’est donc celui-ci qui utilise le signe en question dans le cadre de sa propre communication commerciale.

La CJUE relève qu’il appartient aux juridictions de renvoi d’apprécier si tel est le cas. Nonobstant, les faits que la société́ Amazon recourt à un mode de présentation uniforme des offres à la vente publiées sur son site Internet, affichant en même temps ses propres annonces et celles des vendeurs tiers et faisant apparaitre son propre logo de distributeur renommé sur l’ensemble de ces annonces et qu’elle offre des services supplémentaires à ces vendeurs tiers dans le cadre de la commercialisation de leurs produits, consistant notamment dans le stockage et l’expédition de leurs produits, sont des faits pertinents à prendre en considération dans cette appréciation.

En effet, ces circonstances peuvent porter à confusion et donner à l’utilisateur normalement informé et raisonnablement attentif l’impression que c’est Amazon qui commercialise, en son nom et pour son propre compte, les produits Louboutin offerts à la vente par des vendeurs du marketplace.

Par conséquent, Amazon peut effectivement être considéré comme faisant lui-même usage du signe identique à une marque de l’Union européenne, figurant dans l’annonce d’un vendeur tiers sur sa place de marché en ligne.

Jéssica P. Lima

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[1] CJUE, 22 déc. 2022, aff. jtes C‑148/21 et C‑184/21, Christian Louboutin c./ Amazon Europe Core Sarl et a.

[2] (C-148/21)

[3] (C-184/21)

[4] CJUE, 12 juil. 2011, aff. C-324/09

 

Bibliographie indicative

 

 

  • Direction de la Communication [CJUE]. (2022, 22 décembre). Market Place : Amazon fait elle-même usage du signe enregistré par Louboutin lorsque l’utilisateur de son site a l’impression que c’est elle qui commercialise, en son nom et pour son compte, des escarpins de la marque [Communiqué de presse]. https://curia.europa.eu/jcms/upload/docs/application/pdf/2022-12/cp220213fr.pdf
 
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