La question du droit personnel du créancier suite à la clôture d’une liquidation judiciaire pour insuffisance d'actif

Article publié le 31 janvier 2018

 

Lors d’une procédure de liquidation judiciaire, il arrive que l’entreprise ne dispose pas de suffisamment d’actif pour faire face à l’ensemble de son passif. Dans cette situation, la seule issue demeure dans le prononcé par jugement de la clôture de la liquidation judiciaire pour insuffisance d’actif. Se pose alors la question des droits attachés à la personne du créancier qui n’a pas recouvré sa créance.

L’article L.643-11 du Code de commerce dispose que « Le jugement de clôture de liquidation judiciaire pour insuffisance d'actif ne fait pas recouvrer aux créanciers l'exercice individuel de leurs actions contre le débiteur ». Ce même article prévoit des exceptions au principe, parmi lesquelles «  que tout créancier est susceptible de pouvoir recouvrer son droit de poursuite individuel pour des créances portant sur des droits attachés à la personne du créancier ». La chambre commerciale de la Cour de cassation dans un arrêt en date du 13 décembre 2017 a rendu une décision inédite sur ce point.

En l’espèce, un entrepreneur individuel a acheté sa résidence principale grâce à un prêt bancaire obtenu le 13 mars 2007. Ensuite, il a fait publier une déclaration notariée d’insaisissabilité de cette résidence le 23 janvier 2008. Placé en liquidation judiciaire, la procédure a été clôturée pour insuffisance d’actif le 8 janvier 2013. La banque, qui avait octroyé le prêt immobilier à l’entrepreneur, a effectué une demande au tribunal de commerce afin d’être autorisée à reprendre ses poursuites individuelles à l’encontre de la résidence principale de l’entrepreneur sur le fondement de l’article L. 643-11, V, du Code de commerce

Le président du tribunal, a fait droit à la demande de la banque. Il a enjoint  l’entrepreneur individuel de payer à la banque le solde du prêt et lui a indiqué qu’à défaut de paiement volontaire de sa part, la somme ne pourrait être recouvrée que sur le seul produit de la vente de l’immeuble. L’entrepreneur individuel a alors fait appel de cette décision.

Le 5 mars 2015 la cour d’appel de Grenoble a infirmé le jugement rendu par le tribunal. Insatisfaite, la banque a formé un pourvoi en cassation en fondant son argumentaire sur l’article L. 643-11, I, 2° du Code de commerce, et précisant qu’elle était un créancier personnel  et antérieur à la déclaration d’insaisissabilité.

La Haute juridiction a confirmé la décision des juges d’appel. Elle considère que  « si l’article L. 643-11, I, 2°, du code de commerce, dont la banque revendique exclusivement l’application, autorise un créancier […]à recouvrer l’exercice individuel de son action contre lui, c’est à la condition que la créance porte sur des droits attachés à la personne du créancier ; qu’ayant exactement énoncé que n’entre pas dans cette catégorie le droit d’un créancier de saisir un immeuble objet d’une déclaration d’insaisissabilité qui lui est inopposable »

La chambre commerciale rend un arrêt intéressant, dans la mesure où  elle apporte des précisions sur le droit de poursuite des créanciers. Un « droit attaché à la personne du créancier » n’est pas la seule condition pour mettre en œuvre le droit de poursuite que possède un créancier de la procédure collective.  Les juges du droit précisent, dans cet arrêt, que c’est la nature de la créance qui doit être prise en compte pour l’application de l’article L. 643-11, I, 2° du Code de commerce. Le droit d’un créancier de saisir un immeuble objet d’une déclaration d’insaisissabilité qui lui est inopposable n’entre pas dans la catégorie des droits attachés à la personne du créancier.

La décision adoptée par la Cour de cassation paraît logique. Elle fait écho aux dispositions de l’article L.526-1 du Code de commerce, qui prévoit depuis la loi Macron de 2015, l’insaisissabilité de plein droit de la résidence principale de l’entrepreneur individuel. Si cette solution est inédite, la question se pose de savoir, avec l’introduction de la loi de 2015, si cette décision fera longtemps jurisprudence.

 

Jennifer CARRE

 

Sources :

-          Com, 13 décembre 2017, n° 15-28.357.

-          DELPECH Xavier, «Liquidation judiciaire : notion de droits attachés à la personne du créancier», Dalloz actualité - affaires, article publié le 17 janvier 2018, disponible sur : http://dalloz-actualite.fr

 

 

 

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