Reconnaissance du préjudice moral de l’enfant simplement conçu

Article publié le 5 février 2018

 

L’enfant dont le père est décédé accidentellement alors qu’il était simplement conçu peut demander la réparation du préjudice moral lié à cette absence. Telle est la décision de la deuxième chambre civile de la Cour de cassation rendue le 14 décembre 2017.

En l’espèce, un intérimaire est décédé accidentellement dans l’exercice de sa mission. Sa veuve, enceinte au moment du décès, a saisi le tribunal des affaires de la sécurité sociale aux fins de faire constater que l’accident ayant coûté la vie à son époux était dû à une faute inexcusable de l’employeur. Agissant en son nom propre et au nom de ses deux enfants, y compris de son enfant né après l’accident, elle souhaite par ce biais obtenir réparation de leur préjudice.

Le tribunal des affaires de la sécurité sociale a accueilli la demande de la requérante et condamné l’employeur et son assureur à indemniser le préjudice de la veuve et ses deux enfants.

La cour d’appel de Metz confirmant cette décision, l’employeur et son assureur ont formé un pourvoi en cassation. Ils contestent l’existence du préjudice direct et certain de l’enfant né après le décès de son père retenu par les juges du fond.

Rejetant leur argumentaire, la Cour de cassation considère que « l’enfant peut demander réparation du préjudice résultant du décès accidentel de son père survenu alors qu’il était conçu ». Elle approuve la cour d’appel qui fondait sa décision sur la souffrance de l’enfant découlant de l’  « absence définitive de son père décédé ». Souffrance qui permet à la fois de caractériser l’existence du préjudice moral et d’établir le lien de causalité entre ce préjudice et l’accident ayant coûté la vie à son père.

C’est la première fois que la Cour de cassation reconnait l’existence du préjudice moral d’un enfant simplement conçu lors du décès accidentel de son père et accepte, en conséquence, sa réparation.

La portée de cette décision pose cependant question. En effet, il semble que les juges du droit, dans la rédaction de l’attendu, aient à la fois étendu et limité son champ d’application.

Dans les faits, l’accident était dû à une faute inexcusable de l’employeur. La Cour de cassation ne reprend pas la condition relative à la faute inexcusable et se contente d’évoquer le décès « accidentel ».  Ici, la Cour de cassation étend le champ d’application de sa décision qui a ainsi vocation à s’appliquer pour tout décès accidentel, qu’ils soient liés ou non à une faute inexcusable.

Toutefois, la Haute juridiction restreint sa décision au décès du père. Cela donne lieu à au moins deux interrogations.

Qu’en est-il du préjudice moral découlant du décès accidentel de la mère ou des frères et sœurs lorsque l’enfant est simplement conçu ? Il est tout à fait possible que la mère décède juste avant ou durant l’accouchement.

Ensuite, le préjudice moral de l’enfant lié à l’invalidité de son père à la suite d’un accident est-il également réparable ? Les juges du fond ont déjà admis la réparation de ce préjudice dans une telle situation. Effectivement, le 17 septembre 2012, le TGI de Niort a reconnu le préjudice d’affection des enfants simplement conçus au moment de l’accident ayant rendu leur père paraplégique. Les juges du fond ont considéré que le préjudice d’affection résidait alors dans le fait d’être quotidiennement aux côtés d’un père physiquement « très amoindri ».

Par cette décision du 14 décembre 2017, la Cour de cassation reconnait un nouveau droit à l’enfant simplement conçu qui s’ajoute à son droit de succéder posé à l’article 725 du Code civil.

Cette évolution peut notamment être justifiée par l’adage infans conceptus pro nato habetur quoties de comodo ejus agitur, selon lequel l’enfant simplement conçu est considéré comme né chaque fois qu’il en va de son intérêt même si la Cour de cassation n’y fait pas de référence directe dans son arrêt du 14 décembre 2017.

 

Amélie PERROTIN

Sources :

-          J. GALLOIS, L’enfant simplement conçu peut-il réellement se prévaloir d’un préjudice d’affection ?, Revue Lamy droit des affaires, n°8, 1er sept. 1998, mis à jour 2012, disponible sur : www.lamyline.fr .

-          Civ. 2ème, 14 décembre 2017, n° 16-26.687

-          TGI Niort, 17 septembre 2012, n° 11.185

 

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