Dérogations au droit commun pour l'accélération du sauvetage des entreprises

La Covid-19 occupe nos vies depuis déjà un an et pourtant les entreprises françaises peinent encore à sortir la tête de l’eau après les dégâts causés. Des entreprises de transports aériens, en passant par les petites entreprises de proximité jusqu’aux plus grandes firmes mondiales telles que les fournisseurs d’énergie et de pétrole, aucune n’a été épargnée.

Des solutions ont dû être apportées rapidement aux entreprises faisant face à l’interruption, voire à la cessation totale, de leur activité. Courant mars 2020, le législateur décide de secourir les entreprises en adaptant les règles de procédure collective à la crise sanitaire, au détriment des dispositions du droit commun.

La méthode phare diligentée : une détection précoce des difficultés en entreprise. Pour cela, l’état de cessation des paiements a été gelé permettant aux entreprises de bénéficier de mesures préventives ou de procédures collectives. Concrètement, toute entreprise en insuffisance d’actif après le 12 mars 2020[1] était dispensée d’effectuer un état de cessation des paiements. Cet assouplissement a dès lors limité la responsabilité du dirigeant qui n’était plus tenu responsable du non-respect de son obligation légale de déclaration.

Assouplissement également des formalités lors de l’ouverture d’une procédure collective pour laquelle la présence du débiteur et le dépôt des prétentions ont été écartés facilitant une prévention rapide des difficultés. Pour ce faire, le législateur a étendu la procédure de conciliation jusqu’à dix mois à la demande du conciliateur[2] mais aussi en supprimant les seuils[3] applicables pour l’ouverture d’une procédure de sauvegarde accélérée[4]. Cela ayant pour effet de garantir à toute entreprise, peu important son chiffre d’affaires et le nombre de salariés, le bénéfice d’une telle procédure pendant la cessation des paiements, pourtant à l’origine réservé aux entreprises de taille importante. La dérogation au droit des entreprises en difficulté en période de crise sanitaire tient surtout à la prorogation des délais des procédures collectives mais aussi à la diminution de certaines échéances. C’est le cas notamment de la réduction à quinze jours, au lieu de trente initialement prévu, du délai de consultation des créanciers dans le cadre d’un plan de sauvegarde ou de redressement[5]. L’objectif est de gagner du temps et c’est ce qu’opèrent les dérogations aux délais de droit commun.

Mais l’allongement de la procédure de conciliation s’avère-t-elle réellement efficace pour les entreprises ? Si elle permet d’anticiper l’arrivée des difficultés dans l’entreprise, il n’en reste pas moins qu’elle n’en empêche pas la survenance.

Le 7 décembre 2020, a été adoptée la loi d’Accélération et de Simplification de l’Action Publique[6], dite ASAP, prorogeant les règles des entreprises en difficulté en période de crise sanitaire jusqu’au 31 décembre 2021. Certaines mesures dérogatoires ont été conservées, telles que celles précédemment citées, mais d’autres ont dû être abandonnées.

Une exception au droit commun[7] en date de mai dernier avait été instituée pour permettre au débiteur ou à l’administrateur désigné de former une requête au tribunal afin de proposer un projet de reprise, venant en contradiction aux dispositions du Code de commerce[8]. Dès lors, l’examen préalable obligatoire de la demande de reprise par le Ministère Public a été supprimé pour être réalisé en cours d’audience. Cette particularité procédurale a permis de faciliter la reprise où le dirigeant était le plus à même d’en assurer la continuité. Pourtant, la mesure n’a pas été prolongée par la loi ASAP. Le législateur craignait que le dirigeant ne reprenne sa société à prix vil en effaçant ses dettes et en réduisant ses effectifs. Pourtant, lors de l’audience le Ministère Public est chargé de vérifier le plan de cession et dispose d’une voie de recours suspensif contre la décision du tribunal.

Malgré des dérogations ingénieuses et anticipatives, on constate que la Covid-19 n’a pas fini de contaminer les entreprises, qui se trouvent pour certaines, au bord de la faillite.

Margaux YAGUES


[1] Ordonnance n°2020-341, 27 mars 2020.

[2] Art.1er ord. n°2020-1443 25 nov.2020.

[3] Art.3 ord. n°2020-596 20 mai.2020.

[4] Art.D.628-3 C. Commerce. : « Les seuils fixés en application de l'article L. 628-1 sont de vingt salariés, 3 000 000 euros de chiffre d'affaires hors taxe et 1 500 000 euros pour le total du bilan. ».

[5] Art.4 ord.2020-596 20 mai.2020.

[6] Loi ASAP n°2020-1525 7 déc.2020.

[7] Art.7 ord. n°2020-596 20 mai.2020.

[8] Art.L.642-3 C. Commerce. : « Ni le débiteur, au titre de l'un quelconque de ses patrimoines, ni les dirigeants de droit ou de fait de la personne morale en liquidation judiciaire, ni les parents ou alliés jusqu'au deuxième degré inclusivement de ces dirigeants ou du débiteur personne physique, ni les personnes ayant ou ayant eu la qualité de contrôleur au cours de la procédure ne sont admis, directement ou par personne interposée, à présenter une offre ».

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