La force majeure ne peut pas être invoquée par le créancier de la prestation inexécutée

Article publié le 17 février 2021

 

 

Dans un arrêt rendu en date du 25 novembre 2020 (Cass. 1re civ., 25 novembre 2020, n° 19-21.060), la première chambre civile de la cour de cassation a décidé que la partie à un contrat qui, du fait dun événement de force majeure, na pas pu profiter de la prestation quil a payée ne peut pas obtenir lanéantissement du contrat en invoquant cet événement.

Pour rappel, en application de l’article 1218 du code civil, alinéa premier, il y a force majeure en matière contractuelle lorsquun événement échappant au contrôle du débiteur, qui ne pouvait être raisonnablement prévu lors de la conclusion du contrat et dont les effets ne peuvent être évités par des mesures appropriées, empêche lexécution de son obligation par le débiteur.

En l’espèce ici, des époux souscrivent et paient un hébergement auprès dun établissement de cure thermale mais ils doivent interrompre leur séjour de manière anticipée en raison de lhospitalisation de lun deux.

Soutenant navoir pu profiter dune grande partie de leur séjour en raison dune circonstance revêtant les caractères de la force majeure, ils demandent la résolution du contrat.

Par un jugement rendu en dernier ressort le 27 mai 2019, le tribunal d'instance de Manosque fait droit à la demande des époux.

La société décide de former un pourvoi en cassation. Selon elle, si la force majeure permet au débiteur dune obligation contractuelle d’échapper à sa responsabilité et dobtenir la résolution du contrat, cest à la condition quelle empêche lexécution de sa propre obligation. Les difficultés de santé de M. X ne lempêchaient aucunement dexécuter lobligation dont il était débiteur, mais uniquement de profiter de la prestation dont il était créancier. La société considère que le tribunal dinstance a violé larticle 1218 du Code civil.

Dans un arrêt en date du 25 novembre 2020, la haute juridiction valide l’argumentaire de la société. « Il en résulte que le créancier qui n'a pu profiter de la prestation à laquelle il avait droit ne peut obtenir la résolution du contrat en invoquant la force majeure. »

Cest la première fois que la Cour de cassation applique les dispositions du Code civil sur la force majeure issues de lordonnance du 10 février 2016 ayant réformé le droit des obligations.[1]

La force majeure, qui peut être non seulement une cause dexonération de responsabilité mais aussi une cause de résolution de plein droit dun contrat, suppose que le débiteur soit empêché dexécuter son obligation. Il en résulte que le créancier, empêché de bénéficier de la prestation, ne peut pas linvoquer pour obtenir lanéantissement du contrat.[2]

Avant lordonnance de 2016, la Cour de cassation avait jugé au contraire quun élève ayant conclu un contrat denseignement, qui ne pouvait plus suivre les cours pour des raisons de santé, avait valablement pu cesser de payer les frais de scolarité[3].

Mais cette décision était isolée et il a été jugé que le débiteur dune obligation contractuelle de somme dargent inexécutée ne peut pas sexonérer de cette obligation en invoquant un cas de force majeure[4].

Cyprien CAUX

 

[1] BRDA 24/20, n°11

[2] BRDA 24/20, n°11

[3] Cass. 1e civ. 10 février 1998 no 96-13.316 : Bull. civ. I no 53

[4] Cass. com. 16 septembre 2014 no 13-20.306

force majeure Droit des contrats

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