La portée de la clause de juridiction réitérée par la Cour de cassation

Article publié le 18 février 2017

 

Par un arrêt en date du 18 janvier 2017, la première chambre civile de la Cour de cassation est venue entériner la portée de la clause attributive de juridiction dans les contrats internationaux.

En l'espèce, une société anglaise et une société française ont conclu un contrat de distribution. Dans ce contrat figurait une clause qui stipulait que «le présent contrat est soumis à la loi anglaise et les parties se soumettent de façon irrévocable à la compétence exclusive des juridictions anglaises». La société anglaise a rompu le contrat. Estimant qu'il s'agissait d'une rupture brutale, la société française a alors assigné la société anglaise devant les juridictions françaises. Celle-ci a soulevé l'exception d'incompétence des juridictions françaises fondée sur la clause attributive de juridiction. La cour d'appel de Paris dans son arrêt du 3 septembre 2015 a accueilli favorablement cette demande.

La société française a alors formé un pourvoi en cassation. Elle invoque dans un premier temps que la cour d'appel n'a pas justifié sa décision. En effet, en déclarant que la clause attributive de compétence était applicable à la rupture brutale, et de ce fait consubstantiellement la législation anglaise, la cour d'appel n'a pas regardé si celle-ci contrevenait à l'ordre public économique français, et plus particulièrement à l'article L442-6 du Code de commerce. Dans un second temps, elle estime que la rupture brutale qui a pour fondement la responsabilité délictuelle ne rentrait pas dans le champ d'application de la clause qui se limitait aux obligations contractuelles. Par conséquent la cour d'appel a violé l'article 23 du règlement du 22 décembre 2010.

Les juges du droit ont rejeté le pourvoi formé par la société française en précisant que la clause présente dans le contrat ne se limitait pas aux obligations contractuelles, mais que par la référence « présent contrat » celle-ci concernait l'ensemble des litiges découlant de la relation contractuelle. Par ailleurs, la clause attributive de compétence de juridiction s'applique quand bien même il existerait au fond des lois de police.

Une clause attributive de compétence se définit comme étant « une disposition d'un contrat par laquelle les parties conviennent de confier le règlement d'un éventuel litige à une juridiction déterminée ». C'est ce que l'on appelle également le forum shopping. Cela permet aux parties de choisir une juridiction compétente entre plusieurs juridictions compétentes et qui rendra une solution plus favorable à leurs intérêts. On peut alors constater que les parties bénéficient d'une grande autonomie.

La Cour de cassation qui a admis que le champ d'application de la clause n'était pas seulement restreint aux obligations contractuelles mais à tous les litiges découlant de cette relation, démontre sa volonté de ne pas entraver l'autonomie des parties au contrat et de ne pas s’immiscer dans la relation contractuelle. On peut alors dire que le caractère général de la clause profite à l'autonomie des parties. Il sera donc préférable pour les parties de préciser quelles sont les obligations concernées par la clause si elles ne souhaitent pas que l'ensemble de la relation contractuelle soit régie par la juridiction désignée dans cette dernière.

De surcroît, les juges du quai de l'horloge admettent la validité de la clause alors même qu'il pourrait exister une loi de police. Celle-ci est une disposition impérative permettant de protéger l'ordre public d'un pays. Une telle décision avait déjà été admise dans un arrêt de 20081. Dans cette affaire, la cour d'appel avait écarté la clause au motif qu'il existait une loi de police dans l'ordre juridique français. Cet arrêt avait été censuré par la Cour de cassation qui avait estimé que la clause devait être appliquée indépendamment de la détermination du fond applicable. Ceci paraît logique dans la mesure où avant de savoir quels textes sont applicables, il faut déjà savoir quelle juridiction est capable de trancher le litige. Il convient donc de distinguer l'ordre juridictionnel et l'ordre législatif.

 

Camille RIO

Sources :

 

 

 

 

 


 

 
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