La rupture du contrat d’agence commerciale donne droit à indemnisation même si celle-ci est intervenue au cours de la période d’essai

Article publié le 22 février 2019

 

Dans un arrêt rendu le 23 janvier 2019, la chambre commerciale a censuré la décision de la Cour d’appel qui avait décidé que l’indemnité compensatrice prévue en cas de rupture du contrat d’agence commerciale n’était pas due si la rupture intervenait au cours de la période d’essai.

Cet arrêt met fin à un litige de plusieurs années opposant deux sociétés, litige qui s’est même retrouvé devant la Cour de Justice de l’Union Européenne (CJUE) à cause d’une question préjudicielle soulevée par la Cour de cassation.

En l’espèce, une société avait conclu avec une autre un contrat d’agence commerciale dans le but de construire des maisons. Ce contrat prévoyait une période d’essai de douze mois et à l’issue de laquelle il serait qualifié de contrat à durée indéterminée. L’une des clauses prévoyait toutefois la possibilité pour chacune des parties de résilier le contrat, à n’importe quel moment, à la condition de respecter un préavis. Le contrat est finalement résilié par le mandant au cours de la période d’essai, au motif que les objectifs prévus n’ont été pas atteints. L’agent commercial, souhaitant obtenir réparation du préjudice qu’il subissait du fait de cette rupture contractuelle, assigne le mandant en versement d’une indemnité compensatrice et de dommages et intérêts pour rupture abusive.

Dans un arrêt du 18 décembre 2014[1], la Cour d’appel d’Orléans refuse d’allouer à l’agent commercial cette indemnité compensatrice au motif que la rupture étant intervenue au cours de la période d’essai, celle-ci n’était donc pas due. C’est dans un premier arrêt de décembre 2016[2] que la chambre commerciale de la Cour de cassation sursoit à statuer afin de soumettre une question préjudicielle à la CJUE. Cette question portait sur l’interprétation de l’article 17 de la directive européenne du 18 décembre 1986[3]. La CJUE s’est prononcée sur cette question dans un arrêt du 19 avril 2018[4] et c’est à la lumière de cette interprétation que la chambre commerciale rend son arrêt du 23 janvier 2019.

Afin d’appuyer davantage sa décision, elle effectue un visa de l’article L.134-12 du Code de commerce relatif à la fin du contrat d’agence commerciale. Cet article dispose que l’agent commercial a droit à une indemnité compensatrice en cas de rupture du contrat du fait du mandant mais le deuxième alinéa de cet article précise que l’agent qui n’aurait pas notifié le mandant de son intention de faire valoir ses droits dans un délai d’un an à compter de la cessation du contrat, perdrait tout droit à réparation.

Respectant la vision de la Cour de Justice, la chambre commerciale affirme que le droit à réparation de l’agent commercial existe quand bien même la rupture de la relation contractuelle avec son mandant interviendrait au cours de la période d’essai. En l’espèce, rien ne semble s’opposer à une telle interprétation.

La Haute juridiction réfute donc le raisonnement de la Cour d’appel qui avait choisi de ne pas octroyer l’indemnité compensatrice à l’agent commercial.

De ce fait, la chambre commerciale, en voulant protéger l’agent commercial, semble  également vouloir encadrer la rupture d’un contrat liant deux partenaires commerciaux. En l’espèce, le mandant n’avait pas respecté la condition du préavis et c’est certainement pour le sanctionner que la Cour de cassation semble allouer une indemnité compensatrice à l’agent commercial qui n’a pu, par conséquent, anticiper la fin de cette relation contractuelle.  Cependant, elle ne se place pas cette fois-ci sur le fondement de l’article L.442-6 5° I du Code de commerce étant donné que des dispositions spécifiques sont prévues pour la cessation du contrat d’agence commerciale, ceci remettant encore un peu plus en cause la pertinence des sanctions prononcées sur ces dispositions.

 

Cyrille COSTE

 

 Sources :


[3] Directive 86/653/CEE du Conseil relative à la coordination des droits des États membres concernant les agents commerciaux indépendants

[4] C-645/16, société Conseils et mise en relations c/ société Demeures terre et tradition

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