Les droits sociaux nés postérieurement à la dissolution de la communauté universelle échappent à la qualification de recel de communauté.

(Civ. 1re., 17 janv. 2024, n°22-11.303)

Par un arrêt de cassation en date du 17 janvier 2023, publié au bulletin, la première chambre civile de la Cour de cassation apporte des éclaircissements sur l'articulation entre les principes du droit patrimonial de la famille et les règles en droit des sociétés.

En l’espèce, un époux en instance de divorce, marié sous le régime de la communauté universelle, a déposé le 30 janvier 2012 une somme présumée commune sur un compte ouvert au nom d’une société civile immobilière en formation, correspondant, selon les statuts de la société, au montant de l’apport au capital social. La société a été immatriculée au registre du commerce et des sociétés le 29 février 2012. Le divorce du couple a été prononcé par un jugement le 21 janvier 2013, lequel a homologué l’état liquidatif fixant la date des effets du divorce entre les époux concernant leurs biens au 27 février 2012.

L'ex-épouse assigne son ex-époux en recel de communauté portant sur les parts sociales acquises par ce dernier au moyen de fonds présumés communs.

Par un arrêt du 27 janvier 2022, la Cour d’appel de Versailles donne raison à l’ex-épouse. Elle déclare que le mari avait commis un recel de communauté, aux motifs que la naissance des parts sociales devant revenir à l’associé au titre de son apport a lieu à la date du contrat de société, même si celui-ci ne peut les recevoir que lorsque la société est dotée de la personnalité juridique. Ainsi, les juges versaillais ont considéré que l’élément matériel du recel était établi, car les parts sociales de l’ex-époux, acquises avec des fonds présumés communs, sont nées avant la dissolution de la communauté.

L’ex-mari conteste l’arrêt et se pourvoit en cassation. Il demande aux magistrats du Quai de l’Horloge de déterminer si le recel en communauté est caractérisé dès lors que la société, dont les parts sociales ont été acquises par l’ex-mari, a été immatriculée après la dissolution de la communauté. Selon le demandeur au pourvoi, « les droits sociaux ne naissent et ne sont acquis qu’à compter de l’immatriculation de la société », alors que les juges d’appel ont situé la naissance des droits sociaux au jour de la constitution de la société."

Par sa décision du 17 janvier 2024, la Cour de cassation censure les juges du fond et répond négativement à la question du demandeur au pouvoi. Elle rappelle aux visas des article 1477 et 1842 du Code civil que les sociétés en participation jouissent de la personnalité morale à compter de leur immatriculation et elle affirme que les droits sociaux naissent à la date de l’immatriculation de la société. En l’espèce, la naissance des parts sociales avait eu lieu au moment de l’immatriculation de la société, le 29 février 2012. L’immatriculation de la société étant intervenue après la dissolution de la communauté, les parts sociaux acquises ne constituaient pas un effet de la communauté. La Cour de cassation en déduit que le recel ne pouvait donc être caractérisé.

Le recel de communauté résulte « de tout procédé tendant à frustrer un époux de sa part de communauté, et notamment résulter de la dissimulation de la valeur réelle d’un bien ». Pour que le recel soit caractérisé, encore faut-il prouver l’existence d’une communauté et démontrer que le bien incriminé en fasse partie, car le recel ne peut porter que sur des biens faisant partie de la communauté. Enfin, la dissimulation du bien doit avoir eu lieu avant la dissolution de la communauté. En l’espèce, les parts sociales nées après la dissolution de la communauté, ne peuvent être qualifiée d’effets de la communauté. Tant que l’immatriculation de la société n’a pas été réalisée, aucun transfert de valeur entre l’apporteur et la société n’a pu intervenir.

Dorian GABORY

Source :

  • ALVAREZ-ELORZA Alexis, « Exclusion du recel en cas de naissance des parts sociales postérieure à la dissolution de la communauté », [en ligne], La semaine juridique notariale et immobilière, Lexis 360, n°6, de février 2024, [consulté en février 2024]. https://lexis360intelligence.fr
 
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