Dans la lutte contre les violences conjugales, une nouvelle proposition de loi vient d'être approuvée

 

Proposition de loi n°1970 visant à allonger la durée de l’ordonnance de protection et à créer l’ordonnance provisoire de protection immédiate

Le 22 janvier 2024, une proposition de loi visant à renforcer le cadre législatif contre les violences conjugales a été approuvée par la commission des lois. Cette proposition vise à prolonger la durée de l'ordonnance de protection et à introduire une ordonnance provisoire de protection immédiate1.

Instaurée par la loi du 9 juillet 20102, l'ordonnance de protection s’inspire de l'ordonnance restrictive américaine, communément appelée « restraining order ». Cette mesure d'urgence, délivrée par le juge aux affaires familiales, a pour objectif de protéger les victimes, y compris les enfants, confrontées à des violences au sein du couple.

La procédure est encadrée par les articles 515-9 à 515-13 du Code civil et les articles 1136-3 à 1136-15 du Code de procédure civile. Pour bénéficier de cette protection, la victime doit démontrer deux conditions: la vraisemblance des violences et la vraisemblance d'un danger.

Les juges aux affaires familiales, dans le cadre d'une ordonnance de protection, peuvent prendre différentes mesures, notamment :

-Interdire à l'auteur des violences de recevoir ou de rencontrer certaines personnes spécialement désignées par le juge.

-Interdire à l'auteur des violences de se rendre dans certains lieux spécialement désignés par le juge dans lesquels se trouve de façon habituelle la victime.

- Se prononcer sur les modalités d'exercice de l'autorité parentale et, au sens de l'article 373-2-9 du Code civil, ainsi que sur les modalités du droit de visite et d'hébergement.

D’une part, actuellement, l’ordonnance de protection a une durée maximale de 6 mois. Cette période peut être prolongée une seule fois dans deux cas spécifiques: lorsqu’une demande de divorce ou de séparation de corps a été déposée, ou lorsque le juge aux affaires familiales a été saisi d’une demande concernant l’exercice de l’autorité parentale. Force est de relever que l’allongement de cette période est exclue pour les couples non mariés n’ayant pas d’enfant.

Ainsi, l’article 1er de la proposition vise à étendre de 6 à 12 mois la durée maximale des mesures prononcées au titre de l’ordonnance de protection.

D’autre part, l’ordonnance de protection est délivrée dans un délai de 6 jours à partir de la saisine du juge aux affaires familiales. Cependant, cette période de carence peut s’avérer critique pour la requérante, exposée à un danger immédiat.

Par conséquent, la proposition introduit une ordonnance provisoire de protection immédiate à la demande du Ministère public, avec l’accord de la personne en danger. Ce dispositif vise à être mobilisé lorsque la situation de la personne en danger nécessite une protection d’urgence, avant l’expiration du délai de six jours. L’ordonnance est alors délivrée de manière non contradictoire par le juge aux affaires familiales dans un délai de 24 heures.

Enfin, l’article 2 de cette proposition prévoit que le non-respect des obligations d’une ordonnance provisoire de protection immédiate sera puni d’une peine d’emprisonnement de 3 ans. Il s’agit d’une sanction plus sévère que celle prévue pour l’ordonnance de protection simple, fixée à 2 ans.

Cette démarche visant à instaurer un dispositif efficace pour protéger les victimes de violences conjugales est louable. Toutefois, des interrogations légitimes émergent quant à la capacité du juge aux affaires familiales, déjà confronté à une charge importante de travail, à traiter ces demandes dans le délai requis.

Par ailleurs, il est regrettable qu’aucune disposition n’allège la condition du « danger vraisemblable » nécessaire à la mise en œuvre de l’ordonnance de protection. En effet, cette notion contraint les magistrats à hiérarchiser les violences, en distinguant celles qui représentent un danger de celles qui ne le seraient pas. Néanmoins, peut-on réellement envisager des violences qui ne mettent pas en danger la personne qui les subit ?

Eva THEBAULT.

SOURCES :

- Proposition de loi n°1970 visant à allonger la durée de l’ordonnance de protection et à créer l’ordonnance provisoire de protection immédiate

- Salomé PAPILLON et André PASSEROTTE, «  L’ordonnance de protection en 24 heures : vitesse ou précipitations ? » Dalloz Actualité, 30 mars 2023. Disponible sur: L’ordonnance de protection en 24 heures : vitesse ou précipitation ? - Pénal | Dalloz Actualité (dalloz-actualite.fr)

- Pierre JANUEL, « Une loi pour une ordonnance de protection plus rapide et plus longue, » Dalloz Actualité, 19 janvier 2024. Disponible sur : Une loi pour une ordonnance de protection plus rapide et plus longue - Civil | Dalloz Actualité (dalloz-actualite.fr)

1 Proposition de loi n°1970 visant à allonger la durée de l’ordonnance de protection et à créer l’ordonnance provisoire de protection immédiate

2 La loi n° 2010‑769 du 9 juillet 2010 relative aux violences faites spécifiquement aux femmes, aux violences au sein des couples et aux incidences de ces dernières sur les enfants.

 
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