La taxe d’apprentissage et de formation professionnelle face aux procédures collectives. Cass. com., 22 février 2017, n° 15-17.166.
- Par jurisactuubs
- Le 22/01/2024
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Les procédures collectives ouvrent une période particulière pour les sociétés, principalement concernant leurs créances. Celles-ci sont alors soumises au régime de l’article L 622-17 du code de commerce. Pour résumer très simplement, les créances nées antérieurement au jugement d’ouverture sont suspendues ou acceptées individuellement et les créances postérieures sont acceptées à condition d’être nées régulièrement pour les besoins du déroulement de la procédure ou en contrepartie d’une prestation fournie au débiteur. Cependant, ces créances ne sont pas toutes traitées de la même manière et certaines d’entre elles sont l’objet d’interrogations. C’est le cas notamment des créances issues de la taxe d’apprentissage et de la taxe de formation professionnelle. C’est donc ce point que la cour de Cassation s’est penchée ce 22 février 2017.
Concernant les faits, il s’agissait ici d’une société mise en sauvegarde judiciaire par un jugement du 6 novembre 2012, puis en redressement judiciaire le 11 février et enfin en liquidation judiciaire le 6 mai 2014. Etant assujettie à la taxe d’apprentissage ainsi qu’à la participation des employeurs à la formation professionnelle continue, le comptable du service des impôts des entreprises a mis en demeure la société de payer ces deux créances en considérant qu’il s’agissait de créances nées postérieurement au jugement d’ouverture. La cour a autorisé les organes de la procédure à régler les sommes dues pour l’année 2012. Le liquidateur a alors choisi de former un pourvoi en cassation.
La cour s’est donc vu soumettre deux questions essentielles pour le traitement des créances dans une procédure collective.
Dans un premier temps, la créance est-elle antérieure ou postérieure au jugement d’ouverture ? La naissance régulière de la créance dépend de son fait générateur. La Cour de cassation a donc affirmé que « Les employeurs sont astreints au paiement de la taxe d’apprentissage et de la participation au développement de la formation professionnelle à raison des salaires versés au cours de l’année écoulée, le fait générateur des créances fiscales résultant de cette obligation, et donc leur naissance régulière, se situe à la date à laquelle expire le délai qui est imparti aux employeurs pour procéder aux dépenses et investissements libératoires prévus par la loi, soit le 31 décembre de l’année considérée ». Grâce à ce raisonnement, la cour de Cassation a pu confirmer le fait qu’il s’agit ici bien d’une créance postérieure au jugement d’ouverture. Une solution cohérente qui permet de lever les incertitudes quant au fait générateur des créances fiscales.
Dans un second temps, cette créance désignée comme postérieure au jugement d’ouverture, est-elle « utile » au sens de l’article L 622-17 ? L’utilité des créances fiscales lors d’une procédure collective peut en effet être discutée, surtout au regard de la lettre de l’article L 622-17 : « Les créances nées régulièrement après le jugement d'ouverture pour les besoins du déroulement de la procédure ou de la période d'observation, ou en contrepartie d'une prestation fournie au débiteur pendant cette période, sont payées à leur échéance ». La Cour de cassation lève cependant le doute en affirmant ici que lorsque leur fait générateur se situe après le jugement d’ouverture de la procédure collective, ces créances fiscales représentent pour les entreprises qui y sont assujetties, une obligation légale et sont inhérentes à l’activité poursuivie après le jugement d’ouverture. Ainsi ces créances rentrent dans le cadre de l’article L 622-17.
La Cour de cassation répond ainsi à deux questions importantes dans le traitement des créances en procédure collective, leur localisation dans le temps et leur nécessité pour la procédure. Ces questions sont bien souvent plus compliquées lorsqu’il s’agit de créances fiscales. La Cour applique ici une solution qui au regard du droit en vigueur, semble cohérente, mais qui fait peser une charge supplémentaire sur le dos des entreprises en difficultés.
Gwenn DE CHATEAUBOURG
Sources :
Article L 622-17 du code de commerce
Arrêt du 22 février 2017 (15-17.166)
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