La prise d'acte, un acte n'ouvrant pas droit au versement de l'indemnité pour procédure de licenciement irrégulière

Article publié le 21 décembre 2016

 

( Soc., 14 octobre 2016)

« Auto-licenciement », c'est ainsi que l'on pourrait qualifier la prise d'acte d'un contrat de travail faite par un salarié. Celle-ci permet au salarié de rompre immédiatement le contrat de travail qui le lie à l'employeur pour manquement de ce dernier à ses obligations. Ce mode de rupture n'a pas de régime légal, c'est pourquoi la jurisprudence ne cesse d'étoffer les contours de cette notion d'origine prétorienne[1].

L'arrêt de la chambre sociale de la Cour de cassation en date du 14 octobre 2016 revêt un intérêt particulier car c'est la première fois que la solution en la matière est inscrite au bulletin. La question était ici de savoir si le salarié dont la prise d'acte était justifiée pouvait prétendre à l'indemnité due en cas de procédure de licenciement irrégulière.

En l'espèce, un salarié qui avait conclu un contrat de travail avec une entreprise a pris acte de la rupture de son contrat. Il a alors saisi la juridiction prud'homale pour demander le versement de l'indemnité due en cas de procédure de licenciement irrégulière. La cour d'appel de Cayenne, dans son arrêt du 23 juin 2014, a condamné l'entreprise au versement de cette indemnité. Cette dernière a alors formé un pourvoi en cassation. La haute juridiction rappelle le principe posé par l'article L1235-2 du Code du travail qui interdit le cumul entre indemnité pour procédure de licenciement irrégulière et indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse. Elle précise que l'indemnité prévue par le texte susvisé ne peut être allouée que lorsque le contrat est rompu par un licenciement. Or, la cour d'appel qui retient que la rupture produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, tout en condamnant la société au versement de l'indemnité pour procédure irrégulière, a violé l'article L1235-2 du Code du travail. C'est pourquoi la Cour de cassation casse l'arrêt.

La Cour de cassation avait estimé qu’il fallait opérer un léger contrôle des griefs invoqués par le salarié pour savoir si la prise d’acte justifiait la rupture du contrat de travail[2]. Le salarié prenant acte de la rupture de son contrat de travail doit saisir dans un délai d’un mois le juge prud’homal pour qu’il statue sur les effets de la rupture. Ainsi, s’il s’avère que les motifs de la rupture sont fondés, alors on estime que la prise d’acte produit les mêmes effets qu’un licenciement sans cause réelle et sérieuse. A ce titre, elle ouvre le droit à l’allocation de diverses indemnités. En revanche, si les motifs ne sont pas fondés, alors on la considérera comme une démission.

C’est pourquoi l’arrêt du 14 octobre 2016, qui reste fidèle à la jurisprudence antérieure, paraît justifié. Tout d'abord parce que la prise d'acte n'est pas en soi un licenciement, mais peut s'analyser comme étant un mode de rupture autonome. Cette rupture est initiée par le salarié, c'est pourquoi condamner l'employeur au versement de l'indemnité pour procédure irrégulière semble difficile, d'autant plus que le salarié n'a aucun préavis à respecter. De plus, l'article L1235-2 du Code du travail dispose que « Si le licenciement d'un salarié survient sans que la procédure requise ait été observée, mais pour une cause réelle et sérieuse, le juge impose que l'employeur verse une indemnité ». Cet article exprime de façon intelligible le fait que dès lors qu'un licenciement est sans cause réelle et sérieuse, l'indemnité pour procédure irrégulière n'est pas due. Ainsi dès lors qu'une prise d'acte produit les mêmes effets qu'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, l'indemnité pour procédure irrégulière n'a pas à être allouée. Cela semble logique puisque l'employeur sera déjà tenu au versement de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse. Les deux ne sont donc pas cumulatives.

 

Camille Rio

 


[1] La rupture d’acte a été consacrée par trois arrêts 25 juin 2003 affirmant que « lorsqu’un salarié prend acte de rupture de son contrat de travail en raison des faits qu'il reproche à son employeur, cette rupture produit les effets d'un licenciement si les motifs sont fondés, soit d'une démission s'ils avèrent être infondés ». ( Cass. Soc., 25 juin 2003)

 
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