Violation temporaire de la clause de non concurrence : privation définitive de la contrepartie financière

 

( Soc, 24 janvier 2024 n°22-20.926)

 

 

Le 24 janvier 2024, la Cour de cassation a confirmé que la violation de la clause de non-concurrence exclut le droit du salarié au versement de la contrepartie financière, même après la fin de la violation.

 

En l’espèce, le 11 janvier 2018, un salarié travaillant en tant que technico-commercial pour le compte d’une société, avec une clause de non-concurrence intégrée à son contrat de travail, décide de démissionner. Par la suite, il est recruté par un concurrent, mais son contrat est finalement rompu pendant la période d’essai.

 

L’employeur, considérant que cette seconde embauche constitue une violation de la clause de non- concurrence, assigne son ancien salarié, devant les juridictions prud’homales. Il demande l’interdiction pour le salarié de lui faire concurrence et réclame le paiement de certaines sommes d’argent. De son coté, le salarié cherche à obtenir le versement de la contrepartie financière prévue par la clause de non- concurrence.

 

Par un arrêt en date du 24 juin 2022, la Cour d’appel de Douai1 constate la violation de la clause de non- concurrence. Toutefois, étant donné que le salarié a mis fin à sa période d’essai, la Cour estime que la violation n’a duré que six mois. Après la période d’essai, aucune infraction n’étant caractérisée, l’employeur redevient donc débiteur de la contrepartie financière.

 

L’employeur forme un pourvoi en cassation en soutenant que la violation, même temporaire, de la clause de non-concurrence exclut de manière définitive le droit du salarié à la contrepartie financière.

 

La Cour de cassation censure les chefs du dispositif de l’arrêt condamnant l’employeur à payer au salarié des sommes à titre de solde d’indemnité de non-concurrence. La Haute juridiction rappelle que la violation de la clause de non-concurrence ne permet pas au salarié de prétendre au bénéfice de la contrepartie financière de cette clause, même après la cessation de sa violation.

 

Cette solution n’est pas nouvelle, la Cour de cassation ayant déjà jugé que «  la violation par le salarié de la clause de non-concurrence à laquelle il était soumis ne lui permettrait plus de prétendre au bénéfice de l’indemnité convenue, contrepartie d’une obligation à laquelle il s’est soustrait, quand bien même la violation aurait cessé2. »

 

Cette solution pourrait trouver sa justification sur le fondement de l’exception d’inexécution, permettant à l’employeur de suspendre le versement de la contrepartie financière lorsque le salarié viole son obligation de non-concurrence. Cependant, l’exception d’inexécution n’est qu’une sanction temporaire, car une fois que l’exécution redevient possible, la contrepartie est à nouveau exigible.

 

En réalité, cette solution découle de la nature de l’obligation de non-concurrence, qui est une obligation de ne pas faire, et dont l’inexécution est nécessairement définitive. Même si le salarié, après avoir violé la clause de non-concurrence, se conforme ultérieurement à son engagement, son inexécution justifie la suppression de la contrepartie financière et peut éventuellement entraîner la mise en jeu de sa responsabilité contractuelle.

 

Cette décision renforce la portée dissuasive de l’obligation de non-concurrence en soulignant que le salarié enfreignant une telle clause, même pour une période limitée, perd tout droit au versement de la contrepartie financière associée.

 

Eva THEBAULT.

 

SOURCES :

- Soc, 24 janvier 2024 n°22-20.926

- A. NIVERT, Fin de la clause de non-concurrence rime toujours avec la fin du droit à la contrepartie financière, Dalloz Actualité, 30 janvier 2024. Disponible sur : Fin de la violation de la clause de non-concurrence rime toujours avec fin du droit à la contrepartie financière - Social | Dalloz Actualité (dalloz-actualite.fr)

- T. RUCKEBUSCH, La violation de l’interdiction de concurrence libère l’employeur du versement de la contrepartie, quand bien même elle aurait cessé, Lexisnexis, 24 janvier 2024. Disponible sur : La violation de l'interdiction de concurrence libère l'employeur du versement de la contrepartie, quand bien même elle aurait cessé | Lexis Veille

 

 

 

1 Cour d’appel de Douai 24 juin 2022 n°20/01324

2 Soc, 3 mars 1993 n°88-43.820

 
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