Le devoir de vigilance adopté par l'Assemblée nationale le 21 février 2017

Article publié le 2 mars 2017

 

 

Après un débat législatif de plus de trois ans, l'Assemblée nationale a adopté la proposition de loi relative au devoir de vigilance des sociétés mères et des entreprises donneuses d'ordre. Vue d'un côté comme un « texte de régulation de la mondialisation » et d'un autre comme une « loi punitive des grandes entreprises françaises », cette proposition de loi a fait coulé beaucoup d'encre. Cette adoption est saluée par de nombreuses Organisations non-gouvernementales (ONG) y voyant une avancée en matière de prise de conscience nationale et de respect des droits de l'Homme par les multinationales. Néanmoins, elle est considérée du côté des entreprises comme ambiguë et dangereuse, dans la mesure où les sociétés peuvent engager leur responsabilité bien que la nature des obligations à respecter n'est pas expressément définie.

 

Selon l'article 1, est concernée toute société ayant son siège sociale en France qui emploie au minimum 5000 salariés et au minimum 10 000 salariés si son siège social se trouve à l'étranger. Toujours selon ledit article, les sociétés entrant dans le champ d'application devront « [mettre] en œuvre de manière effective un plan de vigilance ». La vocation de ce texte est préventif, c'est à dire qu'il vise à prévenir les atteintes substantielles aux droits de l'Homme, aux libertés fondamentales, à la santé et la sécurité des personnes ou encore au droit de l'environnement. Les sociétés concernées doivent être vigilantes aux manquements éthiques ou environnementaux des sociétés qu'elles contrôlent, ainsi qu'à ceux de leurs sous-traitants ou de leurs fournisseurs « avec lesquels est entretenue une relation commerciale établie ».

 

Cette réglementation vise à stopper la pratique de la « politique de l'autruche » des grandes entreprises quant à la manière dont les sous-traitants opèrent leurs activités. A la suite du drame du Rana Plaza qui a touché le Bangladesh, une prise de conscience est intervenue contre l'impunité des multinationales. Bien que ce texte soit acclamé, plusieurs éléments viennent nuancer l'engouement des partisans.

 

Tout d'abord, le seuil retenu pour déterminer les sociétés entrant dans le champ d'application restreint sa portée. Le seuil initialement établit à 500 a été rehaussé à 5000 sous la pression des opposants. Ainsi, seules 150 à 200 sociétés françaises sont concernées par ce devoir de vigilance.

 

De plus, aucune sanction pénale ne pourra être prise contre les dirigeants d'entreprise. Toute violation aux obligations consacrées par l'article 1 ne peut être sanctionnée que par une amende civile, ne pouvant excéder 10 millions d'euros.

 

Par ailleurs, un autre point négatif est soulevé par les partisans ; celui de la charge de la preuve. En effet, il incombe à celui qui se prévaut d'un dommage de le prouver. Le plaignant devra alors établir le lien entre le préjudice subi et le manquement au devoir de vigilance de l'entreprise.

 

Pour conclure, il convient de souligner la volonté préventive de cette proposition de loi. Le but recherché n'est pas de faciliter les procès à l'encontre des entreprises multinationales mais bien de faire peser la condition humaine dans les décisions. L'introduction de ce devoir de vigilance serait alors un premier écho pour un changement d'envergure internationale.

 

Lucie TALET

 

Sources :

 

 
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