Le démarchage conditionné par la présence du professionnel

Article publié le 30 décembre 2020

 

Par un arrêt du 9 décembre 2020[1], la première chambre civile de la Cour de cassation décide qu’un devis signé au domicile des consommateurs en l’absence du professionnel n’est pas un contrat hors établissement. En l’espèce, en 2011 un devis ayant pour objet l’installation de panneaux photovoltaïques avait été accepté par des consommateurs, lesquels contractent un emprunt pour satisfaire le paiement de leur achat. Il s’avère par la suite que l’installation du système de production d’électricité présente un dysfonctionnement de sécurité pour lequel le professionnel a manqué à ses obligations relatives au démarchage. C’est pourquoi les acquéreurs décident d’agir en résolution de leur contrat de vente et de crédit.

 

La Cour d’appel d’Aix-en-Provence, le 4 avril 2019, fait droit aux demandeurs. Les juges du fond estiment que la seule sollicitation des consommateurs par téléphone suffit à caractériser le démarchage. En effet, le démarchage est qualifié soit par des sollicitations personnelles et individuelles invitant le consommateur à se déplacer dans un lieu qui n’est pas le point de vente habituel du professionnel, ou soit le vendeur se rend directement au domicile du consommateur. Selon la Cour d’appel, les négociations nées entre les parties à la suite de la prospection n’ont aucune incidence sur la qualification d’un contrat de vente hors établissement.

La banque se pourvoi alors en cassation et soutient que l’opération de démarchage a été pratiquée par le professionnel au domicile des consommateurs mais qu’il n’a pas été constaté que le contrat, issu de la démarche, a été conclu en présence du professionnel. Et c’est notamment ce point fastidieux du litige que la première chambre civile va pointer du doigt.

L’arrêt d’appel est cassé par la haute juridiction au visa de l’ancien article L.121-21 du Code de la consommation[2] au motif que certes la vente hors établissement suppose la proposition d’un bien ou la fourniture d’un service au domicile d’une personne physique, ou à son travail, et dans un lieu qui n’est pas le point de vente habituel du professionnel. Toutefois, les dispositions du Code de la consommation requièrent la présence simultanée des parties à la conclusion du contrat. Or, en l’espèce, il n’a pas été relevé que l’auteur de la sollicitation était présent lors de la signature du devis au domicile des particuliers.

Si cette solution peut laisser entendre qu’elle limite la protection accordée aux consommateurs, elle permet en revanche de responsabiliser les particuliers. Cette position de la Cour de cassation vient s’ancrer dans les évolutions jurisprudentielles qui avaient émergé en matière de démarchage. Initialement, il suffisait que le professionnel se soit rendu une fois au domicile des consommateurs pour qualifier le déplacement de démarchage. C’est une conception large de la vente hors établissement qui était consacrée par la jurisprudence antérieure[3], et c’est notamment sur cette argumentation que se sont fondé les juges d’Aix-en-Provence. Par la suite, le démarchage a été conditionné à l’engagement contractuel du consommateur[4] et non plus à seule visite du professionnel. 

Ainsi, le consommateur pourra prétendre aux avantages des textes du Code de la consommation seulement lorsque le professionnel sera présent à la conclusion du contrat puisque la contrainte pouvant être exercée par ce dernier. En l’absence des deux parties, le particulier sera totalement libre de contracter et ne pourra aucunement se prévaloir des bénéfices du droit de la consommation.

Mais quid de la protection du démarchage des particuliers face à la perversité d’un professionnel qui déciderait d’effectuer des prospections téléphoniques et qui ne souhaiterait pas être présent à la signature du contrat ? Les parties auront tout intérêt à se tourner vers le démarchage téléphonique ou l’abus de faiblesse si elles estiment avoir été trompées.

                                                                                                                                                             Margaux YAGUES

 

 

[1] Civ 1ère 9 déc.2020 n°19-18.391.

[2] Anc. art.L.121-21 al.1er C. Conso. : - « Est soumis aux dispositions de la présente section quiconque pratique ou fait pratiquer le démarchage, au domicile d'une personne physique, à sa résidence ou à son lieu de travail, même à sa demande, afin de lui proposer l'achat, la vente, la location, la location-vente ou la location avec option d'achat de biens ou la fourniture de services ».

[3] J.D. PELLIER, « Retour sur le domaine du démarchage », 22 déc.2020, www.dalloz-actualité.fr.

[4] Cass. Crim 27 juin.2006 n°05-86.956

 
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