Les conventions d’honoraires d’avocats face au contrôle des clauses abusives (Cass., Civ. 2e., 27 octobre 2022, n°21-10.739).

  Article publié le 19 décembre 2022

 

Avocats, attention aux clauses abusives dans la convention d’honoraires !

Capture d e cran 2022 12 06 a 16 00 18ans un arrêt du 27 octobre 2022[1], la deuxième chambre civile de la Cour de cassation s’est prononcée sur la question des clauses abusives dans le cadre d’une convention d’honoraires entre un avocat et son client. Cette décision mérite d’être analysée car c’est la première fois que les magistrats du Quai de l’horloge prononcent une sanction fondée sur le caractère abusif de clauses contenues dans une convention d’honoraires d’avocat. 

En l’espèce, le 20 mars 2014 une cliente a confié la défense de ses intérêts à une société d'avocats pour l'assister dans une procédure l'opposant à son époux. Une convention d'honoraires a été conclue. Cette convention prévoyait un forfait non remboursable de 3 500 euros TTC en cas de dessaisissement de l'avocat par le client, et une clause d'indemnité de dédit prévoyant, dans la même hypothèse, que l'honoraire restant à courir serait dû, plafonné à 2 500 euros HT.

Le 6 octobre 2015, la cliente décida de mettre fin au mandat confié à la société d’avocats. Par la suite, elle saisissait le bâtonnier de l’ordre des avocats du barreau de Paris d’une contestation d’honoraires afin d’obtenir le remboursement des honoraires versés au cabinet d’avocats. Le bâtonnier rendait sa décision de taxation le 21 décembre 2017. Par une décision rendue le 27 novembre 2020, le premier président de la Cour d’appel de Paris fait droit à la demande de la cliente, considérant que les deux clauses de dédit figurant dans le contrat étaient abusives et devaient par conséquent être réputées non écrites. La société d’avocats s’est vue condamnée par la même occasion à rembourser les honoraires versés par la cliente.

Ainsi, le cabinet d’avocats forme un pourvoi en cassation fondé sur deux moyens. La première branche du second moyen contestait la compétence du premier président pour se prononcer sur le caractère abusif des clauses d’une convention d’honoraires au motif qu’elle touche à l’existence ou à la validité du mandat confié à un avocat, qui échappe au champ de contestation des honoraires.

 

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La Cour de cassation rejette le pourvoi. Elle rappelle que dans les contrats conclus entre professionnels et consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat[2]

La Haute juridiction sanctionne ici les clauses de désistement et de dédit en ce qu’elles n’ont été établies que dans l’intérêt exclusif de l’avocat et qu’elles conduisent finalement à un déséquilibre manifeste des relations contractuelles. En l’espèce, par ces deux clauses de dessaisissement et de dédit, la cliente se trouve pénalisée pour avoir mis fin à la relation avec son avocat, entraînant le règlement d’un quantum prédéterminé d’honoraires totalement disproportionnés.

Par ailleurs, il convient souligner que dans une décision récente rendue le 22 septembre 2022, la Cour de justice de l’Union européenne[3]a répondu à une question préjudicielle, concernant les clauses abusives qui peuvent être contenues dans les conventions d’honoraires conclues entre les avocats et leurs clients. Elle réaffirme à cette occasion la place et le rôle du juge dans le contrôle de la relation contractuelle établie entre l’avocat et son client. En effet, la directive 93/13/CEE du 5 avril 1993, qui concerne les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs, s’applique à des contrats standardisés de services juridiques, telles des conventions d’honoraires, conclus par un avocat avec une personne physique qui n’agit pas à des fins entrant dans le cadre de son activité professionnelle.

Pour conclure, il appartient aux bâtonniers et aux premiers présidents des cours d’appel de procéder à l’examen des conventions d’honoraires litigieuses et de sanctionner, le cas échéant, toute clause abusive au sens du droit communautaire et du code de la consommation qui porterait atteinte aux droits et intérêts du client consommateur d’un service juridique.

Jéssica P. Lima

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[1] Cass. civ. 2e., 27 octobre 2022, n°21-10.739

[2] C. conso., art. L. 212-1

[3] CJUE, 22 septembre, Vicente c/ Delia, affaire C-335/21

 
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