Vers une réforme de la fiscalité des entreprises européennes

Le 25 octobre 2016, la Commission européenne rendait un rapport indiquant les différents projets visant à réformer la fiscalité des entreprises au sein de l’Union. Ce rapport s’est principalement articulé autour de la notion d’Assiette Commune Consolidée pour l’Impôt sur les Sociétés ( ACCIS ). Cette dernière est définie par la Commission elle-même comme « un ensemble unique de règles permettant de déterminer le résultat imposable d’une société au sein de l’UE ». Par cette réforme, la Commission européenne s’attaque à différents points sensibles de l’économie européenne.

Remédier à une trop grande diversité du marché unique en matière d’imposition sur les sociétés :

Le cumul des 28 régimes fiscaux différents de l’Union est source d’incohérence et parfois de trop grandes différences. A titre d’exemple, le site internet compta-en-ligne, inspiré par la Lettre Vernimmen n° 138 de mars, réalise le comparatif suivant concernant l’écart entre la France et le Royaume-Uni :

« Le même bénéfice avant impôt se traduit par un résultat après impôt de 21% supérieur outre-Manche à ce qu'il est ici, et donc par un autofinancement supérieur. Puisque le gouvernement britannique post-Brexit veut réduire le taux d'impôt sur les sociétés à 15%, le différentiel passerait alors à 29%. Même avec un taux réduit à 28% qui avait été promis pour 2017, le différentiel serait encore de 11% et pourrait remonter à 18% si le taux de l'impôt sur les sociétés tombait bien à 15% »

Sur ce constat, il est facilement compréhensible de voir la Commission européenne se pencher sur la fiscalité des entreprises au sein du marché unique qu’est l’Union européenne.

Grâce à l’ACCIS, les groupes d’entreprises exerçant des activités transfrontalières devront se conformer à un régime européen unique visant à déterminer leur revenu imposable de manière homogène, plutôt que de se conformer aux différents régimes nationaux où se trouve leur activité. Les groupes ainsi soumis au régime ACCIS auraient la possibilité de ne remplir qu'une seule déclaration fiscale consolidée pour l'ensemble de leurs activités au sein de l'UE.

Les résultats imposables consolidés du groupe seraient répartis entre chacune des sociétés qui le constituent par application d'une formule simple. Cela permettra à chaque Etat membre de soumettre les bénéfices des sociétés résidentes de cet Etat à son propre taux.

Attention cependant, l'ACCIS ne vise pas à fixer un taux d’imposition des sociétés aux différents groupes, car ce taux reste du domaine de la souveraineté nationale. Elle cherche uniquement à créer un système transparent et plus équitable pour calculer l’assiette imposable de ces entreprises. C’est cette modification qui va entraîner une réforme profonde de l’impôt sur les sociétés dans l’Union européenne.

Lutter contre l’évasion fiscale et la double imposition :

Pierre Moscovici, commissaire européen à l’économie a déclaré : « Jusqu’ici, nous avons fait beaucoup pour lutter contre la fraude fiscale et pour la transparence. En deux ans, nous avons mis fin au secret bancaire en Europe, institué l’échange automatique des rulings [rescrit fiscal] entre administrations, adopté une directive de lutte contre l’évasion fiscale. Nous préparons une liste des paradis fiscaux, qui doit voir le jour en 2017. »

En effet, étant donné que l'ACCIS sera obligatoire pour les plus grands groupes au sein de l'UE, les sociétés ayant une capacité de planification fiscale importante se retrouveront dans l'impossibilité d'éviter l'imposition.

En luttant contre la disparité énoncée précédemment, l'ACCIS permettra de limiter les régimes préférentiels ainsi que les rulings fiscaux dissimulés exploités par les fraudeurs, mis au goût du jour dans l’affaire du Luxembourg Leaks. Elle rendra en plus obsolète l’utilisation de prix de transfert.

Concernant la double imposition, la Commission proposera un large éventail de solutions aux membres de l’Union européenne en matière de règlement des différends sur la double imposition.

Améliorer l’environnement économique et la croissance au sein de l’Union européenne :

               Enfin, aboutissement de ce projet, la volonté de relancer l’investissement dans l’UE de 3,4% et la croissance jusqu’à 1,2%. L’ACCIS cherche à favoriser les investissements en faisant bénéficier les dépenses de recherche et développement d’une déduction majorée. D’autre part, elle récompense le financement par fonds propres et à encadrer les entreprises avec des règles solides et enfin réduit les formalités administratives qui ralentissent les échanges.

Ce projet est ambitieux et demandera la collaboration de tous les pays membres, mais à l’heure actuelle, il reste nécessaire pour assurer une bonne compétitivité des entreprises de l’Union européenne ainsi qu’une économie plus saine et fiable. C’est un tournant décisif pouvant réaffirmer la place de l’Union européenne dans le marché économique mondial.

Gwenn de Chateaubourg

Sources :

Détails sur le Luxembourg Leaks et le ruling fiscal :

 http://www.europaforum.public.lu/fr/dossiers-thematiques/2014/ruling/index.html

Détails sur le prix de transfert :

 http://www2.impots.gouv.fr/documentation/prix_transfert/entrep.htm

Définition ACCIS :

http://ec.europa.eu/taxation_customs/business/company-tax/common-consolidated-corporate-tax-base-ccctb_fr

http://eric-verhaeghe.entreprise.news/2016/07/21/entreprises-soumises-a-233-impots/

http://www.contrepoints.org/2016/11/07/270859-inventer-fiscalite-entreprises-intelligente

http://www.lemonde.fr/economie/article/2016/10/26/la-commission-europeenne-lance-une-reforme-majeure-de-la-fiscalite-des-entreprises_5020436_3234.html

http://www.lemondedudroit.fr/europe-international/222165-ue-vers-une-reforme-de-limpot-sur-les-societes-.html

http://www.compta-online.com/les-taux-impot-sur-les-societes-dans-le-monde-en-2016-ao2026

La lettre Verminemm n°138 de mars 2016

 
  • Aucune note. Soyez le premier à attribuer une note !

Ajouter un commentaire