Mediator : la Cour de cassation facilite l’indemnisation des victimes

Civ. 1ère, 15 nov. 2023, n° 22-21.174

Dans quatre arrêts similaires rendus par la première chambre civile le 15 novembre 2023, la Cour de cassation précise les modalités facilitées d’indemnisation des victimes de l’affaire « Mediator ».

En l’espèce, une dame s’est vu prescrire le médicament « Mediator » de 2006 à 2008. Par la suite, elle a présenté des lésions cardiaques.

Le 14 octobre 2011, elle a saisi le collège d'experts de l'Office National d'Indemnisation des Accidents Médicaux (l'ONIAM) qui, par un avis du 21 juillet 2015, a retenu que son dommage était imputable à ce médicament. Par lettre du 16 octobre 2015, le fabricant, a adressé à la victime une offre d'indemnisation, qu’elle a refusé.

Le 7 juillet 2020, la patiente a assigné, sur le fondement de la responsabilité du fait des produits défectueux, puis sur celui de la responsabilité extracontractuelle de droit commun, lequel a opposé la prescription.

La cour d’appel[1] a retenu la prescription, puisque l’assignation a été délivrée plus de trois ans après la connaissance du dommage, acquise à la date de l’avis d’experts. D'autre part, elle a retenu que la faute reprochée au laboratoire, comme étant un manquement au devoir de vigilance et de surveillance, n'était pas distincte du défaut de sécurité du produit, de sorte que la responsabilité délictuelle pour faute ne saurait se substituer au régime de la responsabilité du fait des produits défectueux. La patiente a alors formé un pourvoi en cassation.

La Cour de cassation casse et annule la décision de la cour d’appel. Elle profite de ces arrêts pour rappeler les modalités du régime d’indemnisation. En effet, il découle des articles 1386-18 et 1382[2] du Code civil que les dispositions relatives à la responsabilité du fait des produits défectueux ne portent pas atteinte aux droits de la victime de choisir entre plusieurs fondements. Pour ce faire, elle s’appuie sur les dispositions de l’article 13 de la directive 85/374/CEE et sur une décision de la Cour de Justice[3].

Il est à retenir qu’une victime d’un produit défectueux peut agir en responsabilité contre le producteur de celui-ci sur le fondement de l’article 1240 du Code civil si elle réussit à démontrer que le dommage qu'elle a subi provient d’une faute du producteur et non du produit directement, comme peut l’illustrer un arrêt de 2018[4]. La Cour de cassation est claire, la faute du producteur repose dans le fait qu’il ait laissé consciemment le produit sur le marché en sachant qu’il était potentiellement dangereux pour ses consommateurs, ce qui cause aussi un manquement à son devoir de vigilance.

La Haute juridiction opère un revirement et offre la possibilité aux victimes du Mediator de bénéficier d’un des deux régimes de responsabilité alors qu'auparavant il était indispensable de démontrer une faute détachable. Cette nouvelle possibilité offre alors un rallongement du délai de prescription étant donné que l’action fondée sur la faute du producteur offre un délai de dix ans contre trois ans concernant la responsabilité du fait des produits défectueux. Néanmoins, en optant pour la responsabilité du fait des produits défectueux, la victime n’a pas à démontrer la faute commise par le laboratoire.

Dans une vision comparatiste, cet arrêt peut être mis en parallèle avec l’arrêt Donoghue v. Stevenson[5] connu en Common Law pour être l’arrêt fondateur de la responsabilité des fabricants. Dans cet arrêt, Mme Donogue tombe malade à la suite de sa dégustation d'une boisson dans un bar. Un escargot mort était en décomposition à l'intérieur de la bouteille opaque. Le consommateur met alors en cause la responsabilité du fabricant pour négligence. Les juges anglais relèvent que, malgré le fait qu’il n’existe pas de contrat liant le consommateur et le fabricant, ce dernier conserve toujours une obligation de diligence suffisante[6] envers ce qu’il produit. Concernant le Mediator, il repose aussi une obligation de diligence pour le fabricant.

 

Léna RABILLARD

 

SOURCES :

-CAYOL A., « Mediator : possibilité d’agir contre le producteur sur le fondement de la responsabilité du fait personnel », (en ligne), Dalloz actualité, Dalloz, 01 décembre 2023, (consulté le 5 décembre 2023)

-PEREIRA C., « La victime d’un dommage imputé à un produit défectueux peut agir en responsabilité contre le producteur sur le fondement du droit commun de la responsabilité pour faute », (en ligne), Lamyline, 21 novembre 2023, (consulté le 5 décembre 2023)

-PEIGNE J., « Mediator : précisions de la Cour de cassation sur l’appréciation du lien de causalité et l’application de l’exonération pour risque de développement », (en ligne), Dalloz actualité, Dalloz, 26 janvier 2024, (consulté le 5 février 2024)


[1] CA Versailles, 7 juillet 2022, n°21/06043.

[2] Devenus 1245-17 et 1240 du Code civil.

[3] Directive 85/374/CEE du Conseil du 25 juillet 1985 relative au rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres en matière de responsabilité du fait des produits défectueux et l'arrêt rendu par la Cour de justice des Communautés européennes le 25 avril 2002 (aff. C-183/00, Gonzales Sanchez).

[4] Civ. 1re, 11 juill. 2018, n° 17-20.154.

[5] Donoghue (or McAlister) v Stevenson, [1932] AC 562 House of Lords.

[6] « Duty of care » = obligation de diligence

 
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